De 2017 à 2019, le photographe Thomas Fliche a suivi le jeune Killian Dufrenne, 13 ans, des rings de boxe aux rues de Charleroi, en Belgique. Une chronique complice qui nous fait découvrir le nouvel espoir de la boxe belge. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
« J’enfile des gants et donne quelques directs sur un sac dans un coin. Le garçon me regarde du coin de l’œil et esquisse un petit sourire. »
Le premier contact entre Killian Dufrenne, 13 ans, et Thomas Fliche, 29 ans, se fait en un éclair, direct. L’adolescent, surnommé « le Kid », s’entraîne au Boxing Club Garcia, à Bouffioulx, non loin de Charleroi, en Belgique, une salle fondée par Julio Garcia en 1990 et reprise par ses fils Antonio et Loris. Ce dernier travaillait à l’usine de Caterpillar Gosselies qui avait fait la une des journaux lors de sa fermeture en 2016. C’est en s’intéressant à l’histoire de ce site et via la presse locale que Thomas Fliche a repéré les Garcia et Killian, le jeune espoir des moins de 52 kg.
« Killian est un garçon réservé, assez introspectif », avait prévenu Angélique, sa mère, lorsque le photographe l’a contactée pour lui faire part de son projet de travailler sur le parcours sportif de son fils, mais pas seulement. « Je m’intéresse à la notion de territoire, à ses délimitations, aux incidences de son passé sur les hommes qui y vivent », précise Thomas Fliche. Il avait déjà arpenté la région d’Amiens lorsqu’il s’intéressait aux fermetures d’usines « qui donnent le tempo » – notamment celle de Whirlpool –, et au sentiment d’abandon ressenti par les salariés de part et d’autre de la frontière belge.
Parler du territoire
C’est une drôle d’histoire qui se trame alors entre les deux personnalités, des solitaires qui se reconnaissent au-delà des mots. Killian accorde d’emblée sa confiance à Thomas qui, en plus de sa formation de photojournaliste à l’École des métiers de l’information, à Paris, connaît bien les rings pour y avoir boxé durant son adolescence. Il continue d’ailleurs à s’occuper d’un club en banlieue parisienne. Parcours scolaires chaotiques, relations familiales difficiles et une même curiosité pour la découverte de leurs villes à travers des « missions » dans les grottes, les carrières, les lieux déserts, les usines abandonnées… « Je revivais des choses que j’avais faites gamin, quinze ans après et avec dix kilos de plus… J’arrivais moins à me faufiler! Je retrouvais des choses de mon adolescence, et lui, c’était les premières fois. C’était super, ça me parlait du territoire. Tout se dessinait avec lui dedans », confie le photographe.
Un projet où il prend soin de maintenir une certaine distance, sans faire le coach ou le grand frère, de garder sa place de photographe. Sa garde et sa distance, comme sur un ring. Tout en restant suffisamment proche pour capter la première rencontre avec Karolyn, une ado de l’âge du Kid, avec laquelle le jeune homme deviendra père à l’automne 2018. Au printemps suivant, c’est la ceinture de champion de Belgique qu’il décroche à la force de ses poings. On devine, dans un superbe portrait, toute la fierté du jeune boxeur de 15 ans tenant sa fille Kathlyn dans les bras malgré les blessures qui marquent son visage et son corps. « Une manière de garder la tête haute, de ne pas tomber, de rester debout. De prendre les coups et de continuer à avancer… », décrypte Thomas. C’est mon approche photographique d’assumer ce qu’on est, de raconter simplement, et à la fin d’en être fier. »
Cet article est à retrouver dans Fisheye #39, en kiosque et disponible ici.
© Thomas Fliche