Le Festival Photo La Gacilly décline ses « visions » du monde environnant

29 juin 2022   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le Festival Photo La Gacilly décline ses « visions » du monde environnant

Jusqu’au 30 septembre se tient le Festival Photo La Gacilly. À cette occasion, une vingtaine de photographes déclinent, chacun à leur façon, leurs Visions d’Orient ou leur image du monde de demain. Quels que soient les pays, l’urgence écologique, thème sous-jacent à la manifestation, n’est pas en reste.

Comme chaque été depuis près de vingt ans, le Festival Photo La Gacilly investit la ville du même nom et propose une série d’expositions en plein air. Pour cette 19e édition, ce sont l’espace culturel persan et ses Visions d’Orient qui ont été mis à l’honneur. À cette occasion, plusieurs photographes ont été conviés à prendre part à une programmation engagée sur les thématiques sociales et environnementales, leitmotiv de l’évènement. Parmi eux figurent bien évidemment des artistes d’origine iranienne, afghane ou pakistanaise, mais également des auteurs ayant un lien très marqué avec ces pays ou l’écologie. Car au-delà du thème de la manifestation s’en dessine un autre, en creux, mais tout aussi important : nos visions du monde contemporain et la façon dont nous le réinventons pour mieux l’habiter.

Un sentiment de solastalgie ou d’éco-anxiété

Hashem Shakeri fait partie de ceux qui transforment, par l’image, leur environnement à ces fins. En des temps lointains et révolus, la terre qu’il capture était luxuriante et fertile. Depuis, l’eau s’est évaporée, de même que la vie qui a laissé place à une misère profondément ancrée. Pourtant, dans les clichés du photographe iranien, les paysages sont édulcorés, empreints d’une douceur lancinante qui contraste avec la sécheresse endémique du Sistan-et-Baloutchistan. Les bleus céruléens et les blancs épurés – rappelant l’onde et le ciel – s’y confondent. De ces Terres de sables jaillit alors un soupçon d’espoir, distillé dans l’ardeur des jours. Ebrahim Noroozi s’amuse tout autant des nuances inattendues qui nous plongent dans des Rêveries trompeuses. L’été venu, l’eau claire et salée du lac d’Ourmia – l’un des plus grands de la région – prend la couleur de l’urgence. Algues et bactéries prolifèrent et l’empourprent, laissant un goût amer aux populations locales.

Dans un autre genre, Gohar Dashti témoigne des chimères dans lesquelles s’enlisent les souvenirs. Dans ses Fragments de mémoires, l’artiste iranienne raconte la guerre entre l’Irak et l’Iran, qui a morcelé le pays et ses habitants, au travers de kaléidoscopes photographiques. « Les gens sont éphémères, mais la nature est constante : elle sera là longtemps après que nous serons tous partis », déclare-t-elle à ce sujet. Ici, au contraire d’un paysage-état d’âme, c’est le paysage qui influe désormais sur les êtres et leurs dispositions d’esprit. Ce contexte justifie alors ce sentiment de solastalgie ou d’éco-anxiété dont souffrent certains et certaines d’entre nous, notamment les plus jeunes.

© Hashem Shakeri

© Hashem Shakeri

L’indéniable nécessité d’agir

Dans cet univers au mouvement perpétuel devenu délétère, les artistes incarnent alors d’idéals « défenseurs d’une pensée positive, des ambassadeurs de la conscience écologique, des lumières d’un espoir nouveau », assure Cyril Drouhet, commissaire des expositions. Cette volonté de répandre un certain optimisme face à ce mal du siècle se traduit, plus largement, à travers les prix auxquels le Festival s’associe. Celui instigué par la Fondation Yves Rocher, en partenariat avec Visa pour l’Image, soutient ainsi les photojournalistes inspirés par ces problématiques contemporaines. Celui des Nouvelles Écritures de la Photographie Environnementale, en collaboration avec Fisheye, s’attache quant à lui à récompenser les talents émergents qui font des différents milieux alentour un cheval de bataille tout trouvé.

Les lauréats de la dernière édition ont alors tâché de déployer une variété de réalités souvent occultées. À l’ombre de l’Arboretum, Chloé Azzopardi propose, à ce titre, des Écosystèmes dans lesquels nature et civilisation évoluent en harmonie. Là-bas, faune et flore se superposent jusqu’à atteindre une fusion rassurante. Dans Frontières, Maxime Taillez sonde les extrémités de ces espaces cruciaux et sauvages pour la plupart. Ces limites – qui définissent nos identités en certains aspects – se voient franchies par les sujets d’Alisa Martynova. Contraints à fuir un environnement déliquescent, les migrants qu’elle immortalise dans Nowhere Near semblent perdus dans des paysages nébuleux. Seuls l’urgence et l’effroi surgissent à nouveau de ce flou ambiant. Un besoin de clarté transparaît alors et appuie indéniablement sur la nécessité d’agir tant qu’il est encore temps.

© Chloé Azzopardi

© Chloé Azzopardi, lauréate du Prix Nouvelles Écritures de la Photographie Environnementale 2022

© Alisa Martynova

© Alisa Martynova, lauréat du Prix Nouvelles Écritures de la Photographie Environnementale 2022

© Gohar Gashti

© Gohar Gashti

© Maxime Taillez

© Maxime Taillez, lauréat du Prix Nouvelles Écritures de la Photographie Environnementale 2022

© Hashem Shakeri

© Hashem Shakeri

© Ebrahim Noroozi

© Ebrahim Noroozi

Image d’ouverture © Gohar Gashti

Explorez
26 séries de photographies qui capturent l'hiver
Images issues de Midnight Sun (Collapse Books, 2025) © Aliocha Boi
26 séries de photographies qui capturent l’hiver
L’hiver, ses terres enneigées et ses festivités se révèlent être la muse d’un certain nombre de photographes. En ce jour de Noël, la...
17 décembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Grégoire Beraud et les terres colorées de l'Amazonie
Kipatsi © Grégoire Beraud
Grégoire Beraud et les terres colorées de l’Amazonie
Dans sa série Kípatsi, réalisée dans l’Amazonie péruvienne, Grégoire Beraud met en lumière la communauté Matsigenka, sa relation à la...
13 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
© Grant Harder
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
Himanshu Vats et Grant Harder, nos coups de cœur de la semaine, explorent la nature, et les liens qu’elle entretient avec les humains. Le...
01 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 24 novembre 2025 : héritage, métamorphose et nature
Anish © Arhant Shrestha
Les images de la semaine du 24 novembre 2025 : héritage, métamorphose et nature
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent d’héritage et de métamorphoses, et vous offrent même une autre...
30 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Sarah Bahbah : écran d’intimité
© Sarah Bahbah
Sarah Bahbah : écran d’intimité
Sarah Bahbah a imaginé Can I Come In?, un format immersif à la croisée du podcast, du film et du documentaire. Dans les six épisodes qui...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les missives intimes de Julian Slagman
A Bread with a Sturdy Crust, de la série A Failed Attempt to Photograph Reality © Julian Slagman
Les missives intimes de Julian Slagman
Avec A Failed Attempt to Photograph Reality Julian Slagman compose des lettres personnelles qui mêlent des images monochromes et des...
17 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
26 séries de photographies qui capturent l'hiver
Images issues de Midnight Sun (Collapse Books, 2025) © Aliocha Boi
26 séries de photographies qui capturent l’hiver
L’hiver, ses terres enneigées et ses festivités se révèlent être la muse d’un certain nombre de photographes. En ce jour de Noël, la...
17 décembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Martin Parr : des photographes de Bristol lui rendent hommage
© Fabrice Laroche
Martin Parr : des photographes de Bristol lui rendent hommage
Consciemment ou non, des photographes du monde entier travaillent sous l’influence de Martin Parr. Mais pour la communauté photographique...
16 décembre 2025   •  
Écrit par Thomas Andrei