Jusqu’au 29 février, la Galerie VU’ accueille une grande collection d’œuvres d’Ouka Leele, artiste pétillante issue du mouvement artistique la Movida. Une exposition splendide aux nuances surréalistes.
Photographe, peintre, mais aussi réalisatrice et poétesse, Ouka Leele n’aime pas se limiter à une discipline. Cette grande artiste de la Movida – courant artistique espagnol né durant la période de transition démocratique du pays, à la mort de Franco – aime se comparer au célèbre tableau de Magritte : « Ceci n’est pas une photographe », déclare-t-elle avec amusement. Sur les murs de la Galerie VU’, son génie créatif, aussi fou que séduisant transparaît. Les grands formats de la salle principale semblent nous attirer dans cet univers bariolé, peuplé de personnages étranges. Photographies loufoques, ou tableaux hyperréalistes ? La frontière est fine…
« Le processus de création d’Ouka Leele se déroule en plusieurs étapes : la mise en scène, la prise en vue en noir et blanc, puis la peinture à l’aquarelle sur un tirage, pour y mettre “des couleurs plus vraies que dans la réalité”. Le résultat ? Des pièces uniques qu’elle photographie ensuite pour réaliser des tirages grand format », explique la galeriste Caroline Bénichou. Pour honorer cette rigueur artistique, les œuvres sont accrochées simplement, retenues seulement par des pinces. Le papier Kodak extrêmement brillant – qui n’existe plus aujourd’hui – s’impose comme un clin d’œil à un passé coloré et flamboyant. Un dernier hommage à la Movida, sa fougue et sa singularité. « Il est vrai qu’elle a été l’une des figures majeures du mouvement. L’artiste la plus excentrique, avec un univers visuel très reconnaissable », affirme Caroline Bénichou.
Femmes au bord de la crise de nerfs
De ces créations les plus emblématiques (comme celles issues de la série Peluquerias, une collection de portraits aux coiffes extravagantes), à ses œuvres oniriques, empruntant à la peinture classique et à l’histoire de l’art, l’exposition propose une véritable rétrospective de l’auteure. Une immersion dans un monde surréaliste, influencé par les visions fantasmagoriques de Dalí et un goût prononcé pour l’humour noir. On découvre pourtant, au cœur de ces images splendides, un désir de se jouer des représentations traditionnelles.
« Les femmes sont très présentes dans sa production, mais elle subvertit et réinvente les figures de la madone, de l’icône pop, de la vierge ou encore de la martyre », précise la galeriste. Et de poursuivre : « Cet ensemble de portraits pourrait ainsi s’intituler Mujeres al borde de un ataque de nervios – Femmes au bord de la crise de nerfs. » Loin de se contenter de magnifier les couleurs du monde, Ouka Leele convoque une inquiétante étrangeté dans ses tirages. Une dimension psychédélique, aussi séduisante qu’effrayante, plaçant ses modèles dans un contexte moderne, encore, à l’époque, inconnu. Les femmes des images n’aspirent plus à être belles et gracieuses. Au contraire, elles deviennent, grâce aux mises en scène de la photographe, des êtres complexes en trois dimensions. Des figures charismatiques qui inspireront notamment les personnages de Pedro Almodóvar. Dans cet univers absurde, où les objets volent et les hommes grimacent, Ouka Leele dévoile une réalité alternative, forgée par ses rêves.
Ouka Leele à la Galerie VU’
Jusqu’au 29 février
58 rue Saint-Lazare, 75009 Paris
© Ouka Leele, courtesy Galerie VU’