Robert Frank, photographe de la Beat Generation

10 septembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Robert Frank, photographe de la Beat Generation

Robert Frank, figure emblématique de la photographie moderne, s’est éteint le 9 septembre, à l’âge de 94 ans. Hommage à un artiste à la formidable créativité.

Né en 1924 à Zurich, Robert Frank s’est passionné pour la photographie dès l’âge de douze ans. Après avoir réalisé un apprentissage dès 1941 chez le photographe et graphiste Hermann Segesser – qui lui fait notamment découvrir l’œuvre de Paul Klee – le photographe a poursuivi sa formation dans le studio de Michael Wolgensinger. Influencé alors par le photojournalisme, il s’est intéressé au registre documentaire, captant des sujets liés à la vie quotidienne.

À la fin de la guerre, Robert Frank a voyagé à travers l’Europe, de Paris à Milan il a figé au Rolleiflex les traces du conflit, montrant déjà son appétence pour l’exploration sociale et son infinie tristesse. En 1947, il s’est envolé pour la première fois vers les États-Unis, qui deviendront par la suite son pays d’adoption. Les quelques années suivantes l’emmèneront vers l’Amérique du Sud, et le reste de l’Europe. C’est en 1953 que le photographe retourne de l’autre côté de l’Atlantique, grâce à une bourse de la Fondation Guggenheim, lui permettant de documenter la civilisation américaine. Quatre ans plus tard, est sorti Les Américains, un ouvrage cru et bouleversant emblématique de la Beat Generation.

© Robert Frank

Une liberté artistique captivante

Réédité en 2019 aux éditions Delpire

, cet ouvrage préfacé par Jack Kerouac, propose une immersion dans un territoire bouleversé par un rêve américain mourant. S’éloignant du photojournalisme « classique », Robert Frank y avait délaissé les habituelles compositions soigneuses et bien éclairées au profit d’une esthétique sombre, au grain sale et hypnotique. Ses sujets, des architectures désolées ou des hommes solitaires, semblent crier leur mélancolie au lecteur. « Vous regardez ces photos, et à la fin vous ne savez plus du tout quel est le plus triste des deux, un jukebox ou un cercueil », commente Jack Kerouac. En jouant avec les flous et une composition décentrée, branlante, Robert Frank captait un envers du décor poignant. Fruit d’un périple de neuf mois le long de la côte Ouest, ayant inspiré quelque 28 000 clichés pris au Leica, Les Américains tourne le dos aux conventions avec une créativité insolente. D’abord méprisé ou détesté, le livre devient finalement un symbole d’une liberté artistique captivante. Une illustration sans artifice des inégalités cruelles de l’American dream, qui hisse le photographe au rang des « poètes tragiques du monde », comme le définit Jack Kerouac. Une œuvre culte dans la carrière d’un artiste dont le talent transcende le temps.

© Robert Frank

© Robert Frank

© Robert Frank / Les Américains, Éditions Delpire

Robert Frank © Gilles Mora

Robert Frank © Gilles Mora

Explorez
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
Megapolis, Puteaux, 2025 © Aleksander Filippov
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
À l’occasion des 80 ans de la Libération, les ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique ont lancé...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Carmela, série Carmela © Emma Tholot
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Marina Viguier et Emma Tholot, nos coups de cœur de la semaine, explorent la théâtralité comme outil de résistance, de liberté et de...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
© Julie Wintrebert, Crazy Beaches, 2024 / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, pour la rentrée, les pages de Fisheye se mettent au rythme du photojournalisme, des expériences...
07 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
© Bohdan Holomíček
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
Créé en 2022, le Prix Viviane Esders rend hommage à des carrières photographiques européennes souvent restées dans l’ombre. Pour sa...
06 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 8 septembre 2025 : amour et déplacements
Couldn't Care Less © Thomas Lélu et Lee Shulman
Les images de la semaine du 8 septembre 2025 : amour et déplacements
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, l’amour et les déplacements, quels qu’ils soient, ont traversé les pages de Fisheye. Ceux-ci se...
14 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
The Rose Harvest © Annissa Durar
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
La photographe américano-libyenne Annissa Durar a documenté, avec beaucoup de douceur, la récolte des roses à Kelâat M’Gouna, au sud du...
13 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
© Arpita Shah
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
À travers sa série Nalini, la photographe indo-britannique Arpita Shah explore l’histoire de sa famille et des générations de...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Samuel Bollendorff : comment alerter sur la crise écologique ?
#paradise - curateur : Samuel Bollendorff.
Samuel Bollendorff : comment alerter sur la crise écologique ?
Le festival de photojournalisme Visa pour l’image revient pour sa 37e édition jusqu'au 14 septembre 2025. Parmi les 26 expositions...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot