Juliette-Andrea Elie : « Fading Landscapes »

09 décembre 2019   •  
Écrit par Eric Karsenty
Juliette-Andrea Elie : « Fading Landscapes »

Nous avions découvert Juliette-Andrea Elie alors qu’elle remportait le prix Fotoprize 2015, grâce à sa série Fading Landscapes. La photographe expose à présent ses œuvres au Théâtre de la Cité internationale, et réalisera les affiches de sa saison. L’occasion de se (re)plonger dans son univers troublant et singulier. Cet article est à retrouver dans Fisheye #15.

Juliette-Andrea Elie nous invite à nous perdre dans des paysages organiques qu’elle recompose à loisir, convoquant la photographie, le dessin, la surimpression d’images, mais aussi des poètes, des philosophes ou des mathématiciens. Elle fait émerger un « monde des possibles » en collectant des impressions pour nous donner à voir l’apparition de formes. Souvent baignées d’une lumière diaphane et d’une atmosphère aquatique, ses images nous plongent dans une délicieuse rêverie, se connectent à notre mémoire et nous entraînent dans un voyage spatio-temporel.

Car les photographies de Juliette-Andrea Elie sont composées de plusieurs strates d’espace et de temps. Dans l’alchimie qu’elle a mise au point, l’artiste assemble différents clichés tirés sur un papier transparent dont elle embosse la surface à l’aide d’une pointe sèche. Creusant ainsi la feuille par-dessous, elle donne naissance à des figures géométriques tirées des carnets de Descartes, à des arabesques empruntées à l’imagerie orientale, ou à des chorégraphies imaginaires cartographiant un vol d’oiseaux. Puis elle y superpose d’autres feuilles – opaques, transparentes ou réfléchissantes –, ajustant ainsi une chromie délicate et vaporeuse qui, comme une brume délicate, enrobe le tout, et nous avec.

© Juliette-Andrea Elie

Un temps nécessaire

Ce processus lent et manuel induit un autre rapport au temps. Un temps plus lent que la prise de vue. Un temps nécessaire pour laisser flotter les images, avant de trouver celles qui s’associeront entre elles. « J’ai cherché à combiner mes photographies un peu comme le flux de la mémoire involontaire le fait, de manière trouble et incertaine », explique Juliette-Andrea. Toutes uniques, les images adoptent des formats singuliers selon la volonté de l’artiste. Ses poissons figés dans leur élément, où l’on devine parfois le tracé des rivières traversées embossé sur leur dos, se présentent comme des miniatures pour une lecture intimiste ; alors que certains paysages se déploient magistralement dans l’espace, offrant ainsi à notre regard une étendue rêveuse où il peut s’immerger. Une vision du paysage que l’artiste emprunte à la culture chinoise dans laquelle l’homme n’est pas déconnecté de son élément, à l’inverse de notre histoire de la représentation où la perspective inscrit une distance et un rapport individualiste. « Ce que je représente n’est pas ce qu’on voit, mais c’est le rapport entre les choses qu’on voit, qu’on a vues et qu’on pourrait voir », précise par ailleurs Juliette-Andrea.

 

Si ce monde est vide

Jusqu’au 20 décembre 2019

Théâtre de la Cité internationale

17 boulevard Jourdan, 75014 Paris

© Juliette-Andrea Elie© Juliette-Andrea Elie© Juliette-Andrea Elie© Juliette-Andrea Elie© Juliette-Andrea Elie

© Juliette-Andrea Elie

Explorez
Flower Rock : Ana Núñez Rodriguez verse des larmes d’émeraude
© Ana Núñez Rodríguez
Flower Rock : Ana Núñez Rodriguez verse des larmes d’émeraude
Aujourd’hui encore, l’extraction de cette pierre charrie de nombreuses croyances et légendes. C’est ce qui a captivé Ana Núñez Rodríguez...
02 mai 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas
BMW ART MAKERS : les dégradés célestes de Mustapha Azeroual et Marjolaine Lévy
© Mustapha Azeroual / BMW ART MAKERS
BMW ART MAKERS : les dégradés célestes de Mustapha Azeroual et Marjolaine Lévy
Le programme BMW ART MAKERS, initiative de soutien à la création, accueille cette année le duo d’artiste/curatrice composé par Mustapha...
30 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Dans l'œil de Gareth Phillips : le pin qui pleurait la Terre
© Gareth Phillips, Pinus Patula, The Mexican Weeping Pine, 2017
Dans l’œil de Gareth Phillips : le pin qui pleurait la Terre
Cette semaine, plongée dans l’œil de Gareth Phillips. L'œuvre du photographe tente notamment de répondre à l’urgence climatique qui hante...
29 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Les images de la semaine du 22.04.24 au 28.04.24 : vertiges paysagers
© Elie Monferier
Les images de la semaine du 22.04.24 au 28.04.24 : vertiges paysagers
C’est l’heure du récap‘ ! Cette semaine, les photographes mis·es en avant par Fisheye réinventent la photographie de paysage.
28 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Ces séries de photographies réalisées au flash
© Nicolas Hrycaj
Ces séries de photographies réalisées au flash
En ce milieu de printemps, à mesure que les nuits s’écourtent, les flashs des appareils photo se multiplient pour immortaliser la douceur...
02 mai 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Au Musée de la Femme, la photographie déploie son langage universel
© Camelia Shahat
Au Musée de la Femme, la photographie déploie son langage universel
Jusqu'au 31 octobre 2024, le Musée de la Femme de Marrakech accueille Photographie : le langage universel, une exposition imaginée avec...
02 mai 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Flower Rock : Ana Núñez Rodriguez verse des larmes d’émeraude
© Ana Núñez Rodríguez
Flower Rock : Ana Núñez Rodriguez verse des larmes d’émeraude
Aujourd’hui encore, l’extraction de cette pierre charrie de nombreuses croyances et légendes. C’est ce qui a captivé Ana Núñez Rodríguez...
02 mai 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Focus #72 : Mohamed Bourouissa esquisse les lignes de force d’une révolte
05:07
© Fisheye Magazine
Focus #72 : Mohamed Bourouissa esquisse les lignes de force d’une révolte
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Ce mois-ci, et en l’honneur de Signal, sa rétrospective, accueillie jusqu’au 30 juin 2024 au Palais...
01 mai 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine