Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité. Installée à Amsterdam, Vesna Vrdoljak donne une seconde vie à des photographies venues d’un autre temps. À l’aide d’ « une paire de ciseaux, d’un couteau et de colle », l’artiste collagiste ouvre les portes d’un monde serein qui révèle toute l’importance de la représentation.
Alors qu’elle se promenait dans les allées du musée d’art contemporain d’Amsterdam, Vesna Vrdoljak fait une rencontre inopinée qui changera sa vie : les collages de Kurt Schwitters. Sur les murs qui lui font face, les compositions « charmantes, désordonnées et abstraites » l’émerveillent et témoignent, en creux, de toute l’importance de la représentation. « Je ne savais pas que ce genre d’œuvres pouvait être considéré comme de l’art – et encore moins qu’il pouvait être exposé dans un musée ! Je trouvais cela très audacieux », se rappelle l’artiste. Dans le souvenir de cette vision marquante, un jour d’ennui, elle se munit d’ « une paire de ciseaux, d’un couteau et de colle » et part en quête de morceaux d’images et de papier, allant des cartes postales aux brochures de ces films anciens dont elle se délecte dans les salles obscures.
Au cœur de ses tableaux se déploie une nature aux lignes courbes ou fragmentées, marines ou montagneuses. « Le paysage offre de l’espace – l’espace nécessaire à la respiration et à la création d’histoires », nous souffle Vesna Vrdoljak. Minimalistes, ses collages associent toujours cet élément à un second, graphique ou indéfinissable, et jouent avec le contour de l’œuvre, souvent apparent. À cela s’ajoutent des taches, des égratignures et de légères décolorations. « J’aime attirer le regard sur les parties endommagées de l’image pour mettre en lumière les imperfections et l’accidentel. Je suis très sensible à la vie du papier. En montrant son altération, je témoigne de mon respect pour son existence passée. Avec le moins de découpes possible, j’essaie de créer une nouvelle réalité. Cela offre également un sentiment de mystère et d’intimité », affirme l’artiste.
Le charme fragile de l’éphémère
Ces territoires réinventés s’inscrivent dans une recherche d’équilibre entre l’étrange et le familier, ce qui nous échappe et nous rassure. « Il y a beaucoup de romantisme dans les anciennes photos. L’expérience et la mémoire du passé sont différentes pour chacun et chacune d’entre nous. En regardant ces images, je vagabonde dans mes pensées et crée ma propre histoire, nous confie notre interlocutrice. Tout le monde le fait. L’idée que le temps se manifeste dans la détérioration des clichés me rend très nostalgique. » Pareilles à des vanités d’un nouveau genre, ses œuvres cristallisent l’épanouissement fugace et mobile des êtres et des choses qui habitent notre Terre.
Les fleurs, « ses grands modèles », incarnent tout à fait cette idée. « Elles représentent la beauté universelle et intemporelle. Leur puissance me plaît, explique Vesna Vrdoljak. La floraison est synonyme de productivité, de mouvement et de développement. Les fleurs ne sont jamais les mêmes : elles sont toujours dans un état, dans une phase différente, tout comme les saisons. Elles s’épanouissent, puis elles meurent. Elles sont délicates, de la même manière que le papier est sujet à la décomposition. Cela correspond à la dynamique de la vie. » Par ce traitement singulier de l’image, l’artiste néerlandaise entend ainsi capturer le processus de transition auquel nul ne peut se soustraire, et célèbre le charme fragile de l’éphémère.
© Vesna Vrdoljak