Les Nuits Photo redonnent au film photographique une place de choix !

29 octobre 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les Nuits Photo redonnent au film photographique une place de choix !

La réalisatrice Alex Liebert, épaulée par l’association Freelens, donne aux festival Les Nuits Photo un second souffle. Une édition 2.0 ambitieuse à la volonté claire : recréer le lien perdu entre le cinéma et la photographie, grâce au chaînon manquant : le film photographique. Au programme ? Projections, cartes blanches, installations, tables rondes, soirées… Un bel événement, à découvrir les 5 et 6 novembre, à l’Espace Jemmapes. Entretien avec l’initiatrice de cette première (nouvelle édition).

Fisheye : Les Nuits Photo font peau neuve, peux-tu m’en dire plus sur leur nouvelle forme ?

Alex Liebert

: Quand j’ai demandé à Guillaume Chamahian et Nicolas Havette – les co-créateurs des Nuits Photographiques de 2011 à 2015 – si je pouvais faire renaître le festival, ils m’ont donné les clés de la maison… Alors comme toute bonne propriétaire, j’ai eu envie de tout changer ! Ainsi, 2021 est pour moi une première (nouvelle édition) : on garde l’esprit, mais on change de corps. Les Nuits se dérouleront désormais aussi le jour. De l’extérieur, on passe en intérieur. Les transats se transforment en fauteuils de ciné, etc. Même le nom du festival et sa communication ont pris un petit coup de jeune.

Quelle philosophie se cache derrière cette édition 2.0 ?

Au-delà du caractère festif des Nuits Photos – que l’on souhaite conserver – je voulais présenter le Film Photographique différemment. Non pas comme un sous-produit de la photographie, mais comme un réel genre cinématographique. Car c’est bel et bien un film, un court-métrage. Je voulais le définir comme tel, le rapprocher du monde du 7e art et de l’audiovisuel duquel il s’est étrangement éloigné, et ainsi transformer cet événement en véritable festival de courts-métrages. L’idée ? Rassembler les communautés de la photographie et du cinéma et développer la porosité entre les deux médiums en privilégiant les rencontres échanges et collaborations.

© Jérémie Jung

© Jérémie Jung

Sur quoi se sont portés les choix de l’équipe, pour la programmation ?

L’objectif de cette première (nouvelle) édition était de réunir celles et ceux qui font que le Film Photographique existe à l’international, et montrer que nous sommes nombreux et nombreuses à défendre ce format, à le fabriquer, le réaliser, le diffuser ou le projeter. Réalisateurs et autrices, médias et magazines, associations, collectifs et festivals… Tout le monde a répondu présent ! J’ai offert à certain·es un temps d’expression ou de projection, une « carte blanche » et je suis rentrée plus en détail dans certaines autres programmations, avec mon co-programmateur, Adrien Selbert.

Vous avez également tenu à mettre en avant de nouvelles œuvres…

Oui. Au-delà des cartes blanches, projections et autres thématiques, il ne faut pas oublier le Prix LNP (anciennement Prix Nouvelles Écritures). Suite à l’appel à projets que nous avions lancé en septembre, nous avons reçu plus de 70 films photographiques, venus de France, Belgique, Espagne, Russie ou même Colombie ! Tous ces films ont été réalisés au cours des deux dernières années. Le festival sera donc, pour certains, une toute première projection, en exclusivité. Le préjury s’attelle en ce moment à choisir les finalistes du prix, qui seront ensuite présentés au grand Jury pour élire le lauréat. La soirée de clôture projettera donc des œuvres rarement ou jamais vues !

Plusieurs thématiques sont mises en avant au sein de la programmation. Une en particulier te tenait-elle à cœur ?

C’est vrai que plusieurs thématiques traversent les différentes projections. Celle que je voulais mettre en avant cette année me concerne personnellement. Il s’agit de la thématique LGBTQIAE+. C’est d’ailleurs la seule véritable programmation thématique que nous avons créée avec Adrien Selbert. Elle rassemble des films photographiques de toutes les écritures, venus du monde entier, réalisés sur les dix dernières années.

© Emilie Arfeuil & Alex Liebert

© Emilie Arfeuil & Alex Liebert

Une traduction de ton, votre engagement…

On découvre à travers ces films que les problématiques de genre et de sexualité ont évolué et qu’elles restent au-devant de la scène, car les combats menés demeurent constants, le militantisme ne se repose jamais. L’engagement, c’est un contrat signé à vie ! Au-delà de cette partie de la programmation, c’est d’ailleurs tout le festival qui se veut ouvert à toustes et inclusif. L’engagement commence déjà ici.

D’autres trames se dégagent-elles ?

Le film photographique connaît une économie encore bancale, voire précaire. Ainsi la majorité des films photographiques qui sont réalisés et que l’on voit régulièrement dans les médias relèvent du documentaire ou du photojournalisme. Pourtant, toutes les écritures peuvent être représentées au sein de ce médium – et nous avons tenté de toutes les représenter.

Ainsi, le film photographique évolue avec son temps, son monde, et les sujets sociétaux actuels deviennent tout naturellement des leviers narratifs. Pour exemple, les films photographiques réalisés autour du confinement et de la pandémie se sont multipliés ! Mais plutôt que de réaliser une édition spéciale COVID, j’ai préféré projeter le travail qui me semblait le plus représentatif de cette époque : Invisibles, de Caroline Delboy. Une série de reportages qui donnent la parole à celles et ceux qui sont indispensables pendant cette période de pandémie, mais que l’on ne voit pas.

Tu décris les Nuits Photos comme un « festival social », comment as-tu mis cette notion en avant ?

En cette période de crise sanitaire, et au vu de la précarité culturelle actuelle, la gratuité était pour nous primordiale. L’idée d’un événement ouvert à toustes et inclusif est également essentielle.

Toute l’équipe est bénévole, et, si le budget est serré cette année, nous avons quand même tenu, même symboliquement, à payer des droits d’auteurs aux artistes. Enfin, au-delà des projections, nous souhaitions également développer la dimension pédagogique du film photographique : trois tables rondes feront débattre des expert·es sur la place du film photographique aujourd’hui, et trois ateliers-rencontres sont organisés avec des spécialistes de ce médium.

© Pier Francesco Celada

© Pier Francesco Celada

Des rendez-vous à ne pas rater ?

Il faut aller voir absolument Les pépites du labo, résultat d’un incroyable partenariat avec le Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand, où seront présentés des films primés ces dernières années à la Compétition Labo (toujours dans cette volonté de rapprocher le film photographique du monde du cinéma).

La Jetée est également un classique, il était indispensable pour moi de le projeter, car il a marqué l’histoire du médium.

Lusted Men présente une installation qui s’inspire de l’histoire du film photographique en utilisant le procédé Carrousel Kodak, ainsi qu’une bande sonore pour développer un projet collectif et collaboratif autour de photographies érotiques d’hommes.

Il y a aussi la projection en live de Radiance, un film photographique de Stéphane Charpentier, sur une bande-son performée en live, sur scène, par Alyssa Moxley.

Et bien sûr, à ne pas rater : les soirées d’inauguration et de clôture. Avec un peu de budget supplémentaire, on vous aurait déroulé pour l’occasion un tapis rouge sur les marches de l’Espace Jemmapes !

Un dernier mot ?

Le festival a pu renaître de ses cendres grâce à l’association Freelens et ses membres (Sophie Knittel, Nicolas Friess, Camille Leboulanger), dont je fais partie, à CRL10 et l’Espace Jemmapes, à nos partenaires : La Saif et la Copie Privée, ainsi qu’à l’équipe des nouvelles Nuits Photo (Emilie Arfeuil, Adrien Selbert, Alice Fournier et tous les bénévoles, et je tiens à les remercier. Sans oublier les autrices et auteurs invité·es !

De notre côté, nous voyons déjà plus loin et plus grand : la programmation 2022 s’ébauche sur le papier. Il y a aura davantage de programmations thématiques, plusieurs installations, et nous inviterons d’autres festivals français et internationaux – qu’ils soient de photo ou de cinéma.

 

Les Nuits Photo

Les 5 et 6 novembre 2021

Espace Jemmapes, 116 quai de Jemmapes, 75010 Paris

© Fanny de Gouville© Ronan Guillou

© à g. Fanny de Gouville, à d. Ronan Guillou

© Chris Marker

© Chris Marker

© Linda Tuloup

© Linda Tuloup

© Claire & Philippe Ordioni© Emilie Arfeuil & Alex Liebert

© à g. Claire & Philippe Ordioni, à d. Emilie Arfeuil & Alex Liebert

© Ksennia Sidorova

© Ksennia Sidorova

© Pablo Martin Cordoba

© Pablo Martin Cordoba

© Lusted Men© Lusted Men

© Lusted Men

© Kosuke Okahara

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Image d’ouverture : © Chris Marker

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