Mous Lamrabat et la rencontre jubilatoire entre deux mondes

09 juin 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Mous Lamrabat et la rencontre jubilatoire entre deux mondes

Jusqu’au 27 août, la galerie toulousaine Le Château d’Eau, en collaboration avec la Galerie Loft Art de Casablanca, accueille l’œuvre de Mous Lamrabat, photographe maroco-belge dont les créations colorées empruntent à la mode et à la pop culture comme aux mondes occidental et oriental.

« Mous Lamrabat est un coloriste indéniable. Il est très pertinent par rapport à notre époque, et totalement conscient du fait que même s’il pratique la photographie de mode, cet univers a changé. Aujourd’hui, nous sommes fier·es et heureux·ses d’accueillir sa première exposition importante en France », déclare Christian Caujolle, conseiller artistique de la Galerie du Château d’Eau. Sur les murs, derrière lui, les couleurs vives des œuvres de l’auteur maroco-belge attirent déjà le regard. Tons soutenus, panoramas exotiques, tenues somptueuses, tissus d’une douceur infinie… Avec une aisance et une légèreté déconcertantes, Mous Lamrabat érige, dans chaque cliché, des odes singulières à sa double culture et joue avec nos visions et nos a priori du luxe.

Car, comme Christian Caujolle le rappelle, mode et photographie sont toujours allées de pair. Depuis une trentaine d’années, cependant, leur relation évolue, tandis que les grandes maisons – Dior, Chanel, Louis Vuitton, etc. – deviennent des monstres tentaculaires. Dans notre société mondialisée et ultra-connectée, les marques prennent le pas sur les designers, et la standardisation domine. Les logos s’impriment sur les vêtements, comme des uniformes qu’il nous faut revêtir. Pourtant, de cette unification, l’auteur fait émerger des créations ludiques. « J’ai grandi au Maroc, tout en étant très influencé par la pop culture. J’ai toujours eu l’impression de vivre entre deux mondes, sans vraiment appartenir à l’un d’eux précisément… Pourtant, ce que tout le monde souhaite, c’est trouver sa place », confie-t-il. Petit à petit, en autodidacte, il imagine un univers peuplé de marques détournées, de couleurs vives et d’une énergie pétillante. Un univers au sein duquel il découvre, enfin, son foyer.

© Mous Lamrabat

« Tu racontes qui je suis »

« Je veux donner à voir de l’agréable, du positif, du bariolé. Ajouter des éléments qui ne proviennent pas du monde occidental, proposer différentes pistes de lectures. Si les logos attirent d’abord l’attention, on peut aussi voir des messages derrière leur présence. Tromper le·a spectateurice, en quelque sorte », explique Mous Lamrabat. Et pour mieux nous perdre, ce dernier préfère garder le silence, nous laisser tirer nos propres conclusions. Ses gants Louis Vuitton sont-ils des contrefaçons ? D’où proviennent les boucles d’oreilles au M doré, symbole de célèbre fast food ? Cette djellaba Nike existe-t-elle vraiment ? Et finalement, est-ce important ? En jouant avec des accessoires évoquant le luxe, l’artiste nous renvoie à nos propres idéaux, à nos propres attentes. Car lorsque l’interrogation s’efface, la beauté reste. Elle se pose sur les reflets brillants des voiles de soie, sur le velouté de la peau d’un·e modèle, ou même sur l’horizon, au loin, qui semble conférer aux sujets une aura gigantesque. Elle déclenche l’émerveillement et unit les cultures comme les inconnu·es. « Je vois le nombre de personnes touchées par ce que je fais, et c’est pour cela que je créer. Un jour, quelqu’un est venu me voir, et m’a dit : “Tu racontes qui je suis, au lieu du monde qui me le dicte” », confie Mous Lamrabat. Alors, en hommage à celles et ceux qui, comme lui, ont grandi dans un entre-deux déconcertant, à celles et ceux dont la richesse culturelle est parfois passée sous silence, dont l’héritage n’est pas suffisamment mis en valeur, il crée. À l’image du hip-hop des années 1990, dont les compositions rythment ses shootings, Mous Lamrabat ne cesse d’affirmer : « Ce monde ne nous appartient pas, mais faisons-le nôtre. »

© Mous Lamrabat© Mous Lamrabat

© Mous Lamrabat

© Mous Lamrabat© Mous Lamrabat

© Mous Lamrabat / Courtesy of Loft Art Gallery

Explorez
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
© Laura Menassa
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
Entre journal intime visuel et témoignage collectif, le travail de Laura Menassa explore la fragilité et la résilience au cœur de...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Costanza Spina
Une danse entre la vie et la mort capturée par Oan Kim
Le coup de grâce lors d'une corrida à Madrid © Oan Kim/MYOP
Une danse entre la vie et la mort capturée par Oan Kim
À travers un noir et blanc contrasté, qui rappelle la chaleur sèche de l'Andalousie, Oan Kim, cofondateur de l'agence MYOP, montre...
27 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III
Kiko et Mar : voyage dans les subcultures de Chine
If you want to come and see me, just let me know © Kiko et Mar
Kiko et Mar : voyage dans les subcultures de Chine
Fruit d’une résidence d’artiste en Chine, la série If you want to come and see me, just let me know, réalisée par le couple de...
24 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
MP#06 : un mentorat pour accompagner la singularité
© Jennifer Carlos
MP#06 : un mentorat pour accompagner la singularité
Chaque année, le Fonds Régnier pour la Création et l’Agence VU’ unissent leurs forces pour donner naissance à un espace rare dans le...
22 octobre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
© Laura Menassa
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
Entre journal intime visuel et témoignage collectif, le travail de Laura Menassa explore la fragilité et la résilience au cœur de...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Costanza Spina
La sélection Instagram #531 : dans le brouillard
© Francesco Topino / Instagram
La sélection Instagram #531 : dans le brouillard
Le ciel s’assombrit, les températures chutent. La vision se brouille. Alors que l’automne nous enveloppe dans une brume quotidienne, les...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
© Charlotte Abramow
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
Sept ans après la publication de son ouvrage Maurice, tristesse et rigolade, Charlotte Abramow rouvre les pages de l’histoire de son...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
© Ana da Silva
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
Lycien-David Cséry et Ana da Silva, nos coups de cœur de la semaine, prêtent attention aux détails. Le premier observe les objets et les...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger