« On sort quand il fait nuit, vers 22 heures, mais on se retrouve chez moi à partir de 20 h 30. Tu nous rejoins quand tu veux. »
Rendez-vous est pris avec les « Présidentes » de Porntoshop. Au programme : bières, dentelles noires et affichage sauvage dans l’Est parisien. Mais ne vous fiez pas à l’aspect léger de ce premier contact, Porntoshop est une affaire on ne peut plus sérieuse.
C. est journaliste. Son anonymat est relatif, elle n’hésite pas à militer à visage découvert pour son magazine « politique, érotique et féministe ». Seulement, C. ne veut pas parler d’elle, c’est le jeune Porntoshop qui anime ses propos. Tout a commencé en 2013, alors qu’elle travaillait pour un magazine culturel qui préparait un numéro spécial sexe. C. récupère des magazines porno qui traînent dans la rédaction et s’amuse à coller des visages d’hommes politiques sur les corps pour tuer le temps pendant ses pauses. Histoire d’en faire quelque chose, elle crée un Tumblr où elle poste ses collages : « À la base, c’était un Tumblr sans réflexion particulière, juste des têtes d’hommes politiques sur des corps d’actrices porno. » C’est deux ans plus tard que vient l’envie de pousser l’idée plus loin, de systématiser le concept, d’ajouter des photomontages aux collages et d’en faire un magazine papier. Porntoshop est né.
Les présidentes
Le succès du deuxième numéro de Porntoshop, sorti en mars 2016, est tel que le petit fanzine, tiré à 100 exemplaires, est rapidement en rupture de stock. C. y a fait poser des amies en tenues légères, masquées par les gueules des présidents de la Ve République. La mine d’or ? Les plus belles punchlines sexistes – voire carrément misogynes – des chefs d’État français depuis Charles de Gaulle (exception faite d’Alain Poher, président par intérim en 1969 et 1974).
Malgré l’engouement autour du magazine, C. veut aller plus loin : « Après la sortie, je me suis dit “ça y est, c’est fini”. Mais je crois en ce projet, il faut donc que je le porte beaucoup plus que ça et, tiens, je n’ai jamais fait de collage d’affiches, c’est quelque chose qui semble à ma portée. » Les Présidentes reprennent donc du service. C. estime avoir de la chance d’être suivie par des filles toujours partantes, que ce soit « pour poser, pour aller dans la rue coller des affiches avec des masques, ou pour apparaître dans des vidéos ». Selon elle, ces nanas sont l’essence même du projet : « Sans elles, je ne peux pas faire tout ça. Le magazine, c’est quelque chose que je vis seule chez moi. Descendre dans la rue, c’est le moment où tu te confrontes à la réalité, où tu te mets un peu en difficulté aussi. » Car les retours ne sont pas toujours positifs, les discussions peuvent être intéressantes, parfois frustrantes ou décourageantes.
Je ne suis pas une femme
À 22 heures, ce soir de juillet où nous retrouvons la team Porntoshop, la meute de Présidentes est prête à sortir. Préparation de la colle, vérification des élastiques des masques, approvisionnement en bières : go.Dans la rue, l’effet est saisissant : Pompidou, Sarkozy, Mitterrand, Giscard, Chirac et Hollande (de Gaulle n’a pas pu venir) évoluent dans la ville sur ces corps féminins, provoquant des réactions à mi-chemin entre inquiétude et amusement…