Le long-métrage Helmut Newton, l’effronté, signé Gero Von Boehm sort en salle aujourd’hui. Une occasion de (re)découvrir celui qui a bouleversé la photo de mode dans les années 1960.
Du propre aveu d’Helmut Newton, « la plupart des films sur les photographes sont ennuyeux ». Il s’est pourtant prêté au jeu. Le réalisateur et scénariste Gero von Boehm a dû le convaincre, lui et sa femme, June Newton alias Alice Springs. « Elle était très protectrice envers lui, et lui était une personne très privée. Et puis,au bout de quelque temps, ils m’ont donné leur bénédiction »,confie l’auteur du long-métrage qui sera en salle le 14 juillet, un an après le centenaire de sa naissance, Covid oblige. Pour répondre à celles et ceux qui voient ce photographe comme un artiste sexiste, réduisant le corps des femmes à de simples objets sexuels, Gero Von Boehm a choisi d’exploiter des archives de laFondation Helmut Newton et de convoquer des modèles femmes afin de leur donner la parole. Parmi elles, Isabella Rossellini, Charlotte Rampling, Hanna Schygulla, ou encore Grace Jones et Claudia Schiffer. Face caméra, elles enchaînent les anecdotes et réflexions sur Newton, et plus largement sur la photographie de mode des années 1970 et 1980. Car fin des années 1960, Helmut Newton ose sexualiser la mode. Élégantes, puissantes, ses images peuvent aussi effrayer et repousser tant il joue avec l’ambiguïté. Ici, des femmes qui ne portent rien d’autre que des talons hauts, là, un homme-accessoire, plus loin, les mains d’une femme ornées de bijoux Bulgari découpant un poulet. Pour pallier l’ennui, Newton dérange, provoque non sans humour. « On peut dire que c’est sexiste ou misogyne, mais on peut aussi dire que cette photographie fonctionne comme un miroir de la société et pointe du doigt le fait que les hommes veulent que leur femme se balade en minijupe et se comporte comme une poupée Barbie », commente la modèle Nadja Auermann.
© Helmut Newton
Un regard sans compromis
Convaincu que le sexe et le pouvoir sont de très bons sujets pour ses photographies, il assume son regard détaché et sans compromis. Charlotte Rampling se remémore son premier shooting de nu, sur le bureau d’une chambre d’hôtel à Arles, et pointe l’immense pouvoir d’une image dans une vie : « Il est important de voir ce que la photographie peut faire dans le développement d’un personnage », confie-t-elle. Pervers ? Newton se définit plutôt comme un « voyeur professionnel ». Mais alors, peut-on tout photographier ? D’après le photographe, ce sont « les choses interdites qui sont les plus intéressantes ». Helmut Newton, l’effronté n’est pas la réponse à une controverse, c’est une plongée au cœur de la vie d’un photographe dont les œuvres continuent de marquer, depuis son enfance dans l’Allemagne nazie jusqu’à sa rencontre avec celle qui ne cessera de le guider, Alice Springs.
© The Helmut Newton Estate / Maconochie Photography
Helmut at home, Monte Carlo, 1987 © Foto Alice Springs / Helmut Newton Estate Courtesy Helmut Newton Foundation
Crocodile Eating, Wuppertal, 1983 © Foto Helmut Newton / Helmut Newton Estate Courtesy Helmut Newton Foundation
Self portrait, Monte Carlo, 1993 © Foto Helmut Newton / Helmut Newton Estate Courtesy Helmut Newton Foundation
Image d’ouverture © Crocodile Eating, Wuppertal, 1983 © Foto Helmut Newton / Helmut Newton Estate Courtesy Helmut Newton Foundation