Le nom de Kerouac a pour origine le lieu-dit de Kervoac, près de Lanmeur, sur la côte nord du Finistère. C’est d’ailleurs en voyant ce nom sur un livre dans une librairie du Village, à New York, à la fin des années 1950, que Youenn Gwernig, poète breton venu chercher du travail de l’autre côté de l’Atlantique, achètera la première édition de Sur la route. Une nostalgie tenace pour cet écrivain venu s’exiler aux États-Unis, qui n’hésite pas, les soirs de blues, à prendre sa cornemuse et à grimper sur la terrasse de son immeuble, dans le Bronx, pour entonner des complaintes mélancoliques.
Racines bretonnes
Le mal du pays, c’est aussi ce qui étreint l’écrivain mythique de la Beat Generation à la fin de sa vie quand Youenn Gwernig le contacte suite à la lecture de Satori à Paris, en 1966. Dans ce roman, Kerouac raconte la quête de ses racines bretonnes lors d’un séjour en France, et cette découverte encourage Youenn à lui écrire. « Je suis le plus grand poète breton vivant : 1,92 m, et je n’écris pour ainsi dire qu’en breton, mais il m’arrive d’écrire de temps en temps en français pour me divertir.
Comme tout Breton, j’ai une petite faiblesse pour les alcools forts (quelque chose qui gratte quand ça descend), et je me demande ce que je fiche dans ce foutu bordel new-yorkais ! Voilà pour les présentations. Si nous prenions quelques verres ensemble lors de votre prochain passage à New York ? »
S’en suivra une amitié de trois ans, de 1966 à 1969, faite de rencontres, de cuites mémorables, de lettres passionnées et de cartes postales, de discussions et de projets inaboutis, comme celui d’un livre écrit à deux et surtout celui d’un voyage en Bretagne à faire ensemble. Une virée longtemps fantasmée pour sceller leur complicité.
« Tu me manques vraiment. Je crois que tu es le seul homme que je connaisse aujourd’hui dont la conversation et la présence sont un cadeau », confessait Kerouac en 1967. À sa mort, en 1969, l’écrivain américain avait encore en poche son billet d’avion pour la France…
De Sur la route aux Américains
Mais au-delà des romans qui ont marqué leur époque et influencé toute une génération, le nom de Kerouac est aussi attaché à l’histoire de la photographie, car c’est bien lui qui signe la préface des Américains, le livre édité par Delpire qui révéla Robert Frank au monde entier. Publié en 1958, cet ouvrage suit de six mois la sortie de Sur la route édité en 1957 !
« Les livres de Kerouac, la musique et les films de cette époque : Easy Rider (1969), Woodstock (1970)… toute cette Amérique de la contre-culture ont forgé mon adolescence », explique René Tanguy.
En 1994, le photographe croisera même la route de Robert Frank lors de l’unique stage que l’Américain a donné en France, à Clarensac, dans le Gard. Alors quand René Tanguy fait la connaissance de Youenn Gwernig, en 1999, et que le poète breton lui révèle sa complicité avec l’auteur fétiche de la Beat Generation, le photographe comprend que cette histoire le regarde. Il se lance dans une aventure qui va le conduire, six ans durant, sur la dernière route de Kerouac…
L’intégralité de cet article est à retrouver dans Fisheye #23, en kiosque depuis le 10 mars et disponible sur