Mélodie Roulaud et LickieMcGuire, nos coups de cœur de la semaine, se livrent toutes deux à une pratique photographique ayant trait à l’archive. La première documente la vie d’un estran de Saint-Malo tandis que la seconde compose un journal visuel.
Mélodie Roulaud
« Après avoir étudié pendant plusieurs années la représentation du corps, particulièrement dans le contexte de la mode, j’ai ressenti une envie profonde de travailler avec des éléments naturels, confie Mélodie Roulaud. Cette nouvelle orientation s’inscrit dans une réflexion de longue date, cherchant à développer des projets qui permettraient d’être dans la nature et d’explorer des lieux comme la plage du Sillon, à Saint-Malo. » Intertidal est né de ce besoin de changement éprouvé par la photographe de commande. Pour réaliser cette série, celle-ci a puisé dans son approche du regard féminin afin de sonder la relation que les êtres entretiennent avec leur environnement. Les images suivent alors le cycle des marées, qui rythme l’existence au sein de ce territoire. Avec délicatesse, les monochromes donnent à voir les activités humaines qui prennent place lorsque la mer se retire : des promenades sans but, des quêtes de trésors comme des recherches scientifiques. « Ils révèlent comment la plage devient un espace de guérison émotionnelle et de révérence spirituelle, de découverte et de contemplation », explique l’autrice. Dans un mouvement collaboratif porté par le hasard et les procédés techniques, la biodiversité côtière apparaît quant à elle sur des chimigrammes et des photogrammes. « Les matériaux organiques interagissent directement avec les surfaces photosensibles, créant leurs propres “autoportraits” et offrant un dialogue imaginé avec les expériences humaines. Ces empreintes révèlent une dimension cosmique inattendue, transformant le paysage terrestre en paysage céleste », assure-t-elle. En un regard, l’estran prend ainsi la forme d’une toile vierge sur laquelle nous pouvons projeter les réalités qui sont les nôtres, nos préoccupations comme nos rêveries d’un monde en perpétuel changement.
LickieMcGuire
« Mon approche vient de la peur de rater quelque chose de sublime dans le banal », commence celle qui se fait surnommer LickieMcGuire. Installée à Bruxelles, la photographe s’est prise de passion pour le médium à l’adolescence. Elle se plaisait alors à découvrir les clichés conservés dans les greniers poussiéreux. « J’adorais le fait de les extraire de l’oubli et de retrouver des visages, des objets qui m’étaient totalement inconnus, mais dont la mémoire subsistait. Cela a éveillé mon intérêt pour la conversation personnelle et l’archivage, et ce qui deviendrait ma pratique », déclare-t-elle. De fait, cet attrait l’a également poussée à prendre l’habitude, à son tour, d’immortaliser son quotidien. Chaque évènement s’impose dès lors comme un moment singulier qu’il convient de figer et sa petite-amie se fait muse ou fil conducteur d’une époque. « Pour moi, l’enjeu principal est de revenir avec des photographies qui revêtent un sentiment spécial, nous explique-t-elle. Elles me rappellent à la fois des sensations, des souvenirs, mais aussi me rassurent puisqu’elles rendent impossible l’oubli. » Assemblées selon les formes ou les couleurs qu’elles présentent, les images rendent compte d’une ambiance et racontent ainsi des bribes d’existence dans lesquelles le sujet s’efface toujours au profit des lieux ou des circonstances. « Je ne sais pas si mes tirages sont intrinsèquement queer, je ne cherche pas forcément à ce qu’ils soient lus comme tels. Cependant, dans certains d’entre eux, je retrouve un peu de violence, un peu de mélancolie… Cela pourrait paraître pessimiste, mais ces composantes font partie intégrante de ces réalités, donc je raconte peut-être quelque chose de nos histoires, mais je n’en ai pas la prétention », conclut notre interlocutrice.