Kevin Faingnaert en mode mineur

22 octobre 2018   •  
Écrit par Eric Karsenty
Kevin Faingnaert en mode mineur

Les lecteurs de Fisheye connaissent bien Kevin Faingnaert, ce photographe belge de 32 ans dont nous avons publié les catcheurs saisis sur les rings d’Europe, et exposé les images prises aux Îles Féroé l’an dernier. Son nouveau travail est une plongée dans la vallée du Jiu, en Roumanie, à la découverte des mines de charbon qui ont fait la fierté du pays à l’époque communiste et seront fermées en fin d’année en raison d’une directive environnementale de l’Union européenne. La Vallée de Jiu sera présentée à la Fisheye Gallery à partir du 31 octobre. 

Kevin Faingnaert a suivi des études de sociologie, c’est un élément à ne pas perdre de vue pour comprendre la démarche du jeune photographe belge, qui s’intéresse aux communautés vivant en marge de la société et en brosse le portrait à travers ses images. Ses documentaires sociaux décrivent avec finesse les liens qui unissent les personnes aux objets et aux paysages. C’est ce que l’on retrouve dans cette nouvelle série que Kevin Faingnaert rapporte de Roumanie, où il a arpenté durant un mois la vallée du Jiu, située au cœur des Carpates, en Transylvanie. « La Roumanie est un pays européen à deux heures d’avion de la Belgique, et c’est vraiment un tout autre un monde », déclare le photographe, qui s’est intéressé aux mines de charbon ayant façonné le pays au cours des quarante années de l’ère communiste. « Ces villes ont été bâties à partir de rien, pour l’industrie du charbon. Je voulais documenter ce qu’ils ont construit et ce qu’ils sont sur le point de perdre », précise Kevin.

Paysages sans perspective et regards vides

En 1979, les mines employaient plus de 179 000 mineurs. Aujourd’hui, ils sont moins de 10000, et seules cinq mines restent en activité. La technologie archaïque, les mauvaises conditions de travail et les directives de l’Union européenne (visant à réduire l’impact du réchauffement climatique et à encourager les sources d’énergie renouvelable) obligent la plupart des mines à fermer dès la fin de l’année. Et c’est de fait tout un monde en train de basculer qu’enregistre Kevin Faingnaert à travers ses paysages, souvent sans perspective, qui font écho aux regards vides des mineurs rencontrés. En plus des visages et des paysages, il montre les intérieurs des habitants. « Je voulais rencontrer des gens sur les places de la ville, voir à quoi ressemblait leur chambre, ce que sentait leur cuisine, ce qu’ils pensaient de l’avenir, explique le photographe. J’ai vite compris que la situation politique et économique dans le monde se reflétait dans ces villes minières et dans leur histoire. »

Son approche documentaire, sa frontalité, alliée à l’usage d’un appareil moyen format argentique confèrent aux photographies de Kevin Faingnaert une force et une subtilité rares. On y ressent toute la nostalgie des habitants, parmi lesquels certains sont aujourd’hui très démunis. « Il y a beaucoup d’anciens mineurs qui volent du charbon partout où ils peuvent pour chauffer leurs maisons, rapporte le photographe. La plupart des anciens mineurs de la vallée du Jiu regrettent vraiment les mines. » Kevin Faingnaert évoque aussi la fraternité perdue que certains tentent de préserver, comme Mario, qui joue de la trompette dans la fanfare de la mine, maintenant ainsi les liens avec ses camarades. À sa manière également, le photographe nous donne à voir son empathie avec ce monde qui disparaît, comme une petite musique en mode mineur.

Vernissage le lundi 29 octobre à la Fisheye Gallery

© Kevin Faingnaert

© Kevin Faingnaert

© Kevin Faingnaert© Kevin Faingnaert
© Kevin Faingnaert© Kevin Faingnaert

© Kevin Faingnaert

Explorez
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
© Lena Kunz
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
La revue Mouche, qui fait dialoguer le 8e art avec la poésie depuis quatre ans, lance sa maison d’édition Mouche Books avec comme premier...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
©Théo Saffroy / Courtesy of Point Éphémère
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici révèlent les corps et dénoncent les injonctions que nous leur collons. Ils et...
26 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
© Naïma Lecomte / Planches Contact Festival
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Naïma Lecomte. Jusqu’au 4 janvier 2026, l’artiste présente Ce qui borde à Planches...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
© Lalitâ-Kamalâ Valenta
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan, nos coups de cœur de la semaine, documentent des univers spécifiques. La première s’intéresse à...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Bellissima : la fabrique des apparences par Carla Rossi
© Carla Rossi
Bellissima : la fabrique des apparences par Carla Rossi
Dans son ouvrage Bellissima, publié par Art Paper Editions, Carla Rossi explore les désirs, les façades et les codes qui façonnent la...
03 décembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #535 : surfaces texturées
© Laura Barth / Instagram
La sélection Instagram #535 : surfaces texturées
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine explorent la matérialité de la photographie. Du papier aux émulsions, en passant...
02 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Twin Peaks, ambiguïté et nature morte : dans la photothèque de Stan Desjeux
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ? © Stan Desjeux
Twin Peaks, ambiguïté et nature morte : dans la photothèque de Stan Desjeux
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les artistes des pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les...
01 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
© Grant Harder
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
Himanshu Vats et Grant Harder, nos coups de cœur de la semaine, explorent la nature, et les liens qu’elle entretient avec les humains. Le...
01 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger