Poésie urbaine : les rues atemporelles de Sarah van Rij et David van der Leeuw

24 mars 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Poésie urbaine : les rues atemporelles de Sarah van Rij et David van der Leeuw
Originaires des Pays-Bas, Sarah van Rij et David van der Leeuw ont fait des rues des métropoles un terrain de jeu privilégié. À l’aide de leurs boîtiers respectifs, qu’ils s’échangent quelquefois, tous deux donnent à voir un monde atemporel à la beauté pérenne.

Dans les rues étonnamment calmes des métropoles se meuvent des silhouettes affairées, animées par un geste aussi charmant que fugace. Le temps presse, annihile les êtres au profit de leurs ombres, et pourtant, celui-ci semble étranger aux tableaux qui se jouent devant nous. Cet univers singulier et si difficile à dater est celui de Sarah van Rij et de David van der Leeuw. Partenaires de vie et de création, les deux photographes néerlandais se sont formés seuls au 8e art. « J’ai rencontré Sarah il y a dix ans et, ensemble, nous avons imaginé cette sorte de monde parfait. À l’époque, nous prenions tous les deux beaucoup de photos, juste pour nous, et cela a pris de l’ampleur », commence celui qui officiait jusqu’à peu dans l’industrie musicale. « Dès le début, nous portions un regard à la fois similaire et complémentaire sur ce qui nous entourait. Nous remarquions les mêmes détails. Qui aurait pu deviner à quel point nos échanges allaient faire jaillir autant de beauté ? », abonde celle-ci avec enthousiasme.

Si les deux artistes ont toujours désiré travailler main dans la main, il aura fallu attendre que la pandémie survienne pour qu’une première collaboration puisse voir le jour. « Derrière l’appareil, nous partageons systématiquement nos pensées, notre philosophie, nos interrogations… Même si chacun de nous saisit ses propres images dans la rue et que nous continuons bien évidemment à développer nos projets personnels en parallèle, nous passons beaucoup de temps ensemble. C’est très spécial, mais ça se passe super bien », assure Sarah van Rij. Alors que les métropoles sont propices à la solitude, leurs pratiques respectives se conjuguent et s’accordent dans une harmonie parfaite, qui suggère toute l’étendue de la complicité qui les unit au quotidien.

© David van der Leeuw© Sarah van Rij

© à g. David van der Leeuw, à d. Sarah van Rij

Donner libre cours à notre imagination

Dans les compositions que signe le couple, les visages se font rares quand leurs contours anonymes font la part belle aux mouvements des étoffes et aux diverses lignes qui se dessinent en contrepoint. « Nous cherchons à éviter les vêtements recouverts de marques, de logos à outrance, comme on le voit beaucoup de nos jours. À l’image, ils sont très visibles. Ils sont d’ailleurs pensés pour capter l’attention et empêcher celui ou celle qui regarde de voir tout autre chose », indique David van der Leeuw. Témoignage d’une mode passagère, tous deux préfèrent immortaliser ces individus qui adoptent une tenue pareille à un uniforme. S’il décline leur identité, ce dernier échappe à l’inverse à tout repère temporel. Poésie subtile de la vie moderne, ces détails attrayants ne se révèlent qu’à l’œil placide du flâneur, seul être en mesure d’apprécier les innombrables séquences qui défilent chaque jour devant lui.

 Tels des peintres baudelairiens, Sarah van Rij et David van der Leeuw se plaisent à dépeindre des fragments d’existences sibyllines. Saisis à la volée, ils portent en eux d’innombrables récits que nous ne saurions deviner et qui donnent libre cours à notre imagination. « Nous ne sommes pas nécessairement nostalgiques, nous ne voulons pas retourner dans les années 1960. Nous nous contentons de capturer les éléments qui nous semblent les plus beaux, les plus inspirants. En cela, photographier les rues est un exercice difficile, car ce que nous recherchons est très spécifique. Nous sommes en quête de formes conceptuelles, d’ambiances qui sont le reflet de notre réalité et non une représentation directe de ce qu’elle est véritablement. Notre approche est plus psychologique, philosophique. Plusieurs couches se superposent, et chacun peut comprendre nos images selon sa propre perception. Cela rend les choses encore plus poétiques », conclut en chœur le duo.

© Sarah van Rij© David van der Leeuw

© à g. Sarah van Rij, à d. David van der Leeuw

© Sarah van Rij

© Sarah van Rij© Sarah van Rij

© Sarah van Rij

© David van der Leeuw© David van der Leeuw

© David van der Leeuw

© David van der Leeuw et Sarah van Rij

© David van der Leeuw et Sarah van Rij

© David van der Leeuw© Sarah van Rij
© David van der Leeuw© Sarah van Rij

© à g. David van der Leeuw, à d. Sarah van Rij

Image d’ouverture © Sarah van Rij

Explorez
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
© Marie Le Gall
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
Absente depuis vingt ans, lorsque Marie Le Gall retourne enfin au Maroc, elle découvre un territoire aussi étranger que familier....
22 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions d'Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
© Alex Turner
Visions d’Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
Des luttes engagées des catcheuses mexicaines aux cicatrices de l’impérialisme au Guatemala en passant par une folle chronique de...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
© Richard Pak
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
Avec Les îles du désir, Richard Pak pose son regard sur l’espace insulaire. La galerie Le Château d’Eau, à Toulouse accueille, jusqu’au 5...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
It starts with an end : Edward Lane capture l’âme d’un village de Roumanie
© Edward Lane
It starts with an end : Edward Lane capture l’âme d’un village de Roumanie
« Il y a des endroits qui semblent exister dans un monde à part… » C’est en ces mots qu’Edward Lane présente Rachitele, le village...
18 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Rebecca Topakian : le destin revisité de Dame Gulizar
Dame Gulizar and other love stories © Rebecca Topakian
Rebecca Topakian : le destin revisité de Dame Gulizar
Jusqu'au 21 décembre 2024, dans le cadre de PhotoSaintGermain et de Un Week-end à l'est 2024, Rebecca Topakian, photographe...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Sarah Moon inaugure le nouveau rendez-vous de Chanel autour de la création des images
© Sarah Moon
Sarah Moon inaugure le nouveau rendez-vous de Chanel autour de la création des images
À compter du 5 décembre 2024, le 7 à 9 de Chanel se tiendra tous les deux mois au Jeu de Paume. Gracieusement ouvert à toutes et à...
04 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
AImagine : l'exposition du Hangar qui interroge l'intelligence artificielle
© Pascal Sgro
AImagine : l’exposition du Hangar qui interroge l’intelligence artificielle
Le Hangar à Bruxelles accueillera, du 24 janvier au 15 juin 2025, AImagine - Photography and generative images, une exposition collective...
04 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Jérémy Saint-Peyre et les cicatrices invisibles des traumatismes
© Jérémy Saint-Peyre
Jérémy Saint-Peyre et les cicatrices invisibles des traumatismes
Dans Là où même le bleu du ciel est sale, Jérémy Saint-Peyre s’intéresse aux « violences latentes », invisibles et douloureuses, qui...
03 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas