Quentin Fromont : mythologie, désir et littoral

17 janvier 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Quentin Fromont : mythologie, désir et littoral

À la croisée de l’art plastique et visuel, Quentin Fromont imagine un récit engagé, nourri par la peinture, la mythologie et l’érotisme queer. Un corpus d’images libres de droits et de captures d’écran retravaillées rendant hommage à l’amour comme à la nature.

Dans les images de Quentin Fromont, les corps nus se fondent dans les paysages maritimes, et le réel s’oublie face au pictural, comme si la viscéralité du monde, sa sensualité et sa beauté coulaient des clichés. Comme si les effusions des rapprochements, les résonances entre humain·es et nature apparaissaient sous la forme de traînées colorées, sortant des cadres et repoussant les limites du médium photographique.

C’est aux Arts décoratifs de Paris que l’artiste plasticien et commissaire d’exposition a fait ses armes, s’initiant à la fois à l’image, la photographie, la vidéo, le texte et l’installation. Une polyvalence qu’il développe depuis déjà quelque temps. « Ayant toujours eu la sensation de ne pas profiter assez des moments de la vie, j’ai commencé par documenter mon quotidien. Très rapidement, j’ai ressenti le besoin de puiser dans d’autres clichés que ceux de mon iPhone ou de mes boîtiers. Constamment entouré d’images, le fantasme que pouvait provoquer en moi le fait de revoir des souvenirs de moments de vie s’est estompé. J’ai donc décidé de commencer à puiser dans des screens vidéo et des banques d’images libres de droit », raconte-t-il. Grand lecteur, Quentin Fromont accorde également à la narration une place de choix, et la laisse apparaître de manière intuitive, au fur et à mesure que les visuels se créent. Un ensemble d’échos aux mythologies qui l’interpellent, et qui jalonnent son inconscient créatif. « J’aime passer de l’abstrait au flou, et au réel. Cela me permet de créer cette couche de mystère et de poésie que je lie généralement à mes propres récits », précise-t-il.

© Quentin Fromont

Colorer les œuvres d’une nuance engagée

Au cœur de ces récits s’articulent deux thématiques principales : la beauté des corps, et celle des côtes. Jouant avec l’érotisme et la pornographie queer, l’artiste explore l’envie, le désir, la langueur, sans jamais « franchir la barrière du frontal ».  « Je travaille mes séries de manière sensible. La sensualité me permet de rajouter au fantasme, aux imaginaires qu’elles induisent », explique-t-il. Autant de créations lascives nourries par diverses influences. La peinture, tout d’abord, un médium dont la richesse ne cesse de fasciner Quentin Fromont. « Le Pèlerinage à l’île de Cythère d’Antoine Watteau, réalisé en 1717, par exemple, reprend le mythe de cette île dédiée aux plaisirs de chairs – une interprétation de l’histoire de Hyacinthe et Apollon », raconte-t-il. Mais aussi les expérimentations plastiques, qu’il connecte aux paysages qu’il affectionne particulièrement : « Travaillant sur le littoral, il me semblait intéressant d’aller vers un processus de création qui nécessite de l’eau, du transfert, différentes strates du temps, de séchages et d’étapes », explique l’auteur. Enfin, et de manière plus moderne, la communauté LGBTQIA+ et les stéréotypes contre lesquels elle se bat composent la toile de fond de ses images. Sexualité jugée taboue, pratiques dangereuses, brutalité – comme dans Croupir dans la chaleur des autres, un projet relatant une agression sexuelle sur une plage de cruising (un espace de drague à ciel ouvert, NDLR) – les discriminations font surface, colorent les œuvres d’une nuance engagée.

