Livre et exposition, Home Sweet Home croise le regard de trente photographes britanniques autour de la notion de « chez soi ». Un ensemble aussi divers et passionnant que le territoire qu’il capture.
« Home sweet home », cette expression anglaise évoque à tous le bonheur de retrouver son chez-soi, son territoire intime. L’attachement des Britanniques pour cet intérieur, propre à chacun, n’a cessé de s’affirmer depuis le début du 19e siècle. Dans les années 1950, des réformes sociales installant une réduction du temps de travail, ainsi qu’une hausse du niveau de vie, ont fait du foyer un lieu précieux, destiné à être habité avec plaisir et confort. Comment représenter cette sphère privée ? L’ordinaire peut-il devenir fictif ? De quelle manière représenter l’évolution de ce home si cher aux habitants d’outre-Manche ? Au cœur d’un ouvrage et d’une exposition aux Rencontres d’Arles intitulés Home Sweet Home, trente photographes se sont exprimés avec humour, originalité, poésie et parfois irrévérence sur ce sujet complexe.
Construit en chapitre par Isabelle Bonnet, commissaire de l’exposition et initiatrice de l’ouvrage, Home Sweet Home s’intéresse aux banlieues, aux jardins ou encore aux décorations d’intérieur. Autant de prétextes pour illustrer la montée de la bourgeoisie, l’hyper-individualisme encouragé par Margaret Thatcher, ou encore la propagation de la misère et des sans-abri. En représentant l’univers confiné des maisons britanniques, les auteurs écrivent en contrepoint le récit historique et cosmopolite d’une Angleterre complexe.
Les miroirs d’une société
Chacun de ses chapitres immerge le regardeur dans un univers particulier. Précédées d’un texte précisant le contexte social de chaque époque, les images semblent interroger notre conception du foyer. Daniel Meadows et Martin Parr se sont intéressés aux intérieurs ouvriers de June Street. Moquettes, tapisseries et meubles dépareillés surchargent chaque pièce de motifs ornementaux et de couleurs vives. Pourtant, shootés en noir et blanc, les clichés rappellent la tristesse de l’espace extérieur, et le difficile quotidien des habitants.
Dans les années 1980, le Royaume-Uni bascule dans la consommation de masse. Une frénésie qui gagne toutes les classes. Ce changement brusque transforme l’esthétique des photographes passionnés par le documentaire. Préférant la couleur et les scènes prises sur le vif, les auteurs s’immergent dans cette nouvelle société. Dans sa série Home, Anthony Haughey compose une sorte d’album de famille, en capturant la vie de ses proches. Des moments de douceurs, au sein desquels se devinent les déboires des classes populaires.
Les bâtiments construits au lendemain de la Seconde Guerre mondiale fascinent Tom Hunter. Ces immeubles – érigés par des architectes rêveurs, ayant imaginé de nouvelles formes architecturales, des « rues dans le ciel » formant de gigantesques passerelles entre les immeubles – étaient censés recréer la convivialité des rues de quartier. Pourtant, la taille inhumaine des constructions et leur forte densité n’attirent pas les classes escomptées. Deux ans avant la démolition d’un de ses appartements, le photographe en a obtenu les clés, et a capturé les derniers résidents. Aux visages sereins s’oppose la violence de l’extérieur : un espace menacé par les gangs et les trafics.
Les récits tissés par les photographes présentent ce Home Sweet Home sous un nouvel angle. Lieu chaleureux, squat convivial ou espace luxueux, ces foyers deviennent les miroirs d’une société en constante évolution.
Home Sweet Home, éditions Textuel, 49€, 192 p.
Exposition Home Sweet Home
Du 1 juillet au 22 septembre 2019
Maison des Peintres
43 boulevard Emile Combes, 13200 Arles
© Andy Sewell
© Martin Parr / Magnum photos
© John Paul Evans
© Juno Calypso