Depuis plus d’un siècle, les photographies imprimées sur papier glacé ne font pas seulement la chronique des tendances de la mode, elles reflètent aussi les changements culturels qui traversent la société.
Faisant l’éloge du vêtement pour susciter le désir et encourager l’achat, l’histoire de la photographie de mode est marquée par nombre de révolutions déclenchées par des photographes, des directeurs artistiques ou des magazines. Autant de sismographes enregistrant les frémissements de chaque décennie. Simple marché de niche à son origine, cette photographie est devenue déterminante dans la culture de consommation de masse.
L’arrivée du numérique, avec ses outils accessibles et ses modes de diffusion élargis, a donné lieu à de nouvelles pratiques pour toute une génération d’auteurs. Ces derniers, plus libres et décomplexés que leurs aînés, laissent libre cours à leurs questionnements sur le genre, sur l’identité, et à leurs univers personnels qu’ils expriment loin des règles convenues de la célébration du vêtement. Cette singularité et cette liberté de ton font l’intérêt de ces auteurs qui redessinent les contours de la photographie de mode aujourd’hui.
Photo tirée de la série Port x Fendi © Paul Rousteau
L’art en contrebande
La photographie de mode a vu ses pratiques changer profondément ces dernières années. Retour sur les saisons précédentes pour mieux comprendre les mutations à l’œuvre dans cet univers bien particulier.
Il n’y a pas si longtemps, le numéro de septembre du Vogue américain était un énorme pavé de 4 cm d’épaisseur, de 900 pages et pesant plusieurs kilos. Ce numéro de rentrée était un moment important avec les nouvelles collections et les nouveautés des annonceurs. Pour tous les magazines de mode, c’était le rendez-vous essentiel à leur chiffre d’affaires. La fabrication de ce « monument » a même fait l’objet d’un documentaire sur les coulisses de la photographie de mode, The September Issue, de R.J. Cutler, en 2009. À l’heure où nous bouclons ce numéro de Fisheye, le Vogue US n’est pas encore sorti, mais il y a fort à parier qu’il sera plus mince que celui de 2018… Mais que s’est-il passé en quelques années ?
Rappelons quelques faits. Au départ, la mode est apparue dans les magazines à la rubrique « art de vivre », au côté du carnet mondain, des courses de chevaux et des conseils de décoration. Puis sont arrivées des revues consacrées à la mode : L’Art de la mode, en France dès la fin du XIXe siècle, Harper’s Bazaar et Vogue dès 1892. Le Vogue Paris sera créé en 1920, quatre ans après l’édition britannique. Initialement, il n’y avait pas de photo ou très peu, juste des illustrations et des gravures. Il faudra attendre 1925 pour voir une première série de mode publiée sur plusieurs pages, signée baron Adolf de Meyer – photographe qui rejoindra Vogue et Harper’s Bazaar. Sa photo pictorialiste (mouvement artistique qui imite les effets de la peinture, avec en particulier une recherche du « flou artistique ») plaira beaucoup au lectorat. D’autres auteurs suivront, et non des moindres : George Hoyningen-Huene, Edward Steichen ou Cecil Beaton.
Cet article, rédigé par Patrick Remy, ainsi que l’intégralité de ce dossier est à retrouver dans le magazine Fisheye #38.
Charles Jourdan, spring 1978 © Guy Bourdin / The Guy Bourdin Estate, 2019 © Guy Bourdin
Guy Bourdin, l’image dans l’image, Jusqu’au 6 octobre au centre d’art Campredon.
Sie Kommen Dressed © The Museum of Fine Arts, Houston, gift of Manfred Heiting, the Manfred Heiting Collection / Helmut Newton and Alice Springs
À g. Dovima with Elephants, evening dress by Dior © Richard Avedon / The Richard Avedon Foundation et à d. Bathing Suits by Izod © George Hoyningen-Huene / The Museum of Fine Arts, Houston, gift of Manfred Heiting, the Manfred Heiting Collection / Condé Nast
Trois images iconiques parmi les 200 tirages de l’exposition A Century of Fashion Photography, présentée au The Museum of Fine Arts, Houston, jusqu’au 22/09
Image d’ouverture : © Paul Rousteau