Le Pavillon Populaire de Montpellier consacre une exposition au Dr. Paul Wolff (1887-1951), surnommé « l’homme au Leica », du 17 janvier au 14 avril 2024. Un parcours à la découverte de l’un des photographes allemands les plus intéressants de l’entre-deux-guerres, encore méconnu en France, bien qu’il soit un véritable précurseur du petit format photographique.
Pour la première fois en France, le Pavillon Populaire de Montpellier dédie une rétrospective à Paul Wolff, pionnier de l’usage du Leica et représentant de la Nouvelle Objectivité allemande. Né à Mulhouse, ville allemande jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, Wolff vit les aléas de la guerre entre la France et l’Allemagne, et le drame des territoires frontaliers meurtris. Médecin de formation, rapidement enrôlé dans l’armée allemande après ses études, il est aussi et surtout un brillant photographe. Dès son plus jeune âge, il réalise des séries de planches photographiques sur les monuments de Strasbourg, où il habite. En 1919, l’Alsace devenue française, il déménage à Francfort avec sa famille où il ouvre une agence photographique spécialisée dans les voyages.
En 1926, Francfort se lance dans un grand projet urbain de rénovation de certains quartiers, et Wolff reçoit plusieurs commandes pour documenter les travaux. C’est à ce moment qu’il entre en contact avec les designers du Bauhaus, dont il s’inspire dans sa pratique. En 1924, il est convoqué, avec 31 autres photographes, par Ernst Leitz et Oskar Barnack pour tester un nouvel appareil : la mini caméra. Son travail connaît alors un tournant : le Leica lui permet de se faufiler dans les petites rues, les marchés, être au plus près de ses sujets, et d’utiliser plus tard une pellicule 35 mm à couleur.
Une immense archive de l’histoire allemande
Avec son associé Alfred Tritschler, il fonde l’agence « Wolff et Tritschler ». L’agence a fourni de nombreuses images correspondant au goût du public de l’époque : de la mode à la publicité en passant par les natures mortes, les photographies d’architecture industrielle et de paysages, y compris les photographies de voyage et les événements sportifs. Pour raconter cela, ils ont utilisé des procédés stylistiques très proches de la Nouvelle Objectivité. Paul Wolff ouvre, d’une certaine manière, une voie vers la modernité photographique. Il jouit d’une immense popularité internationale en se plaçant en figure emblématique du mouvement, mais également de celui de la Nouvelle Vision. Ce, notamment grâce à son ouvrage culte Mon aventure avec le Leica, 1934, publié en plusieurs langues, et vendu à des dizaines de milliers d’exemplaires.
Avec « Wolff & Tritschler », Paul Wolff a couvert une période terrible de l’histoire allemande, en constituant une immense archive de plus de 700 000 photographies. De la République de Weimar jusqu’aux années nationales-socialistes puis l’après-guerre, cette documentation est l’une des plus riches de cette période et fait de Wolff l’un des photographes documentaires les plus prolifiques de l’entre-deux-guerres. Ce corpus est marqué par la popularisation du petit format 35 mm, initié par la marque Leica dont Wolff deviendra, à partir de 1926, un ardent protagoniste. Photographe des Jeux olympiques de 1936 à Berlin, l’œuvre de Wolff a été peu diffusée, car, même s’il n’a jamais appartenu au parti, une bonne moitié de son activité photographique s’est déroulée sous le régime nazi, de 1933 à la fin de la guerre. Comme le rappelle le commissaire de l’exposition, Gilles Mora, par ses choix de sujets, il faut bien reconnaître qu’il s’est « accordé passivement à un état de choses, se faisant dans son travail parfois l’écho des valeurs nationales-socialistes ». Néanmoins, ce fonds est historiquement dense et, à bien des égards, fondamental pour comprendre l’époque. « Paul Wolff jouera, auprès de milliers de photographes amateurs de son époque, le rôle de “passeur” des formes de la modernité photographique de son temps, de la Nouvelle Objectivité à la Nouvelle Vision », conclut-il.