Romy Alizée et la poésie du porno

17 septembre 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Romy Alizée et la poésie du porno

Jusqu’au 27 septembre au Point Éphémère, dans le cadre du festival Jerk Off, Romy Alizée présente Warm Inside, une collection d’images sulfureuses, proposant une lecture décomplexée du regard queer et du désir féminin.

Des corps nus sur un fond blanc, le flash qui sature chaque détail, les ombres qui soulignent la sensualité, les regards qui s’embrassent, bien droits, face à la caméra. Dans les images de Romy Alizée, le sexe n’est pas (dis)simulé. Les jambes s’écartent, les langues s’apprivoisent, les mains caressent, avec une insolence charmante. Comme un défi, un appel à réagir, à se questionner : et toi, que ressens-tu face à cette performance ? Une gêne, une excitation ? Ce désir est-il le tien, ou celui de cette artiste-performeuse qui t’observe si directement ?

Née en 1989 aux Sables-d’Olonne, Romy Alizée a été mannequin avant de passer de l’autre côté de l’objectif. Une pratique qui, tout comme son obsession pour les images qu’elle trouve dans divers magazines, aiguise son œil. Autodidacte, c’est grâce à l’un des photographes qui la shoote qu’elle fait ses premiers essais, en se tournant tout d’abord vers les autres – des ami·es, des personnes de confiance – puis en osant s’introduire dans ses propres mises en scène. « Quand tu es modèle, tu développes un certain besoin de poser, d’être regardée… Mais c’est aussi fascinant de se voir démultipliée, d’être détachée de son image. Ce lâcher-prise est important pour faire ce que je fais, qui est une mise en danger sociale », explique-t-elle. Et si elle se défend de faire du documentaire, l’artiste entend néanmoins s’inspirer de sa propre vie, de ses propres ressentis pour présenter ce qu’elle aime montrer par-dessus tout : « l’apprentissage du désir queer. Le mien est d’ailleurs passé par la mise en scène, et la réflexion », confie-t-elle.

© Romy Alizée

Donner son corps à l’exploration

Une réflexion que l’on ressent dans la composition de ses clichés. Chaque posture et expression, chaque contorsion et performance pornographique sont pensées, organisées soigneusement en amont. « Toutes les personnes présentes sur mes photos sont des proches travailleuses du sexe, comme moi, ou des artistes qui travaillent sur des thématiques voisines : elles ont l’habitude de cet environnement. Lorsque je shoote, tout est prévu. Il ne s’agit jamais d’un après-midi improvisé entre copines », précise-t-elle. Et au cœur de cette avalanche de corps, l’artiste elle-même se démarque. Son regard étiré par un trait d’eye-liner captant l’intérêt des passant·es, les forçant à confronter leur propre rapport au sexe avec un raffinement désarmant. Une manière pour la performeuse de repousser les limites de ce qui est conforme pour une femme artiste. « Jusqu’où peut-on aller dans le nu ? Et la pornographie ? » se questionne-t-elle.

À une époque où les débats autour du female gaze deviennent de plus en plus nombreux, Romy Alizée, elle, s’affranchit de cette terminologie. « Elle n’existait pas réellement lorsque j’ai commencé. Et j’ai l’impression d’être passée un peu au-delà, préférant concentrer ma recherche sur le regard queer ou lesbien… même si je comprends tout à fait l’affiliation », déclare-t-elle. Car, comme l’autrice le prouve en prenant part à ses tableaux érotiques, le désir qu’elle souhaite mettre en avant est avant tout le sien. Celui nourri par une sexualité entre femmes, par une liberté émancipatrice. S’affranchissant des codes sociétaux comme sexuels, Romy Alizée contemple avec calme la volupté des étreintes qu’elle met en scène et performe, donne son corps à l’exploration sensuelle, à l’excitation sans borne. Et dans la salle du Point Éphémère, on ne peut qu’admirer la transparence avec laquelle elle capture ses fantasmes, ses envies, ses lubies. Un univers fascinant, qu’elle décortiquera, accompagnée de l’artiste non-binaire Dominique Gilliot, lors d’une visite performée le 17 septembre à 20h. « J’aime donner des clés pour comprendre mon travail sans que cela ne soit hyperscolaire. Entre musique, chants, blagues, nous y expliquerons l’artiste que je suis et ce que je défends », assure-t-elle.

© Romy Alizée© Romy Alizée
© Romy Alizée© Romy Alizée
© Romy Alizée© Romy Alizée

© Romy Alizée

Explorez
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
Megapolis, Puteaux, 2025 © Aleksander Filippov
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
À l’occasion des 80 ans de la Libération, les ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique ont lancé...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Carmela, série Carmela © Emma Tholot
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Marina Viguier et Emma Tholot, nos coups de cœur de la semaine, explorent la théâtralité comme outil de résistance, de liberté et de...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
© Julie Wintrebert, Crazy Beaches, 2024 / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, pour la rentrée, les pages de Fisheye se mettent au rythme du photojournalisme, des expériences...
07 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
© Bohdan Holomíček
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
Créé en 2022, le Prix Viviane Esders rend hommage à des carrières photographiques européennes souvent restées dans l’ombre. Pour sa...
06 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
5 coups de cœur qui témoignent d'un quotidien
I **** New York © Ludwig Favre
5 coups de cœur qui témoignent d’un quotidien
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
À l'instant   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 8 septembre 2025 : amour et déplacements
Couldn't Care Less © Thomas Lélu et Lee Shulman
Les images de la semaine du 8 septembre 2025 : amour et déplacements
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, l’amour et les déplacements, quels qu’ils soient, ont traversé les pages de Fisheye. Ceux-ci se...
14 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
The Rose Harvest © Annissa Durar
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
La photographe américano-libyenne Annissa Durar a documenté, avec beaucoup de douceur, la récolte des roses à Kelâat M’Gouna, au sud du...
13 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
© Arpita Shah
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
À travers sa série Nalini, la photographe indo-britannique Arpita Shah explore l’histoire de sa famille et des générations de...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas