Chaque année, le Fonds Régnier pour la Création et l’Agence VU’ unissent leurs forces pour donner naissance à un espace rare dans le paysage photographique : celui du dialogue, de l’attention et de la transmission. Avec MP#06, le Mentorat photographique inaugure une nouvelle édition placée sous le signe de l’écoute et de la pluralité. Cinq artistes émergent·es, cinq manières de lire le monde à travers le prisme de l’image, sont invité·es à explorer leur langage visuel dans un cadre aussi exigeant qu’accueillant.
Né en 2020 de la rencontre entre le Fonds Régnier pour la Création et l’Agence VU’, le programme MP est devenu, au fil des années, un véritable tremplin pour une génération de photographes qui cherchent à conjuguer exigence artistique et inscription professionnelle. Pour cette sixième édition, le dispositif déploie à nouveau son accompagnement sur neuf mois, d’octobre 2025 à juin 2026, mêlant mentorat artistique, formation technique, rencontres professionnelles et ateliers collectifs. Mais derrière la structure du programme, c’est une certaine conception de la création qui s’affirme. MP#06 entend soutenir des démarches à la fois autonomes et attentives au réel, ces écritures de la lumière qui racontent autrement notre époque. Dans un monde saturé d’images, le mentorat se fait ici contrepoint, il invite à ralentir, à observer, à penser l’acte photographique comme un engagement. Comme le souligne Laurence Régnier, présidente du Fonds, il s’agit de « donner les moyens de la liberté de penser et d’agir auprès d’auteur·ices en devenir ».
La photographie comme art de la rencontre
Les lauréat·es du MP#06 incarnent chacun·e à leur manière cette promesse de regard singulier. Jennifer Carlos, photographe franco-indienne, prolonge son projet Le Chant des abysses, consacré aux trajectoires migratoires sénégalaises. Après la mer et le retour, elle s’attarde cette fois sur les vendeur·ses à la sauvette à Paris, construisant avec elles et eux une œuvre documentaire et plastique. Judith Crico, la plus jeune du groupe, s’attache quant à elle aux liens familiaux autour de l’incarcération, cherchant, dans les silences et les gestes, une manière de rendre visibles les vies marquées par l’absence. Sa photographie, attentive et politique, travaille la distance et la confiance comme des outils narratifs. Chez Tavan Esmaili, photographe franco-iranien, la recherche d’identité prend des allures de quête spirituelle. À travers un voyage en Inde sur les traces des zoroastrien·nes exilé·es, il explore les tensions entre tradition et modernité, héritage et réinvention. Sa pratique mêle instinct et précision, comme un dialogue entre deux cultures. Léa Pignard, venue des sciences sociales, interroge la mémoire et les récits collectifs. En partant de négatifs et de carnets retrouvés dans une valise, elle redonne vie à une histoire oubliée : celle de l’évacuation des œuvres du Prado en 1939. Sa série El arte pesa más que nunca fait de la photographie un instrument de transmission autant que de réparation. Enfin, Adrien Viot, ancien journaliste et musicien, explore la pluralité des masculinités à travers son projet Les Hommes du milieu, prenant pour cadre une île du Fleuve Rouge, à Hanoï. Entre isolement et solidarité, il capte la fragilité de ces communautés d’hommes cherchant à se réinventer loin du monde social. À travers ces cinq parcours, MP#06 réaffirme la puissance de la photographie comme art de la rencontre. En offrant aux jeunes auteur·ices le temps et l’espace nécessaires à la maturation de leur regard, le programme trace une voie précieuse : celle d’une création qui relie, éclaire et résiste au bruit du monde.