Roman-photo, le feuilleton d’une époque

22 février 2018   •  
Écrit par Anaïs Viand
Roman-photo, le feuilleton d'une époque

Tendres baisers ou cœurs brisés ? Les deux mon capitaine ! Au croisement du cinéma et de la bande dessinée, le roman-photo, genre populaire souvent raillé par les gardiens de la culture, nous raconte des histoires d’amour en nous donnant à lire les rêves et les fantasmes d’une partie de notre société. Une saga à découvrir au Mucem, à Marseille.

« Les histoires d’amour finissent mal… en général… », 

chantaient Les Rita Mitsouko, en 1986. Au bout de la promenade Robert-Laffont, à côté du Vieux-Port, au Mucem, c’est tout le contraire. Le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille consacre en effet 800 mètres carrés aux romances qui se terminent, dans 99% des cas, plutôt bien. Il s’y tient la toute première exposition dédiée au roman-photo, genre souvent méprisé, considéré comme un sous-genre populaire et vulgaire. « Les intellectuels le trouvent stupide, les catholiques immoral, et les communistes anesthésiant, mais il a pourtant constitué l’un des plus grands succès de la culture populaire du XXe siècle », rappelle Frédérique Deschamps, une des deux commissaires d’exposition – avec Marie-Charlotte Calafat. Elle souligne plus précisément qu’en 1960, un Français sur trois lisait des romans-photos. Aujourd’hui encore, malgré la concurrence des séries télé comme Plus belle la vie, l’hebdomadaire Nous Deux tire à 250 000 exemplaires, et se lit aussi sur iPad.

© Arnoldo Mondadori editore / DR

© Arnoldo Mondadori editore / DR

Amour, jalousie, trahison

Un flash-back s’impose. Apparu en Italie en 1947, le roman-photo s’est construit sur la même structure que la bande dessinée. Il se compose de photos et de bulles contenant des textes qui racontent une histoire comme le ferait le découpage d’un film, sous la forme d’un storyboard. L’exposition retrace de façon chronologique son évolution à travers plus de 300 objets. À l’instar du roman-photo, né de la collaboration entre un scénariste, un metteur en scène, des acteurs et un photographe, l’expo du Mucem rassemble divers types de supports qui en sont à l’origine : photos, planches-contacts, négatifs, maquettes, affiches, films, etc. Roman-photo s’ouvre sur l’image d’un baiser langoureux, en noir et blanc, issue de la revue italienne Bolero Film, et nous installe tout de suite dans l’atmosphère. S’ensuivent d’autres images du même style, majoritairement puisées dans le fonds de l’éditeur Mondadori, dont certaines n’ont jamais été montrées jusqu’à présent. On découvre également Il Mio Sogno, autre magazine italien à l’origine du roman-photo. Il faut rappeler à quel point ces histoires à l’eau de rose destinées à un lectorat féminin ont eu un succès phénoménal. Car en plus de permettre une lecture simple et rapide, les récits permettaient aux lecteurs de s’identifier à travers des thèmes universels : amour, jalousie, trahison, vengeance, mort. La visite se poursuit avec des feuilletons présentés sous forme de diaporamas. On y voit défiler les vedettes de l’époque révélées par ce media populaire : Gina Lollobrigida, Hugh Grant, sans oublier Sylvie Vartan et… Johnny Hallyday ! Impensable de ne pas mentionner la revue Nous Deux. Nous voilà devant un mur entièrement tapissé de unes du mythique hebdomadaire français spécialisé dans le roman-photo. On découvre aussi, plus près de nous, le travail du photographe Thierry Bouët, parti à la rencontre des lecteurs du magazine. Il nous fait découvrir Mireille qui, à 92 ans, après un mariage arrangé par ses parents, et avoir élevé sept enfants, confie que la lecture de l’hebdomadaire a « allégé sa vie » en lui apportant « un peu de fraîcheur » après ses dures journées.

© Arnoldo Mondadori editore/DR

© Arnoldo Mondadori editore/DR

© Josselin Rocher© Arnoldo Mondadori editore/DR
Qualcosa che si chiama onore_123 001

© Josselin Rocher / © Arnoldo Mondadori editore/DR

© Josselin Rocher© Piero Orsola. Cliché : Josselin Rocher

© Piero Orsola. Cliché : Josselin Rocher

L’intégralité de cet article est à retrouver dans Fisheye #28, en kiosque et disponible sur Relay.com

Explorez
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Gangs de chats, pigeons dérobés ou espions : ces séries de photos sur les animaux
© Chloé Lamidey
Gangs de chats, pigeons dérobés ou espions : ces séries de photos sur les animaux
Chiens, chats, ours, éléphants ou encore pigeons, apprivoisés, sauvages ou même espions, parmi les séries présentées sur les pages de...
23 juillet 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Onironautica : les rêves lucides, l’IA des êtres humains
© Ludivoca De Santis
Onironautica : les rêves lucides, l’IA des êtres humains
Collections d’images venues de rêves lucides, Onironautica de Ludovica De Santis interroge, au travers de mises en scène intrigantes...
19 juillet 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Le Jardin du Lunch : les boulettes de Proust
© Pascal Sgro
Le Jardin du Lunch : les boulettes de Proust
Entre nostalgie et humour, le photographe belge Pascal Sgro saisit, dans sa série en cours Le Jardin du Lunch, la bienveillante laideur...
19 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina