Les Brésils de Ludovic Carème

27 juin 2019   •  
Écrit par Eric Karsenty
Les Brésils de Ludovic Carème

Ludovic Carème n’est pas un inconnu, il signe des portraits dans la presse depuis plus de vingt ans. De Libération à l’Express, en passant par Elle ou Télérama, il a mis en boite pas mal de têtes célèbres. Mais c’est un tout autre portrait qu’il nous rapporte du Brésil, où il a passé plus de dix ans. Dix années à arpenter une petite favela de Sao Paulo, Agua Branca, avant de s’enfoncer dans la forêt amazonienne à la rencontre de ses habitants. Ce portrait tout en nuance de gris, cadré carré et titré Brésils, est exposé à la Friche la Belle de Mai, à Marseille, jusqu’au 29 septembre.

Les photographies du Brésil de Ludovic Carème lui ressemblent étonnamment. Douces, calmes, subtiles, pleines d’humanité et d’empathie, elles ne prétendent pas à une vérité définitive, mais traduisent plutôt le sentiment de rencontres heureuses. Des rencontres avec les habitants d’une favela croisés au petit matin sur la route du travail, sur un trottoir défoncé, l’air déjà fatigué, avec des vêtements d’un autre âge. Des portraits en pied, centrés au cœur de l’image, loin de tout artifice dans la lumière grise et dure du matin. Des images d’une profonde dignité. D’autres portraits des habitants d’Agua Branca ou de la forêt amazonienne sont, eux, pris de plus près. Le photographe s’est rapproché, son regard s’est fait plus tendre, et la lumière caressante semble distiller un sentiment de bonheur.

© Ludovic Carème© Ludovic Carème

La distance juste

Un sentiment qu’on peut retrouver dans les images de la forêt amazonienne et des gestes de ses habitants : des détails de corps fondus dans le décor qui expriment une certaine harmonie. C’est une main qui tient la bride d’un bovin avec une étonnante sensualité, des épaules endormies sur des planches de bois, des pieds en équilibre sur une branche humide, un bras qui sort d’une feuille de palmier, un dos courbé et transpirant, des mains qui effleurent un tronc d’arbre… partout les cadrages de Ludovic Carème trouve la distance juste pour nous toucher. Même quand il retourne dans les rues de Sao Paulo pour photographier les sans-abri emmaillotés dans d’improbables tissus, plastiques ou couverture de fortune, il s’arrange pour « ne pas en faire trop », explique Christian Caujolle, qui signe le commissariat de cette exposition. Sur le mur s’alignent 60 photos de sans-abri dans lesquels on devine parfois un fragment de corps : une jambe, une main… ou comme ici où l’on devine par une paire de chaussures posée sur le bitume d’où émerge un drôle de « paquet » qu’on a affaire à une présence humaine.

Intrépides graffeurs

L’exposition se termine par une série de bâtiments abandonnés du centre de Sao Paulo, des immeubles tagués par d’intrépides graffeurs, les pixieros. Des grandes carcasses vides qui font écho aux sans-abri. On estime en effet à 350 000 le nombre de logements vides dans la cité, un chiffre à mettre en regard des 400 000 familles à la rue. Les Brésils de Ludovic Carème rappellent les photos de Walker Evans, Paul Strand, Jacques Verger ou encore August Sander, égrène Christian Caujolle, qui présente dans le même lieu son exposition 40 ans après, la photographie contemporaine au Cambodge, dont nous vous avions déjà parlé ici. Une autre bonne raison de vous rendre à la Friche la Belle de Mai cet été, un lieu magique où vous pourrez découvrir bien d’autres choses encore.

Les photos de Brésils sont à retrouver dans deux superbes ouvrages publiés aux éditions Xavier Barral.

Jusqu’au 29 septembre 2019

Friche la Belle de Mai

Brésils, de Ludovic Carème

40 ans après, la photographie contemporaine au Cambodge

© Ludovic Carème© Ludovic Carème
© Ludovic Carème© Ludovic Carème
© Ludovic Carème© Ludovic Carème
© Ludovic Carème© Ludovic Carème

© Ludovic Carème

Explorez
Rodolphe de Brabandere : Mythologie ou l’odyssée surprenante d’un Ulysse belge
© Rodolphe de Brabandere
Rodolphe de Brabandere : Mythologie ou l’odyssée surprenante d’un Ulysse belge
Pour réaliser Mythologie, Rodolphe de Brabandere a sillonné la Belgique afin d'en capturer les nombreuses traditions. Anachronique et...
22 octobre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Science et phénomènes étranges : les recherches qui inspirent les photographes de Fisheye
© Marta Bogdanska
Science et phénomènes étranges : les recherches qui inspirent les photographes de Fisheye
En l’honneur du projet Sorbonne Université Arts Visuels et Expériences Scientifiques croisant expérimentations et photographie jusqu’aux...
18 octobre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La Quinzaine photographique : Nantes, entre illusion et réalité
© Robin Lopvet
La Quinzaine photographique : Nantes, entre illusion et réalité
La Quinzaine photographique nantaise revient pour son édition 2024. Cette année, le fil rouge est l’illusion photographique.
18 octobre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Jule Ehlenz et la découpe du mâle
© Jule Ehlenz
Jule Ehlenz et la découpe du mâle
Dans sa série Playboy series (untilted), Jule Ehlenz s’attaque par le collage à la représentation des femmes...
18 octobre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Dans l’œil de Sina Muehlbauer : les visages flous de nos souvenirs
© Sina Müehlbauer
Dans l’œil de Sina Muehlbauer : les visages flous de nos souvenirs
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Sina Muehlbauer. Intriguée par le masque métaphorique que l’on présente au monde – pour cacher...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Rodolphe de Brabandere : Mythologie ou l’odyssée surprenante d’un Ulysse belge
© Rodolphe de Brabandere
Rodolphe de Brabandere : Mythologie ou l’odyssée surprenante d’un Ulysse belge
Pour réaliser Mythologie, Rodolphe de Brabandere a sillonné la Belgique afin d'en capturer les nombreuses traditions. Anachronique et...
22 octobre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La sélection Instagram #477 : prendre une pause
© Anouk Nitsche / Instagram
La sélection Instagram #477 : prendre une pause
Cette semaine, à l’occasion des vacances scolaires ou des jours fériés à venir, les photographes de notre sélection Instagram nous...
22 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
À la MEP, l’histoire de la photographie se révèle à travers celle des plantes
© Ali Kazma / Courtesy Francesca Minini, Milan
À la MEP, l’histoire de la photographie se révèle à travers celle des plantes
Jusqu’au 19 janvier 2025, la MEP invite son public à découvrir le monde fascinant de la flore au travers de Science/Fiction – Une...
21 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet