Lors de la semaine d’ouverture des Rencontres d’Arles, la Bourse du Talent a révélé les trois lauréat·es de son édition 2025. Sasha Mongin, Aria Shahrokhshahi et Santanu Dey se distinguent par leur approche profondément humaine, mêlant récit personnel, documentaire et fiction.
Poser un regard sur le monde avec de nouvelles écritures documentaires et des approches écoresponsables. Tel est le mantra de la Bourse du Talent, créée en 1998 et soutenue par Picto Foundation, PixTrakk, la Saif et à présent MPB. Décernée à trois artistes émergent·es, elle leur offre un accompagnement dans leur parcours professionnel. Cette année, le jury a sélectionné les travaux de Sasha Mongin, d’Aria Shahrokhshahi et de Santanu Dey. Ces derniers seront présentés lors de l’exposition La Photographie à tout prix. Une année de prix photographiques à la BnF, du 16 décembre 2025 au 30 mars 2026. Les lauréat·es explorent chacun·e à leur manière, avec diverses esthétiques, des questions qui traversent l’humanité : la maladie, les déplacements forcés, les conflits et la domination.
Conter la maladie
Des archives qui semblent altérées par la propagation d’un virus, des scanneurs de cerveau, rues et maisons noyées dans des teintes édulcorées. Sasha Mongin, avec Le Mourant qui ne mourait pas, raconte, à travers des images texturées, la mort qui plane au-dessus de sa famille. « Mon père a été contaminé par le VIH lors d’une transfusion sanguine en 1982, à la suite d’une opération du cœur. Le sida a permis à un virus rare d’attaquer son cerveau. […] Les médecins ne lui donnaient que quelques mois à vivre. Mais il leur a donné tort, il est toujours avec nous aujourd’hui », précise-t-elle. Le médium s’avère être, pour elle, un moyen d’introspection – bien que douloureux – interrogeant les diagnostics et la possibilité d’une disparition prochaine. « La mort a toujours été un sujet commun dans mon quotidien et celui de mes parents, ils en rient, ils en pleurent et ils l’attendent », déclare-t-elle.
S’éloigner des récits dominants
Aria Shahrokhshahi s’aventure en Ukraine et saisit, dans un monochrome contrasté, les tensions qui règnent dans ce pays en guerre. Wet Ground se constitue d’images fixes et animées remettant en question les récits dominants du conflit et offrant un regard sur la persistance de la vie et la préservation des cultures en temps de guerre. Mêlant fiction et documentaire, croisant les époques, Santanu Dey présente Brackish Tears, un projet au long cours sur les conséquences de la partition de l’Inde, en 1947, sur la région du Bengale et les cicatrices laissées par le colonialisme britannique qui a fortement divisé les peuples. « Mon travail […] remonte la structure de cette violence liée à la migration et à la réinstallation jusqu’au Mahabharata, une épopée hindoue ancienne qui influence profondément l’imaginaire culturel de la religion majoritaire du pays », détaille l’artiste. Chacune de ces séries invite à une réflexion sur la mémoire collective et personnelle et propose des histoires singulières, bien qu’aux échos universels.