Michael Dillow est un photographe et étudiant en art américain. Sa série Getting Better propose un ensemble de portraits intimes et touchants de personnes qui se battent contre les ravages de la drogue. Une plongée dans les centres de désintoxication qui ont changé le paysage de la Floride devenue « la capitale internationale de la guérison ».
Fisheye : D’où te vient cette passion pour la photographie ?
Michael Dillow : J’ai grandi à Philadelphie au moment où le skateboard était en plein essor. J’ai commencé à prendre des photos et des vidéos de mes amis et moi sur nos planches. Nous étions fascinés par la façon dont les choses se figent sur un cliché. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que la photo avait le pouvoir de changer l’histoire en apportant des preuves en image. En grandissant, j’ai commencé à diriger mon appareil vers tout ce qui avait trait à la culture autour de moi, et je me suis rendu compte du pouvoir de la photographie.
Comment cela a-t-il défini ton style ?
Je suis attiré par le style documentaire depuis l’université où je l’ai abordé. Cela m’a permis d’exercer mon œil, à le rendre plus perçant, et cela a exacerbé mon désir de comprendre le monde qui m’entoure. Beaucoup de voix s’élèvent au sein d’une même communauté, et mon appareil me permet de les isoler et de les immortaliser. J’arrive à voir au-delà de la surface, pour créer une image honnête et intime de mes modèles.
Tu nous racontes l’histoire de Getting Better ?
En 2015, 52 000 morts par overdose ont eu lieu, et ce nombre ne cesse d’augmenter d’année en année. Ce phénomène est présent partout et touche tout le monde, quels que soient l’âge, l’origine ou encore la classe sociale. La Floride du Sud est surnommée « la capitale internationale de la guérison » parce que là-bas, sur deux cents kilomètres, il y a plus de centres de désintoxication que dans tout le reste du pays. Le problème, c’est qu’il n’y a aucune réglementation autour de ces dispensaires, et aucun moyen de différencier les établissements légitimes des arnaques : ils semblent tous offrir le même type de service.
Pourquoi as-tu choisi de documenter ce sujet ?
Il y a des années, j’ai moi-même fait l’expérience de ces centres de désintoxication. J’en ai donc un point de vue unique qui me permet de ne pas me laisser influencer par les différents médias. Mon but était d’en faire un documentaire plus intime, pour aider les gens qui cherchent à se soigner et pour montrer à quel point ce marché a changé le paysage de la Floride. J’espère que mon travail aidera à dissiper certains stéréotypes associés à la toxicomanie, qu’il mettra en place un dialogue et qu’il ouvrira les esprits.
Combien de temps as-tu passé dans ces centres de rehab ?
J’y ai passé un an et demi, tout d’abord pour faire des recherches, puis pour faire des photos.
Comment as-tu rencontré tes modèles ?
Mon but premier était de photographier le paysage de la Floride, transformé par la présence des centres. Je me promenais toute la journée pour prendre en photo tout ce qui m’inspirait. J’ai rencontré des patients aussi. Nous avons commencé à discuter, de leurs expériences et des miennes, et je leur ai expliqué mon travail. Mon projet est devenu connu et des rencontres m’ont permis de rentrer dans des maisons de transition (établissement qui reçoit des personnes éprouvant des difficultés temporaires, ndlr). Là-bas, je discutais avec des gens, nous échangions sur le sujet, et je les photographiais si l’envie m’en prenait. C’était une véritable collaboration entre eux et moi.
Qu’est-ce que tu as appris en réalisant cette série ?
Je savais déjà que l’addiction était une véritable maladie. Cependant, après être resté aussi longtemps dans ces centres, je me suis rendu compte du pouvoir immense qu’exerçait cette dépendance sur ses victimes. Les gens ne restaient souvent qu’une semaine, et si certains s’en sortaient, beaucoup, malgré tous leurs efforts, sombraient à nouveau dans la drogue. Tout le monde n’a pas ma chance. C’était pour moi très difficile, j’avais l’impression d’être le témoin d’une épidémie, qui ne s’éteindrait jamais.
As-tu une photo favorite ?
C’est impossible pour moi de répondre à cette question. Il y a environ cinq photos qui me paraissent fondamentales. L’une d’entre elles, c’est le portrait d’une jeune femme se tenant au dos de son copain. On a l’impression que ce couple ne fait plus qu’un. Ce cliché montre la grande vulnérabilité des premiers jours de guérison, et ce désir d’établir des relations profondes avec les gens, pour s’en sortir.
© Michael Dillow