Ouka Leele : folie créative

05 février 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Ouka Leele : folie créative

Jusqu’au 29 février, la Galerie VU’ accueille une grande collection d’œuvres d’Ouka Leele, artiste pétillante issue du mouvement artistique la Movida. Une exposition splendide aux nuances surréalistes.

Photographe, peintre, mais aussi réalisatrice et poétesse, Ouka Leele n’aime pas se limiter à une discipline. Cette grande artiste de la Movida – courant artistique espagnol né durant la période de transition démocratique du pays, à la mort de Franco – aime se comparer au célèbre tableau de Magritte : « Ceci n’est pas une photographe », déclare-t-elle avec amusement. Sur les murs de la Galerie VU’, son génie créatif, aussi fou que séduisant transparaît. Les grands formats de la salle principale semblent nous attirer dans cet univers bariolé, peuplé de personnages étranges. Photographies loufoques, ou tableaux hyperréalistes ? La frontière est fine…

« Le processus de création d’Ouka Leele se déroule en plusieurs étapes : la mise en scène, la prise en vue en noir et blanc, puis la peinture à l’aquarelle sur un tirage, pour y mettre “des couleurs plus vraies que dans la réalité”. Le résultat ? Des pièces uniques qu’elle photographie ensuite pour réaliser des tirages grand format », explique la galeriste Caroline Bénichou. Pour honorer cette rigueur artistique, les œuvres sont accrochées simplement, retenues seulement par des pinces. Le papier Kodak extrêmement brillant – qui n’existe plus aujourd’hui – s’impose comme un clin d’œil à un passé coloré et flamboyant. Un dernier hommage à la Movida, sa fougue et sa singularité. « Il est vrai qu’elle a été l’une des figures majeures du mouvement. L’artiste la plus excentrique, avec un univers visuel très reconnaissable », affirme Caroline Bénichou.

© Ouka Leele, courtesy Galerie VU'

Femmes au bord de la crise de nerfs

De ces créations les plus emblématiques (comme celles issues de la série Peluquerias, une collection de portraits aux coiffes extravagantes), à ses œuvres oniriques, empruntant à la peinture classique et à l’histoire de l’art, l’exposition propose une véritable rétrospective de l’auteure. Une immersion dans un monde surréaliste, influencé par les visions fantasmagoriques de Dalí et un goût prononcé pour l’humour noir. On découvre pourtant, au cœur de ces images splendides, un désir de se jouer des représentations traditionnelles.

« Les femmes sont très présentes dans sa production, mais elle subvertit et réinvente les figures de la madone, de l’icône pop, de la vierge ou encore de la martyre », précise la galeriste. Et de poursuivre : « Cet ensemble de portraits pourrait ainsi s’intituler Mujeres al borde de un ataque de nervios – Femmes au bord de la crise de nerfs. » Loin de se contenter de magnifier les couleurs du monde, Ouka Leele convoque une inquiétante étrangeté dans ses tirages. Une dimension psychédélique, aussi séduisante qu’effrayante, plaçant ses modèles dans un contexte moderne, encore, à l’époque, inconnu. Les femmes des images n’aspirent plus à être belles et gracieuses. Au contraire, elles deviennent, grâce aux mises en scène de la photographe, des êtres complexes en trois dimensions. Des figures charismatiques qui inspireront notamment les personnages de Pedro Almodóvar. Dans cet univers absurde, où les objets volent et les hommes grimacent, Ouka Leele dévoile une réalité alternative, forgée par ses rêves.

 

Ouka Leele à la Galerie VU’

Jusqu’au 29 février

58 rue Saint-Lazare, 75009 Paris

© Ouka Leele, courtesy Galerie VU'

© Ouka Leele, courtesy Galerie VU'© Ouka Leele, courtesy Galerie VU'

© Ouka Leele, courtesy Galerie VU'

© Ouka Leele, courtesy Galerie VU’

Explorez
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
On Mass Hysteria : étude d'une résistance physique contre l'oppression
CASE PIECE #1 CHALCO, (Case 1, Mexico, On Mass Hysteria), 2023, Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Laia Abril
On Mass Hysteria : étude d’une résistance physique contre l’oppression
À travers l’exposition On Mass Hysteria - Une histoire de la misogynie, présentée au Bal jusqu’au 18 mai 2025, l’artiste catalane...
19 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Tisser des liens, capter des mondes : le regard de Noémie de Bellaigue
© Noémie de Bellaigue
Tisser des liens, capter des mondes : le regard de Noémie de Bellaigue
Photographe et journaliste, Noémie de Bellaigue capture des récits intimes à travers ses images, tissant des liens avec celles et ceux...
15 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Faits divers : savoir mener l’enquête
© Claude Closky, Soucoupe volante, rue Pierre Dupont (6), 1996.
Faits divers : savoir mener l’enquête
Au Mac Val, à Vitry-sur-Seine (94), l’exposition collective Faits divers – Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse...
13 février 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
22 février 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina