La photographie de Sara Imloul possède quelque chose de profondément magique, envoûtant, capable de faire ressortir des souvenirs enfouis. Ses noirs et blancs semblent surgir de visions intimes et de mémoires anciennes. Photographie et collage se côtoie subtilement, dans une constante recherche de langages nouveaux et de techniques personnelles. Elle se sert notamment du calotype – un procédé mis au point par Henri Fox Talbot en 1840, permettant d’obtenir un tirage par contact à partir d’un négatif papier. Son univers iconoclaste lui a valu plusieurs récompenses, parmi lesquelles le Prix Levallois, ainsi qu’une exposition aux Rencontres d’Arles. Deux ouvrages ont été consacrés à l’artiste aux Éditions Filigranes, Passages en 2022 et Das Schloss en 2014.
Fin février 2023, la galerie parisienne Hopstreet a accueilli Sara Imloul parmi ses artistes représenté·es. À l’heure de l’image numérique et des réseaux sociaux, cette artiste « a choisi la lenteur, l’Arte Povera de la photographie » écrit la critique d’art Maud de la Forterie dans la revue artpress. « Si je suis restée attachée au procédé du calotype, fastidieux et lourd, avec un temps de pose très long, c’est parce qu’il me rappelle aussi la pose des modèles en peinture, explique la photographe. Au fond, c’est la scène qui m’intéresse et c’est ainsi que je crée ce journal fictif. »
La pratique de la magie en photographie
« Pour moi, l’art et la création ont un lien très fort avec l’imaginaire, la métaphysique, la magie, le passé, les fantômes, les souvenirs… » affirmait Sara Imloul lors d’un entretien accordé en 2020 dans le cadre du programme Elles X Paris Photo. C’est par le théâtre qu’elle entre en contact avec la photographie, une expérience qui lui permet de cultiver son amour de la mise en scène dans ses clichés. L’usage du calotype et du noir et blanc contribue à la création d’atmosphères hypnotiques et donne vie à une véritable pratique de la magie en photographie. Comme l’explique Maud de la Forterie, chaque négatif est retravaillé à la main. Dans son atelier, elle invente des techniques personnelles qui lui permettent de créer son monde mystérieux d’images en mêlant dessins et collages à ses tirages photographiques. Elle travaille soit en noircissant le sel pour ajouter de la lumière, soit en le soustrayant avec du ferricyanure de potassium pour obtenir un effet plus ombré.
Telle une alchimiste, Sara Imloul semble constamment chercher l’équilibre entre photographie et art plastique. Les objets qui composent ses images sont comme une archéologie personnelle, traversée de croyances animistes. Chaque image se transforme en reliquaire, en autel symbolique, fruit d’un processus de recherche, d’écriture, puis de mise en scène et de post-production. « [Sara Imloul] parcourt les obscurités d’une mélancolie inscrite dans les objets et les lieux. Ce n’est pas un simple recensement, c’est l’obstinée recherche de l’écho de ses bruissements intérieurs, de sa part d’ombre qui jamais n’en produira, écrivait Jacques Damez de la Galerie l’Escale, lors du Prix Levallois 2019. Cette archéologie n’est pas qu’intime, elle met en résonance les formes plastiques des avant-gardes modernes avec cette technique des prémices de l’invention de la photographie qu’est le calotype. »
© Sara Imloul