Nouvelle vague du noir & blanc

16 mai 2019   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nouvelle vague du noir & blanc

On le croyait obsolète, désuet, réservé aux nostalgiques… il n’en est rien ! Le retour de l’argentique, le goût pour les procédés anciens, le désir d’expressivité, le renouvellement d’un certain classicisme, ou son inscription dans des démarches contemporaines constituent autant de voies que les photographes défrichent pour réinventer le noir et blanc. D’une manière un peu arbitraire, nous avons défini quatre grandes familles pour explorer ce renouveau du monochrome : classique, rétro, expressionniste et arty. Bien sûr, de nombreux photographes résistent à cette classification approximative, et plusieurs pourraient glisser facilement d’une catégorie à l’autre. Ces quatre tendances ne sont au final qu’un prétexte pour revisiter les territoires toujours féconds des pratiques du noir et blanc. Focus sur la première famille de cette nouvelle vague : Rétro.

Nous l’avons appelé la famille rétro par commodité, mais loin de toute nostalgie, certains photographes réunis ici préfèrent évoquer « un dialogue vers le passé avec les yeux du présent », comme le précise le photographe espagnol Israel Ariño. D’autres, comme le Tchèque Martin Becka, parlent de « poser un regard archéologique sur une réalité vue comme les vestiges d’un passé qu’on regarderait d’un futur lointain ».

La maîtrise de la chaîne de production des images passe alors par une étape importante en laboratoire, certains poussant jusqu’à fabriquer eux-mêmes leurs papiers, que ce soit pour le tirage, comme la Belge Sabrina Biancuzzi, ou pour les négatifs papier que Martin Becka confectionne avec soin. Ce dernier est d’ailleurs devenu un expert dans les procédés anciens qu’il enseigne aujourd’hui aux futurs restaurateurs à l’Institut national du patrimoine (INP). L’enseignement est aussi une des caractéristiques de cette famille pour qui la transmission des savoirs est une étape décisive. L’alchimie nécessaire à cette magie des images, à leur matérialité qui transforme les épreuves en expérience sensorielle, fait partie de l’apprentissage.

© Sabrina Biancuzzi

© Sabrina Biancuzzi

Les références des photographes évoqués sont assez variées. On retrouve évidemment les grands maîtres du XIXe siècle, comme Gustave Le Gray, et les artistes artisans des années 1960, comme Denis Brihat et Jean-Pierre Sudre – « Il y a dans ces images un mystère, une matière très séduisante, ça m’intéressait de comprendre comment ces gens-là ont travaillé », explique Martin Becka. D’autres, comme le Français Arno Brignon, convoquent des auteurs plus modernes comme Michael Ackerman, Josef Koudelka, Robert Frank ou Anders Petersen.

© Arno Brignon
© Arno Brignon
© Bruno Fontana
© Bruno Fontana

© à g. Arno Brignon, et à d. Bruno Fontana

Bruno Fontana, lui, explique que son ambition est de « faire voir la réalité comme si nous la découvrions pour la première fois », en citant Brassaï : « Le réel rendu fantastique par la vision. » Le désir d’aller à l’essentiel, le goût de la lenteur, l’acceptation de l’accident et d’une part d’aléatoire, le plaisir de laisser « advenir une image » participent à cette relation poétique au monde, que chacun construit à sa manière. « Laisser glisser la maîtrise technique pour attraper un décalage », analyse Martin Becka ; « aller au-delà de l’image », poursuit Sabrina Biancuzzi ; « Porter un regard plus rêveur sur le monde », conclut Israel Ariño.

© Israel Ariño
© Israel Ariño
© Israel Ariño
© Israel Ariño

© Ismael Ariño

Image d’ouverture © Martin Becka

Explorez
La sélection Instagram #514 : images indociles
© séquoia photos / Instagram
La sélection Instagram #514 : images indociles
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine incarnent, chacun·e à leur manière, le thème de la 56e édition des célèbres...
08 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Yves Saint Laurent : une histoire en miroir de la photographie et la mode
Polaroïd pris par le personnel de la maison de couture, cabines du 5, avenue Marceau, Paris. Robe de mariée portée par Laetitia Casta, collection haute couture printemps-été 2000, janvier 2000. © Yves Saint Laurent © Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent
Yves Saint Laurent : une histoire en miroir de la photographie et la mode
Cet été, parmi les accrochages à retrouver aux Rencontres d’Arles se compte Yves Saint Laurent et la photographie, visible à la Mécanique...
07 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans à la Bpi, janvier 2025 © Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Le Centre Pompidou lui donne carte blanche jusqu’au 22 septembre 2025, dernier accrochage avant la fermeture du bâtiment pour cinq ans de...
03 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
© Marco Dos Santos
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
Mais peut-il seulement tenir en place ? Depuis plus de vingt ans, Marco Dos Santos trace une trajectoire indocile à travers les scènes...
02 juillet 2025   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Camille Lévêque décortique la figure du père
© Camille Lévêque. Glitch, 2014. Avec l’aimable autorisation de l’artiste
Camille Lévêque décortique la figure du père
Dans À la recherche du père, Camille Lévêque rend compte de questionnements qui l’ont traversée pendant de longues années....
10 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le Brésil au grand angle
De la série Rua Direita, São Paulo, SP, vers 1970. © Claudia Andujar. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Instituto Moreira Salles.
Le Brésil au grand angle
Climat et transition écologique, diversité des sociétés, démocratie et mondialisation équitable… tels sont les trois thèmes de la saison...
10 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Pour ses vingt ans, MYOP rend hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir
Militaires russes en visite sur le site de Chersonèse, Ukraine, 2005 © Julien Daniel / MYOP
Pour ses vingt ans, MYOP rend hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir
Cette année, MYOP fête ses vingt ans. À cette occasion et dans le cadre des Rencontres d’Arles, les photographes de l’agence...
09 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Kikuji Kawada : la carte infinie d'un Japon en mutation
Endless Map © Kikuji Kawada, Courtesy PGI
Kikuji Kawada : la carte infinie d’un Japon en mutation
Jusqu’au 5 octobre 2025, à l’occasion des Rencontres de la photographie d’Arles, Kikuji Kawada investit l’espace Vague pour une...
09 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger