Alors que l’actualité sud-coréenne oscille entre crises politiques et rayonnement culturel, In South Korea de Dorian Prost offre une vision poétique des dualités du pays. Fruit d’un voyage de cinq mois en 2018, cet ouvrage publié aux éditions Simple réunit une soixantaine de clichés où se mêlent contrastes vibrants et couleurs aussi éclatantes que pastel. Préservation des traditions, modernité à toute épreuve… Lumière sur un conflit des générations, pierre angulaire de la société coréenne actuelle.
Pour Dorian Prost, la photographie ne se limite pas à l’instant capturé. Chaque image n’est qu’une première étape qu’il retravaille minutieusement pour en révéler toute la richesse chromatique. « Lorsque je rentre chez moi avec cette esquisse, je réfléchis à comment la peindre. Je passe beaucoup de temps à redévelopper mes photos. La couleur me guide », explique le photographe. Dans In South Korea, cette démarche s’illustre par la simple utilisation des couleurs primaires – le bleu, le rouge et le jaune – qui confèrent aux compositions une intensité cinématographique. Cette palette évoque une certaine nostalgie du Sud que l’artiste chérit tant. La mer, la terre et le soleil, autant d’éléments qui s’inscrivent dans l’univers visuel de Dorian Prost et ses prémices dans le 8e art.
Installé à Paris, Dorian Prost a grandi dans le sud de la France. Grâce à ses jobs d’été, il s’achète son premier boîtier et commence à photographier ses ami·es. « Il y avait une sorte de magie qui se dégageait de chacun·e d’entre elleux », confie l’artiste. Le déclic a lieu rapidement, alors qu’il passe son temps libre dans la maison de famille de son meilleur ami, au cœur de la Provence. « Tout était réuni pour faire des photos dingues : la lumière, les gens, les corps. Et puis, d’une certaine façon, la lumière m’a éduqué. Le soleil crée des accidents dans le paysage et c’est ça qui me porte », ajoute-t-il. Autodidacte, Dorian Prost se forme seul et se spécialise ensuite dans le portrait et le reportage. Il collabore désormais avec de nombreux titres de presse nationale. Ce premier ouvrage ouvre une fenêtre plus personnelle sur son approche photographique.
Carnet de voyage entre traditions et mutations
Il y a trois ans, lors du festival d’Arles, Dorian Prost rencontre Joanna Starck, directrice artistique et fondatrice des éditions Simple. Très rapidement, elle le motive à transformer ses archives en un beau-livre. Après deux ans et demi de travail, ce carnet de voyage visuel prend vie et donne à voir un portrait de la Corée du Sud régie par les contrastes. « Ma photographie est duale. Elle est en même temps très solaire dans les couleurs, flamboyante, organique, mais à côté, à travers mes regards, quelque chose d’assez mélancolique se déploie, une tendresse se dessine. Cela fait partie de ma personnalité, je peux être à la fois très nostalgique et complètement surexcité », témoigne l’artiste. Cette dualité trouve un écho parfait dans celle du pays.
Lors de son voyage, ce qui a le plus marqué Dorian Prost est avant tout l’opposition entre deux générations bien distinctes : celle qui a reconstruit le pays en s’impliquant corps et âme dans le « miracle coréen » et celle qui aspire à d’autres horizons, rêvant d’émancipation. « La Corée du Sud, après la guerre, comptait parmi les PIB les plus faibles du monde. En l’espace d’une génération, ce même PIB a grimpé à la 13e place mondiale. On parle vraiment du miracle économique coréen. Iels ont consacré leur vie à la reconstruction du pays. La nouvelle génération est sous le joug de ce contraste, peinant à s’en séparer. Leur société provient du confucianisme où le respect aux ancien·nes est total », précise Dorian Prost. À travers ses nombreuses rencontres, il shoote facilement ces différences. Dans le sud du pays, à Namhae, il saisit des pêcheurs âgés qui continuent d’exercer leur métier avec résilience. Leurs visages burinés racontent l’histoire d’une Corée infatigable. Ailleurs, il capture la jeunesse urbaine, plus connectée que jamais, qui oscille entre conformisme et volonté d’affranchissement.
Du livre Virtual Séoul de Françoise Huguier en passant par le cinéma coréen à travers les œuvres de Park Chan-wook et Bong Joon-ho, les inspirations de l’artiste sont variées. « Lorsque je regarde mes clichés nocturnes, leurs tonalités me font aussi penser au manga Akira », complète-t-il. In South Korea est bien plus qu’un recueil de photographies : c’est une invitation à voir au-delà de l’image, à ressentir la poésie des contrastes et des paradoxes. Dorian Prost ne se contente pas de documenter un pays : il le réinvente, le colorise et en révèle toute sa complexité.
92 pages
35 €