Plus qu’un geste

11 décembre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Plus qu’un geste

Dans Entropia, Corps manquants, actes perdus, la photographe française Cynthia Ortu étudie le désordre que provoquent nos gestes. Une série sensuelle où les silhouettes dialoguent librement.

Dans les images de Cynthia Ortu, les corps s’allongent, se détendent, se touchent sous un soleil estival. Dénudés, ils se prélassent au son d’une musique et d’une brise légères, le clapotis de l’eau rythmant leurs journées. Photographe et directrice artistique de 32 ans, l’auteure a canalisé son attrait de la lumière, des formes et des textures dans le 8e art, qu’elle pratique en autodidacte. « Très photosensible, j’ai une lecture relativement atypique d’une scène donnée qui me permet d’en avoir une interprétation personnelle, que je traduis ensuite en fonction de mes sensibilités du moment », explique-t-elle.

Passionnée par les sciences, Cynthia Ortu aime intégrer des échos aux lois fondamentales de la physique dans ses projets, comme des points de départ de sa réflexion. « Avec Entropia, Corps manquants, actes perdus, je m’intéresse à l’entropie, qui décrit le passage non réversible d’un état des éléments ordonné à un état désordonné. Plus le désordre est grand, plus sa valeur augmente. L’eau traduit visuellement parfaitement ce principe, car elle est l’une des matières les plus faciles à agiter », précise-t-elle.

© Cynthia Ortu© Cynthia Ortu

Le geste n’est jamais anodin

Et l’eau est au cœur de ce projet. Elle baigne les protagonistes, les engloutis, étanche leur soif et leur apporte une fraîcheur bienvenue. « Le réel sujet de ce travail est le désordre initié par nos mouvements, nos gestes les uns envers les autres, nos danses… Ce chaos organisé qui représente finalement l’état ordonné des choses », confie-t-elle. Sensuelles, ses images documentent nos rapports tactiles, nos rapprochements, éphémères comme plus appuyés. Les mains effleurent les cuisses, les dos, et tracent des chemins intimes. « Que ce soit une question de domination, d’amour ou de réconfort, le geste n’est jamais anodin. L’endroit touché est également révélateur : un genou, une main, un cou… », ajoute l’artiste. Ses modèles, photographiés en gros plan, demeurent souvent anonymes. Sans visage, ils deviennent les allégories du désir ou de l’amitié et construisent un récit universel. Il y a une certaine liberté, dans les clichés de Cynthia Ortu. Une envie de laisser son imagination vagabonder, lorsque les corps se reposent et s’ennuient. En toute spontanéité, elle fige des contacts, de brèves interactions et invente un récit corporel. Dans un monde où les rapprochements sont désormais interdits, la série se lit comme une échappée bienvenue vers une époque plus légère.

© Cynthia Ortu© Cynthia Ortu
© Cynthia Ortu© Cynthia Ortu
© Cynthia Ortu© Cynthia Ortu

© Cynthia Ortu

© Cynthia Ortu© Cynthia Ortu
© Cynthia Ortu© Cynthia Ortu
© Cynthia Ortu© Cynthia Ortu

© Cynthia Ortu

Explorez
Les images de la semaine du 15.07.24 au 21.07.24 : le feu des souvenirs
© Pascal Sgro
Les images de la semaine du 15.07.24 au 21.07.24 : le feu des souvenirs
Cette semaine, les photographes de Fisheye s’intéressent aux différents aspects du feu, et ce, de manière littérale comme figurée.
21 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Looking at my brother : mes frères, l’appareil et moi
© Julian Slagman
Looking at my brother : mes frères, l’appareil et moi
Projet au long cours, Looking at My Brother déroule un récit intime faisant éclater la chronologie. Une lettre d’amour visuelle de Julian...
09 juillet 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Rafael Medina : corps libres et désirés 
© Rafael Medina
Rafael Medina : corps libres et désirés 
En double exposition, sous les néons des soirées underground, Rafael Medina développe un corpus d'images grisantes, inspirées par les...
27 juin 2024   •  
Écrit par Anaïs Viand
Pierre et Gilles, in-quiétude et Cyclope : dans la photothèque de Nanténé Traoré
© Nanténé Traoré, Late Night Tales, 2024 / Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ?
Pierre et Gilles, in-quiétude et Cyclope : dans la photothèque de Nanténé Traoré
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
26 juin 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina