Plusieurs fois récompensé pour ses reportages aux quatre coins du monde, William Daniels revient sur dix ans de productions photojournalistiques avec une exposition et un livre qui proposent une relecture de son travail. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
En 2012, le livre et l’exposition Faded Tulips exploraient les conséquences de la « révolution des tulipes » au Kirghizistan. William Daniels file la métaphore botanique dans son nouveau projet, en l’intitulant Wilting Point, que l’on peut traduire par « point de flétrissement permanent » ou « seuil létal de fanaison ». Ce terme désigne le seuil d’humidité dans le sol en deçà duquel une plante se fane de façon irréversible car elle ne peut plus prélever d’eau. Déjà récompensé par deux World Press, un Visa d’or à Perpignan et plusieurs bourses internationales, le photographe est habitué à travailler pour les magazines d’actualité sur les lieux de conflits. Il a choisi, cette fois, de « casser la lecture traditionnelle » de ses images en exposant simultanément des clichés pris dans différents pays durant ces dix dernières années.
William Daniels précise : « Nous avons rassemblé des sujets qui se situent sur des lignes de fracture, sur des lieux instables de manière récurrente : il y a eu cinq coups d’État en République centrafricaine depuis son indépendance en 1960 ; les clashs entre Kirghiz et Ouzbeks [au Kirghizistan, ndlr] sont réguliers ; les Rohingyas traversent la frontière [entre la Birmanie et le Bangladesh, ndlr] depuis quarante ans… » Il s’agit d’une mise en relation des « points de friction récurrents dus à l’histoire de la construction de ces États, comme si une onde de choc se poursuivait à travers les générations : c’est cela qui est commun à toutes ces histoires. Nous nous sommes rendu compte que nous étions souvent dans une espèce d’entre-deux, avec la sensation d’un temps suspendu ».
S’affranchir du sujet
Afin de présenter ses images autrement que sous la forme d’un « reportage magazine accroché au mur », William Daniels a bénéficié du concours précieux de Marie Lesbats. Cette diplômée de l’École du Louvre, habituée à travailler pour des galeries et des institutions, assure avec lui le commissariat de l’exposition. « J’ai voulu m’affranchir du sujet, avec l’envie de rebattre les cartes pour avoir une vision directe, émotionnelle. Il s’en est dégagé quelque chose de puissant, qui prend aussi en compte la nature, les lumières… d’où une proposition transversale, et non “par sujet”, explique Marie Lesbats. Nous sommes allés chercher d’autres images pour construire ce parcours qui revisite son travail. »
Dans le bel espace du Pavillon Carré de Baudouin, perché en haut de la rue de Ménilmontant, dans le 20e arrondissement de Paris, la première salle présente ainsi des grands formats (120 x 180 cm et 160 x 240 cm), des images emblématiques et lumineuses de William Daniels. Plus loin, le regardeur progresse parmi les clichés d’une nature en train de se dégrader, puis il pénètre dans une salle plus sombre, saisi par l’atmosphère de temps suspendu. Enfin, dans la grande salle du premier étage, éclate le chaos. Là, le visiteur navigue en apnée au milieu d’une trentaine d’images accrochées bord à bord, véritable immersion dans quatre « lieux au bord du gouffre », régulièrement couverts par l’auteur : République centrafricaine, Kirghizistan, Cachemire indien et frontière banglado-birmane. Les images se font plus complexes, plus graves, plus tragiques aussi. On bascule dans le Wilting Point, avec le sentiment que ces pays ne s’en relèveront pas.
Wilting Point, William Daniels
Pavillon Carré de Baudouin, 121 rue de Ménilmontant, Paris 20
Vernissage le 24 janvier à partir de 18h30
Exposition du 25 janvier au 11 avril 2019
© William Daniels
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #34, en kiosque et disponible ici.