Killian le kid

05 décembre 2019   •  
Écrit par Eric Karsenty
Killian le kid

De 2017 à 2019, le photographe Thomas Fliche a suivi le jeune Killian Dufrenne, 13 ans, des rings de boxe aux rues de Charleroi, en Belgique. Une chronique complice qui nous fait découvrir le nouvel espoir de la boxe belge.
 Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.

« J’enfile des gants et donne quelques directs sur un sac dans un coin. Le garçon me regarde du coin de l’œil et esquisse un petit sourire. »

Le premier contact entre Killian Dufrenne, 13 ans, et Thomas Fliche, 29 ans, se fait en un éclair, direct. L’adolescent, surnommé « le Kid », s’entraîne au Boxing Club Garcia, à Bouffioulx, non loin de Charleroi, en Belgique, une salle fondée par Julio Garcia en 1990 et reprise par ses fils Antonio et Loris. Ce dernier travaillait à l’usine de Caterpillar Gosselies qui avait fait la une des journaux lors de sa fermeture en 2016. C’est en s’intéressant à l’histoire de ce site et via la presse locale que Thomas Fliche a repéré les Garcia et Killian, le jeune espoir des moins de 52 kg.

« Killian est un garçon réservé, assez introspectif », avait prévenu Angélique, sa mère, lorsque le photographe l’a contactée pour lui faire part de son projet de travailler sur le parcours sportif de son fils, mais pas seulement. « Je m’intéresse à la notion de territoire, à ses délimitations, aux incidences de son passé sur les hommes qui y vivent », précise Thomas Fliche. Il avait déjà arpenté la région d’Amiens lorsqu’il s’intéressait aux fermetures d’usines « qui donnent le tempo » – notamment celle de Whirlpool –, et au sentiment d’abandon ressenti par les salariés de part et d’autre de la frontière belge.

© Thomas Fliche

Parler du territoire

C’est une drôle d’histoire qui se trame alors entre les deux personnalités, des solitaires qui se reconnaissent au-delà des mots. Killian accorde d’emblée sa confiance à Thomas qui, en plus de sa formation de photojournaliste à l’École des métiers de l’information, à Paris, connaît bien les rings pour y avoir boxé durant son adolescence. Il continue d’ailleurs à s’occuper d’un club en banlieue parisienne. Parcours scolaires chaotiques, relations familiales difficiles et une même curiosité pour la découverte de leurs villes à travers des « missions » dans les grottes, les carrières, les lieux déserts, les usines abandonnées… « Je revivais des choses que j’avais faites gamin, quinze ans après et avec dix kilos de plus… J’arrivais moins à me faufiler! Je retrouvais des choses de mon adolescence, et lui, c’était les premières fois. C’était super, ça me parlait du territoire. Tout se dessinait avec lui dedans », confie le photographe.

Un projet où il prend soin de maintenir une certaine distance, sans faire le coach ou le grand frère, de garder sa place de photographe. Sa garde et sa distance, comme sur un ring. Tout en restant suffisamment proche pour capter la première rencontre avec Karolyn, une ado de l’âge du Kid, avec laquelle le jeune homme deviendra père à l’automne 2018. Au printemps suivant, c’est la ceinture de champion de Belgique qu’il décroche à la force de ses poings. On devine, dans un superbe portrait, toute la fierté du jeune boxeur de 15 ans tenant sa fille Kathlyn dans les bras malgré les blessures qui marquent son visage et son corps. « Une manière de garder la tête haute, de ne pas tomber, de rester debout. De prendre les coups et de continuer à avancer… », décrypte Thomas. C’est mon approche photographique d’assumer ce qu’on est, de raconter simplement, et à la fin d’en être fier. »

 

Cet article est à retrouver dans Fisheye #39, en kiosque et disponible ici.

© Thomas Fliche

© Thomas Fliche

© Thomas Fliche

© Thomas Fliche

© Thomas Fliche© Thomas Fliche

© Thomas Fliche

© Thomas Fliche© Thomas Fliche

© Thomas Fliche

© Thomas Fliche

Explorez
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
Adarsh © Arhant Shrestha
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
À la librairie 7L, le photographe népalais Arhant Shrestha présente Loose Fist, livre et exposition issus d’un long travail de...
18 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
5 coups de cœur qui sondent la mémoire
© Madalena Georgatou
5 coups de cœur qui sondent la mémoire
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
17 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #532 : dans les méandres de la mémoire
© celluloidjournal / Instagram
La sélection Instagram #532 : dans les méandres de la mémoire
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine sondent les mystères de la mémoire. Ils et elles exhument les souvenirs qui...
11 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #565 : Jeanne Narquin et Émilie Brécard
© Jeanne Narquin
Les coups de cœur #565 : Jeanne Narquin et Émilie Brécard
Jeanne Narquin et Émilie Brécard, nos coups de cœur de la semaine, s’intéressent toutes les deux à la féminité. La première photographie...
10 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
5 événements photo à découvrir ce week-end
© Sandra Eleta
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La Galerie Carole Lambert réenchante l'œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Petit cheval de Quito © Archivo Manuel Álvarez Bravo
La Galerie Carole Lambert réenchante l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Jusqu'au 18 décembre 2025, la Galerie Carole Lambert devient l’écueil des 40 tirages d’exception du photographe mexicain Manuel Álvarez...
21 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les secrets des météorites dévoilés par Emilia Martin
I saw a tree bearing stones in place of apples and pears © Emilia Martin
Les secrets des météorites dévoilés par Emilia Martin
Dans son livre I Saw a Tree Bearing Stones in the Place of Apples and Pears, publié chez Yogurt Editions, Emilia Martin s’intéresse au...
21 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Jonathan Bertin : l'impressionnisme au-delà des frontières
Silhouette urbaine, Séoul Impressionism © Jonathan Bertin
Jonathan Bertin : l’impressionnisme au-delà des frontières
Jusqu’au 20 décembre 2025, Jonathan Bertin présente, à la Galerie Porte B, un dialogue délicat entre sa Normandie natale et Séoul, ville...
20 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger