Guénaëlle de Carbonnières : une poétique de l’archéologie

Guénaëlle de Carbonnières : une poétique de l’archéologie
Jusqu’au 18 mars, la Galerie Binome accueille une exposition de Guénaëlle de Carbonnières, Les marées de pierre. Photographe iconoclaste, cette dernière donne vie à des images archéologiques poétiques et crée un point de rencontre entre la photographie et l’art plastique.

« Guénaëlle de Carbonnières appartient à une génération d’artistes pour laquelle l’image ne se réduit pas à une affaire de représentation. Ce qu’il y a “à voir” doit désormais dépendre de l’expérience plastique, c’est la seule façon de montrer autrement, en faisant de la matière même et des gestes, les acteurs de tout premier plan. » Ces mots, tirés du texte À l’intérieur des images de l’historien de la photographie Michel Poivert, résument parfaitement le travail de Guénaëlle de Carbonnières. Cette artiste, dont la démarche s’extrait de la simple représentation du réel, donne vie à une archéologie du photographique. Une exploration qu’elle accomplit en travaillant ses images selon d’anciens procédés. Son art exploite et détourne les potentialités du médium en mélangeant harmonieusement le numérique, l’analogique et l’art plastique. Dans sa série Les marées de pierre, exposée à la Galerie Binome, Guénaëlle de Carbonnières s’empare notamment d’images de sites historiques à partir de sources hétéroclites : catalogues de ventes, banques d’images médiatiques, fonds d’archives… Par des techniques de surimpression, de collage, de surexposition, de modulation de valeurs, de solarisation, elle donne vie à des compositions inédites et indéfinissables. Ces ruines, qui appartiennent à un patrimoine commun, deviennent alors des reconstructions libres, emplies de poésie.

Guénaëlle de Carbonnières, série Creuser l’image Baalbek, porte, 2022 encre et gravure à la pointe sèche sur tirage argentique contrecollage sur aluminium, encadrement boîte et verre antireflet pièce unique - 27 x 32 cm

Guénaëlle de Carbonnières, série Creuser l’image Baalbek, porte, 2022, encre et gravure à la pointe sèche sur tirage argentique, contrecollage sur aluminium, encadrement boîte et verre antireflet, pièce unique – 27 x 32 cm

Transformer les ruines

Dans Les marées de pierre, Guénaëlle de Carbonnières met en dialogue quatre de ses séries : Le temps voilé, dans laquelle des fragments d’images d’architectures anciennes sont transposés sur soie sérigraphique, Cités englouties, qui joue avec les utopies de cités industrielles pensées par l’architecte Tony Garnier, Creuser l’image, qui construit des compositions hybrides à partir d’images de sites archéologiques en zone de guerre (Mossoul, Alep…) et Submergées, dans laquelle des monuments célèbres sont engloutis par les flots. En quête d’une poétique des ruines, l’artiste met ainsi en scène un écoulement temporel et visuel.

Une péremption accentuée par les processus chimiques auxquels elle soumet ses photographies. Comme surgissant d’un abîme, ces bâtiments sont les vestiges de notre humanité. De ce que nous avons été, mais aussi de ce que nous serons : car ces ruines sont aussi celles du monde contemporain, que la photographe envisage englouti par les flots. En fuyant tout lyrisme, Guénaëlle de Carbonnières fait preuve d’un humour subtil. Dans la série Submergées, par exemple, elle s’empare d’icônes archéologiques – le Parthénon, le Colisée, ou même une pyramide – pour les transformer en éléments de décoration miniature pour aquariums. « Tels une partie émergée et palpable d’un inconscient collectif intangible, les ruines antiques et monuments du passé deviennent dans ma pratique un motif reproductible et un matériau malléable pour évoquer la mémoire et ses formes multiples, explique la photographe dans son livre Palimpsestes du territoire – Rêver la ville avec Tony Garnier. Tantôt nets, tantôt flous, presque toujours évanescents et entrelacés, les éléments architecturaux se déploient par strates sur divers supports en épuisant les valeurs du noir et du blanc, dans un rapport quasi-constant à la naissance de la photographie argentique. »

Guénaëlle de Carbonnières, série Creuser l’image Alep, Minaret, 2022 encre et gravure à la pointe sèche sur tirage argentique contrecollage sur aluminium, encadrement boîte et verre antireflet pièce unique - 64 x 74 cm

Guénaëlle de Carbonnières, série Creuser l’image Alep, Minaret, 2022 encre et gravure à la pointe sèche sur tirage argentique contrecollage sur aluminium, encadrement boîte et verre antireflet pièce unique – 64 x 74 cm

Guénaëlle de Carbonnières, série Submergées (ruines d’aquarium), 2021 Colisée tirage argentique par contact sur papier RC encadrement en métal blanc, verre antireflet tirage unique dans une édition de 3 - 40 x 30 cmGuénaëlle de Carbonnières, Dépôt série Cités englouties, 2022 photogrammes sur papier RC contrecollage sur aluminium, encadrement boîte et verre antireflet pièce unique - 118 x 74 cm

à g. Guénaëlle de Carbonnières, série Submergées (ruines d’aquarium), 2021 Colisée tirage argentique par contact sur papier RC encadrement en métal blanc, verre antireflet tirage unique dans une édition de 3 – 40 x 30 cm, à d. Guénaëlle de Carbonnières, Dépôt série Cités englouties, 2022 photogrammes sur papier RC contrecollage sur aluminium, encadrement boîte et verre antireflet pièce unique – 118 x 74 cm

Guénaëlle de Carbonnières, Pierre, plis, série Le temps voilé, 2023 photogramme fragmenté sur papier RC contrecollage sur aluminium, verre antireflet pièce unique - 43 x 33 cm
Guénaëlle de Carbonnières, Pierre, plis, série Le temps voilé, 2023
photogramme fragmenté sur papier RC
contrecollage sur aluminium, verre antireflet
pièce unique – 43 x 33 cm
Guénaëlle de Carbonnières, Enveloppe, série Le temps voilé, 2023 photogramme fragmenté sur papier RC contrecollage sur aluminium, verre antireflet pièce unique - 50,8 x 61 cm
Guénaëlle de Carbonnières, Enveloppe, série Le temps voilé, 2023
photogramme fragmenté sur papier RC
contrecollage sur aluminium, verre antireflet
pièce unique – 50,8 x 61 cm

à g. Guénaëlle de Carbonnières, Pierre, plis, série Le temps voilé, 2023 à d. Guénaëlle de Carbonnières, Enveloppe, série Le temps voilé, 2023 photogramme fragmenté sur papier RC contrecollage sur aluminium, verre antireflet pièce unique – 50,8 x 61 cm

Image d’ouverture : Guénaëlle de Carbonnières, série Creuser l’image Baalbek, porte, 2022, encre et gravure à la pointe sèche sur tirage argentique, contrecollage sur aluminium, encadrement boîte et verre antireflet, pièce unique – 27 x 32 cm

Explorez
« Chère et tendre IA »… conversation entre l’artiste et la machine
© Rineke Djikstra
« Chère et tendre IA »… conversation entre l’artiste et la machine
Imaginé dans le cadre d’une résidence à la Maison européenne de la photographie (MEP), Photo Against the Machine est un ouvrage...
19 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Focus : rituels vampiriques, fouilles archéologiques et mélancolie poétique
© Devin Yalkin, Until Dawn.
Focus : rituels vampiriques, fouilles archéologiques et mélancolie poétique
Créé par les équipes de Fisheye, Focus est un format vidéo innovant qui permet de découvrir une série photo en étant guidé·e par la...
18 décembre 2024   •  
16 expositions photos à voir pendant les vacances de Noël
© Ali Kazma / Courtesy Francesca Minini, Milan
16 expositions photos à voir pendant les vacances de Noël
Les fêtes de fin d’année sont souvent l’occasion de passer du temps avec nos proches, de nous reposer et de trouver les nouvelles...
16 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
20 beaux-livres de photographie à (s’)offrir à Noël
Service à bord d’une voiture-restaurant du train Capitole, 1966. © Fonds de dotation Orient Express
20 beaux-livres de photographie à (s’)offrir à Noël
Offrir un ouvrage à Noël est toujours une belle manière d’ouvrir des portes sur de nouveaux mondes. À cet effet, la rédaction...
13 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
© Rebecca Najdowski
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye dévoilent une multitude de dialogues initiés par la photographie.
22 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
© Mirko Ostuni, Onde Sommerse.
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
Dans Onde Sommerse, Mirko Ostuni dresse le portrait de sa propre génération se mouvant au cœur des Pouilles. Cette jeunesse tendre et...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger