Les acteurs de la photo se positionnent

26 juillet 2017   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les acteurs de la photo se positionnent

Nous avons interrogé un certain nombre d’acteurs du milieu de la photo pour leur demander leur point de vue sur la visibilité des femmes photographes. Nous leur avons posé trois questions. Pensez-vous qu’à talent et compétences égales, les femmes et les hommes photographes ont aujourd’hui les mêmes chances de voir leur travail reconnu ? Pensez-vous que l’exposition du travail des femmes photographes soit à la mesure de leur production ? Pensez-vous qu’il soit nécessaire d’être attentif à la question du genre de l’artiste dans les expositions, les festivals et publications, bourses et commissions d’achat photo ? Nous vous livrons quelques extraits parmi les 23 témoignages publiés dans notre hors-série, Femmes photographes, une sous-exposition manifeste.

Jean-Luc Monterosso, directeur de la Maison européenne de la photographie

« À talent et compétences égales, si l’on regarde l’histoire de la photographie, les hommes et les femmes photographes n’ont pas eu les mêmes chances de voir leur travail reconnu. C’est le cas dans tous les domaines, et la photographie n’échappe pas à la règle. Néanmoins, on peut constater une évolution. Ainsi, si dans la collection de la MEP, la majorité des photographes sont des hommes, dans la collection vidéo, c’est l’inverse. Cela s’explique par le fait qu’aujourd’hui, dans les écoles d’art, les femmes sont majoritaires. »

Françoise Paviot, directrice de la galerie Françoise Paviot

« Il est vrai qu’à qualité de travail égale, les femmes photographes, comme les femmes peintres, chefs cuisiniers ou autres ont là un handicap : plus de responsabilités diverses, enfants, maison… Et peut-être aussi moins la possibilité de choisir et de s’engager l’esprit libre dans une seule voie. Une production moins régulière, une communication plus aléatoire, une présence moins travaillée, moins agressive… »

“C’est le sexisme de base, normal, acquis.”

Marion Hislen, directrice du festival Circulation(s)

« Il n’y a pas assez de femmes dans les expositions “historiques”. Mais les temps changent, et je constate plus de femmes que d’hommes dans les écoles, et même après. Je ne suis pas forcement pour les quotas, mais, par contre, qu’inconsciemment on choisisse systématiquement peu, voire pas de femmes, c’est un peu gênant. C’est le sexisme de base, normal, acquis. »

Marta Gili, directrice du Jeu de Paume

« Le pourcentage de monographies dédiées à des créatrices, dans tous les domaines, variait il y a peu autour de 10 %. Chez nous [au Jeu de Paume], sur les dix dernières années, on est à 45 %. On l’a fait inconsciemment, sans préjugés des genres. Mais selon les années, ça varie, il faut voir ça sur un cycle long. Une programmation, c’est comme un storytelling. […] Il y a encore beaucoup de directeurs et de directrices de musées qui ne se posent pas cette question [de la discrimination positive], et quand je les interpelle sur ce point, ils me répondent : “Mais ce qui est important, c’est l’œuvre, la qualité du travail.” Évidemment que c’est important, mais est-ce que vous dites que vous exposez plus d’hommes parce que les femmes n’ont pas un travail de qualité ? Ou est-ce que vous n’avez pas pris la peine d’aller faire des recherches sur leurs travaux ? Et c’est aussi la responsabilité des institutions qui doivent manifester une ouverture d’esprit et laisser les préjugés pour donner un rayonnement à toutes sortes d’artistes : femmes/hommes, national/international, nord/sud, est/ouest… Et ça, c’est un travail. »

“Les lieux de la photographie demeurent avant tout des espaces masculins.”

François Cheval, directeur artistique du festival de Mérignac, ex-directeur du musée Nicéphore-Niépce

« Les lieux de la photographie demeurent avant tout des espaces masculins. Et si certains lieux photographiques sont dirigés par des femmes, la programmation photographique, elle, reste marquée du sceau de la masculinité. […] Je suis totalement persuadé qu’il faut déterminer des quotas. On ne peut accepter l’idée de manifestations encore majoritairement masculines. La parité dans la photographie ne peut être laissée au bon vouloir des décideurs. Dans ce domaine, comme dans d’autres, c’est au milieu lui-même et aux femmes photographes d’exiger une représentation conforme à leur influence et à leur valeur. […] La causticité de Natasha Caruana, la constance de Claire Chevrier, la générosité et l’acuité d’Isabel Muñoz, la subtilité d’Alexandra Catière, etc., témoignent d’un autre rapport au monde, subjectif, qui n’est en rien comparable à celui des photographes mâles. Ne pas reconnaître l’originalité et la créativité des femmes photographes relève de la cécité et, quelque part, leur attribue scandaleusement un rôle mineur dans le médium. »

Francis Jolly, directeur de collection aux éditions Tribew

« Je ne vois pas pourquoi la photographie échapperait aux travers de la société contemporaine. “À travail égal, salaire égal” reste un slogan d’un combat encore à mener. “À talent égal, reconnaissance égale” n’a pas encore fait voler en éclats les préjugés bien enfouis dans les inconscients de nombre de décideurs dans le monde de la photographie, tout comme dans ceux d’une partie du public d’ailleurs. »

Image d’ouverture : couverture du hors-série, © Megan Doherty

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