© Quentin Fromont© Quentin Fromont

Puiser dans les codes de l’amour

Pourtant, il y a une certaine pureté dans le geste de Quentin Fromont. Un idéal auquel il aspire qui adoucit ses créations. Car en multipliant les influences et les techniques d’impression, les histoires et les sujets, l’artiste visuel parvient à construire un monde complexe gouverné par le fantasme. Un érotisme tendre, qui se devine plus qu’il ne s’impose, que l’on retrouve dans les formes – parfois phalliques – des éléments naturels, et les corps vaporeux émergeant des encres bariolées. Comme un appel à l’adoration de la beauté, loin des aprioris qui ferment l’esprit. « Mon travail vient raconter, par le prisme de la fiction, des imaginaires dominants autour de la virilité, de la violence dans les relations homosexuelles, mais aussi de celles qui proviennent de l’extérieur. Pourtant, en l’associant à des mythes issus de la Grèce antique, je recrée des narrations qui puisent dans les codes de l’amour », confie le photographe. Des étreintes éphémères d’un couple d’un soir aux plongeons délicieux dans l’eau fraîche de la mer, en plein été, de bras qui enlacent aux gouttes d’eau qui perlent sur la peau tannée par le soleil estival, Quentin Fromont écrit finalement une lettre passionnée et atypique aux corps qui s’adorent. À celles et ceux qui représentent l’amour au sens large, et qui rêvent d’une errance érotique à l’épreuve du réel, et du temps.

© Quentin Fromont© Quentin Fromont

© Quentin Fromont

© Quentin Fromont© Quentin Fromont

© Quentin Fromont

© Quentin Fromont© Quentin Fromont

© Quentin Fromont

© Quentin Fromont© Quentin Fromont

© Quentin Fromont

© Quentin Fromont

Explorez
Les images de la semaine du 28 avril 2025 : rétrospective d’avril
© Sander Coers
Les images de la semaine du 28 avril 2025 : rétrospective d’avril
C’est l’heure du récap ! De nombreux rendez-vous ont rythmé les publications de cette semaine. Les coups de cœur du mois, un nouvel...
04 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les Rencontres de Niort : la nuit en ébullition des artistes en résidence
Les ballades du corail © Joan Alvado
Les Rencontres de Niort : la nuit en ébullition des artistes en résidence
Depuis 1994, Les Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort poursuivent leur volonté d’être un incubateur de création...
03 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Pôle Nord, corgis et plongeuses japonaises : nos coups de cœur photo d’avril 2025
Images issues de Midnight Sun (Collapse Books, 2025) © Aliocha Boi
Pôle Nord, corgis et plongeuses japonaises : nos coups de cœur photo d’avril 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
30 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 14 avril 2025 : mémoire et conversations
© Louise Desnos
Les images de la semaine du 14 avril 2025 : mémoire et conversations
C’est l’heure du récap ! Récits intimes, histoires personnelles ou collectives, approches de la photographie… Cette semaine, la mémoire...
20 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
The Journey Home from School © Laura Pannack, United Kingdom, Winner, Professional competition, Perspectives, Sony World Photography Awards 2025.
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
Des corps qui chutent, des trajectoires contrariées, des espaces repris de force… Et si la photographie était un langage de reconquête ?...
10 mai 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Marion Gronier, la folie et le regard
© Marion Gronier, Quelque chose comme une araignée / Courtesy of the artist and Prix Caritas Photo Sociale
Marion Gronier, la folie et le regard
Pendant deux ans, Marion Gronier a arpenté des institutions psychiatriques en France et au Sénégal. Sans jamais montrer de visages, elle...
09 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Anouk Durocher : portrait d'une révolution intime
© Anouk Durocher
Anouk Durocher : portrait d’une révolution intime
Nous avons posé quelques questions à Anouk Durocher, artiste exposée à Circulation(s) 2025. Dans son travail, elle explore l'approche...
08 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Daniel Obasi : l'étoffe de la révolte
Beautiful Resistance © Daniel Obasi
Daniel Obasi : l’étoffe de la révolte
À Lagos, Daniel Obasi, 30 ans, met en lumière les communautés marginalisées du Niger à travers une mode émancipatrice et...
08 mai 2025   •  
Écrit par Milena III