Au cœur du XVIe arrondissement de Paris, une exposition met en lumière le travail de Fifou, dont le regard éclaire depuis des années la foisonnante scène du rap français. L’occasion de découvrir ce photographe atypique. Cet article, rédigé par Jacques Denis, est à découvrir dans notre dernier numéro.
Alonzo et Gazo, maître Gims et Youssoupha, Gradur et Kalash Criminel… Ils sont presque tous là. Même le truculent Alkpote dont la tête sort d’une vulve rose, une image provoc à souhait, loin des clichés du genre. Réalisé en 2019 pour la pochette de Monument, ce portrait qui tient autant d’un montage façon Christo que de L’Origine du monde selon Courbet résume l’état d’esprit de son auteur, Fifou.
Jamais en panne d’idées, celui qui a signé plus de 600 pochettes de disque a imposé une touche très personnelle dans la diversité stylistique que présente ce premier solo show au sein de l’institution française du portrait noir et blanc. « Le sujet principal, c’est le rap français, à travers trente images des personnalités actuelles de cette scène. Le faire à Harcourt me permet de toucher d’autres publics. C’est une façon de fissurer ce plafond de verre pour le rap, qui peut encore effrayer. Aujourd’hui il y a des rappeurs qui arrivent en rose, qui aiment aussi jouer avec les codes de la mode. » C’est d’ailleurs suite à une expo éphémère lors de la Fashion Week cet hiver qu’Agnès Grégoire, commissaire des expositions temporaires chez Harcourt, a contacté celui qui est devenu le Mondino des années 2.0.
Funk, soul et gangsta rap
Fifou, Fabrice Fournier pour l’état-civil, n’est pas franchement le perdreau de l’année en matière de photo. Plus de vingt ans que l’ex-gamin, grandi à Chelles au sein de la working class, la pratique au quotidien. Tout a commencé au tournant des années 2000, quand il fait un stage chez Radikal, le magazine hip-hop le plus visuel de l’époque qui constituera sa « première approche de la photographie ». Inscrit à une école d’arts appliqués et ayant déjà bossé dans des fanzines et une radio hip-hop de banlieue, ce féru de gangsta rap mais aussi fan de jazz, de funk, de soul – de Duke Ellington à George Clinton, de Billie Holiday à Sade – va pouvoir conjuguer ses deux amours : musique et image. Au début, ce seront des flyers et logos pour les rappeurs, et puis, bien vite, il travaille comme retoucheur pour des photographes, dont Christophe Gstalder – qui a signé des images iconiques, de Mickey Rourke notamment –, avec lequel le futur Fifou forme un binôme. Ensemble, ils traverseront le Mali en 2005, et quand leurs chemins se séparent, le Français va « commencer à tester la photo en pur autodidacte, en expérimentant avec tous les rappeurs ».
En 2005, son portrait pour le single « L’avenir est à nous » de Kool Shen, parrain de la scène française, sera son sésame. Le rap vit alors une crise, et Fifou devient « la solution cool et pas chère » : il tire les portraits pour 200 euros. « Comme un médecin, je recevais les rappeurs dans ma chambre de bonne à La Motte-Pciquet Grenelle. Je pouvais faire dix séances par jour. » Sept ans durant, dans ses neuf mètres carrés, il se bâtit un réseau qui finira par payer. La nuit, il enquille des virées, notamment avec les Requins juniors, « une bande de chasseurs de skin qui faisaient la sécu d’artistes confirmés comme NTM ».
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #54, disponible ici.
Jusqu’au 31 août, découvrez Fifou x Harcourt, au Studio Harcourt Paris, 6, rue de Lota, à Paris (16e)
© Fifou