Jusqu’au 29 août, le Studio de la Maison européenne de la Photographie présente Le samouraï noir au Japon, un court métrage dansant, inspiré par la vie de Yasuke Kurosan, ayant vécu au 16e siècle.
Esclave noir devenu samouraï, Yasuke Kurosan est une figure à part de l’histoire japonaise – une légende, presque irréelle, marquant de sa présence un héritage ancestral, encore populaire aujourd’hui. Premier samouraï étranger du pays, le mystérieux homme, né au 16e siècle, avait été repéré par un chef de guerre, Oda Nobutada. Dans les rangs, sa grande taille et la couleur de sa peau fascinent autant qu’elles attisent la haine. Une différence qui le démarque, et lui permet d’apprendre le code des samouraïs, d’initier son corps au combat.
Lorsque Smaïl Kanouté, chorégraphe, danseur, graphiste et artiste plasticien, découvre cette histoire singulière, l’envie de construire un récit performatif naît – impérieux. Présenté au sein du Studio, l’espace de la MEP dédié à la photographie émergente et aux arts numériques, Le samouraï noir au Japon célèbre et danse la vie de Yasuke Kurosan. Une manière pour l’artiste de relier deux cultures lointaines, d’unir, grâce au mouvement, deux sociétés, et deux langages corporels : le hip-hop et l’art martial.
Un hymne à l’altérité
Des forêts nippones aux rues agitées de Tokyo, le court-métrage suit la figure de Yasuke, entre deux époques, entre deux espaces. Seul, entouré de samouraïs contemporains, ou encore de Kathy Sachiko Scott – danseuse métisse américano-japonaise – il explore son environnement, et retrace son parcours, de la soumission à la libération. Un récit porté par le popping (un style de hip-hop venu du funk, caractérisé par des contractions des muscles et des mouvements fluides, NDLR). Et, au fil du film, le corps devient une toile, vouté par le poids de l’esclavage, transcendé par l’honneur associé aux samouraïs, et marqué par des calligraphies.
Car, influencé par le graphisme et l’art plastique, Smaïl Kanouté parvient à faire fusionner les genres et les disciplines pour créer une langue à part, et faire émerger une énergie communicative. Imaginée en triptyque, la vidéo propose trois décors – un sauvage, un citadin, un intérieur. Une manière d’explorer l’impact du colonialisme et des rites dans toutes les sphères de la société. Au moyen de la danse, de la performance, l’auteur érige un conte guidé par la notion d’identité, par le besoin de se souvenir, mais aussi d’interroger notre histoire et notre passé. Portée par les mouvements libres, aériens du popping, ainsi que par la voix off faisant fusionner, en japonais, Afrique et Orient, Le samouraï noir au Japon est un hymne à l’altérité. Une belle manière de prôner la beauté de nos différences. Car, à l’image de cette figure afro-nippone, le danseur « marche libre, comme la lame de [s]on sabre ».
© Smaïl Kanouté