Julie Peiffer : le féminin libéré de toute emprise

17 février 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
Julie Peiffer : le féminin libéré de toute emprise
Du 8 au 12 mars la Galerie Château de Madame de Graffigny accueille une exposition de Julie Peiffer intitulée Celebrate Women. Avec son écriture sensible et intimiste, la photographe crée un monde feutré où tout est affleurement, sensualité et humanité : le féminin y apparaît libéré de toute forme de contrôle et emprise.
Julie Peiffer, photographe française née en 1967, pose un regard onirique sur les évolutions du monde qui nous entoure et développe une écriture reconnaissable au premier regard. Autodidacte, elle ne s’encombre pas de codes traditionnels du 8e art et, dans sa pratique, elle s’émancipe volontiers des normes. Son travail s’apparente à celui d’une artiste et d’une auteure : elle parvient ainsi à dérouler une trame narrative poétique sur des thématiques comme la crise écologique, l’évolution de nos espaces urbains ou encore la place de la femme dans nos sociétés.
Son chemin de photographe démarre en 2015, après les attentats de Charlie Hebdo. Auparavant, elle avait collaboré avec des magazines sans jamais oser appuyer sur le déclencheur. Un photographe lui offre un jour un Nikon FM2, mais elle n’y touche pas, presque impressionnée par l’appareil. C’est face à la brutalité des attentats, poussée par le sentiment d’urgence de raconter le réel, que la photographe se saisit enfin de son Nikon pour capturer la ville où la vie se détériore, où la nuit devient incertaine. Toutefois, son intérêt se focalise rapidement sur la représentation des femmes et de leur corps. Ses clichés intimistes, feutrés, parsemés de douceur, abordent la féminité comme une quête complexe, loin d’être figée. Le féminin est ici une expérience ressentie plus qu’une condition d’existence et il est incarné avec une forme de mélancolie qui se mêle harmonieusement à une puissante énergie.

© Julie Peiffer

Une quête de liberté et d’expression de soi

Au cœur de l’exposition Celebrate Women, Julie Peiffer présente des images extraites de diverse séries : Panic Spaces, Chair Terre, L’une, l’autre, L’histoire de la Femme de Goncourt, Tr(A)ce, Une Séparation… Autant de travaux qui explorent les liens entre le corps humain et la nature ainsi que la féminité, libérée de toute emprise et injonction. C’est cette volonté de reprendre le pouvoir que la photographe représente dans ses clichés, en mettant en scène sa propre recherche de liberté, sa propre quête d’estime d’elle-même, et se dévoilant au fur et à mesure.

La série Chair Terre, réalisée dans la forêt du Limousin, représente ainsi un sujet capable de se faire renaître, libéré des normes et des conventions. Le corps de la femme-qui-danse s’affranchit du devoir de plaire à l’homme et sa sensualité est brute, indépendante. Une puissance féminine qui résonne avec encore plus de force dans la série L’histoire de la Femme de Goncourt, mettant en scène une femme dans un bistrot prenant la liberté d’y déployer toutes sortes de gestes inattendus. Elle s’allonge sur une table, puis par terre, elle touche les objets et le sol, comme pour se réapproprier l’espace public dont les femmes sont souvent exclues. Sa liberté totale nous interpelle et nous invite à réfléchir à ce qu’on attend d’un corps féminin en société. Une fois de plus, Julie Peiffer nous donne à voir une féminité libérée de toute forme d’emprise.

 

© Julie Peiffer © Julie Peiffer © Julie Peiffer © Julie Peiffer

© Julie Peiffer

Explorez
Hailun Ma, pour l'amour du Xinjiang
© Hailun Ma, Kashi Youth (2023) / Courtesy of the artist, Gaotai Gallery and PHOTOFAIRS Shanghai (25-28 avril, Shanghai Exhibition Centre)
Hailun Ma, pour l’amour du Xinjiang
Que savons-nous de la vie des jeunes de la province du Xinjiang, en Chine ? Probablement pas grand-chose. C’est justement dans une...
26 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Quand les photographes utilisent la broderie pour recomposer le passé
© Carolle Bénitah
Quand les photographes utilisent la broderie pour recomposer le passé
Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. Parmi les...
25 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les femmes s'exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
© Alessandra Meniconzi, Mongolia / Courtesy of Les femmes s'exposent
Les femmes s’exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
Le festival Les femmes s'exposent réinstalle ses quartiers dans la ville normande Houlgate le temps d'un été, soit du 7 juin au 1er...
24 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Dans l’œil de Kin Coedel : l'effet de la mondialisation sur les regards
© Kin Coedel
Dans l’œil de Kin Coedel : l’effet de la mondialisation sur les regards
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Kin Coedel, à l’origine de la série Dyal Thak. Dans ce projet poétique, dont nous vous parlions déjà...
22 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 22.04.24 au 28.04.24 : vertiges paysagers
© Elie Monferier
Les images de la semaine du 22.04.24 au 28.04.24 : vertiges paysagers
C’est l’heure du récap‘ ! Cette semaine, les photographes mis·es en avant par Fisheye réinventent la photographie de paysage. La nouvelle...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Milena Ill
Le passé artificiel de Stefanie Moshammer
© Stefanie Moshammer
Le passé artificiel de Stefanie Moshammer
Les images de Stefanie Moshammer s’inspirent d’expériences personnelles et de phénomènes sociaux, à la recherche d’un équilibre entre...
27 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Instax mini 99 : les couleurs instantanées d’Aliocha Boi et Christopher Barraja 
© Christopher Barraja
Instax mini 99 : les couleurs instantanées d’Aliocha Boi et Christopher Barraja 
La photographie analogique ne cesse de séduire un large public. Pour Fujifilm, Aliocha Boi et Christopher Barraja s’emparent de l’Instax...
26 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
© Isabelle Vaillant
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
Jusqu’au 19 mai 2024, la photographe Isabelle Vaillant investit L’Enfant Sauvage, à Bruxelles, en proposant une exposition rétrospective....
26 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina