Jusqu’au 13 juillet, la Maison de la culture du Japon présente la première exposition française dédiée à Ken Domon, figure emblématique de la photographie réaliste et pionnier de la création contemporaine japonaise.
Cette riche rétrospective, qui réunit des clichés des années 1930 à 1970, propose un large spectre du travail de l’artiste. L’exposition rassemble des périodes éclectiques, parmi lesquelles on trouve ses débuts en tant que photojournaliste, ses photographies de propagande dans les années 30, son travail autour des temples bouddhiques, ses touchants portraits d’enfant, et son témoignage sur le drame d’Hiroshima.
Au cœur de cet événement, on trouve notamment les photographies d’après-guerre, époque marquée par la défaite nippone et les atrocités de la bombe atomique. Ken Domon a fait partie des artistes qui ont su exprimer la réalité quotidienne après ces événements, dans cette période douloureuse où les mots manquaient encore.
Femmes se promenant, Sendai, 1950 © Ken Domon Museum of Photography
Capturer l’essence de la vie japonaise
C’est à travers une photographie objective, s’intéressant à la fois à la permanence des traditions, et au soubresaut de modernité de la société japonaise, que l’artiste parvient à peindre la vie quotidienne des habitants. Comme un miroir le long d’un chemin, l’objectif de Ken Domon capture les passant·es sur le vif, sans mise en scène. Une instantanéité qui se lit dans le mouvement des sujets et des objets qu’il rencontre : dans les Femmes se promenant, on peut visualiser la robe de l’une d’elles, qui ondoie et se plisse lors de son volte-face, alors qu’elle devine peut-être qu’on la photographie. Au-delà de sa composition, l’image frappe par l’étonnante modernité du style – lunettes de soleil à grosses montures, foulards sur les cheveux, robes blanches à bretelles – arboré par les Japonaises, révélant la propagation de la mode américaine dans les années 1950. À travers sa série Les enfants de Chikuhô, l’artiste poursuit son étude de la société et atteste de la misère des enfants dans les villages de la région minière de l’île de Kyush ; une des images des Sœurs sans leur mère, qui nous dévoile le visage de la petite Rumie, témoigne d’une réalité difficilement traduisible. Certains clichés nous racontent cependant des moments de joie pure et d’espièglerie, comme celle de la course folle des enfants faisant tournoyer des parapluies démesurés, ou le cliché surprenant d’un jeune garçon, hilare, en raison d’un lézard gambadant sur la tête de son camarade.
Enfin, du côté de la tradition, on trouve la surprenante série Pèlerinage aux temples anciens, qui contraste avec les autres séries, d’une part, par l’absence de sujet humain, au profit de l’architecture et de la végétation, et d’autre part, par l’utilisation de la couleur. Ces clichés de paysages et de sanctuaires, très picturaux, dont l’absence de mouvement tranche avec les photographies citadines, sont empreints d’une sincérité et d’une sérénité bouleversantes. Ici, pas de message à véhiculer, sinon une invitation à la contemplation des jardins et des structures saintes, à travers un traitement très graphique du paysage.
Enfants faisant tourner des parapluies, Ogôchimura photographie de la série Enfants, vers 1937 © Ken Domon Museum of Photography
Pont Musaibashi de l’étang Garyô-ike, temple Eihô-ji, Gifu, 1962 © Ken Domon Museum of Photography
© Ken Domon Museum of Photography ; à d. Enfant aveugle photographie de la série Hiroshima, 1957, à g. Le lézard, Kôtô photographie de la série Enfants, 1955
Sœurs sans leur mère, photographie de la série Les enfants de Chikuhô, 1959 © Ken Domon Museum of Photography
Image d’ouverture : Enfants faisant tourner des parapluies, Ogôchimura photographie de la série Enfants, vers 1937 © Ken Domon Museum of Photography