Artiste photographe plasticienne, Sidonie Ronfard expérimente le médium photographique pour illustrer la chaleur de nos émotions. Diplômée de l’ENSAD, son univers entremêle un esthétisme contemplatif à une observation cartésienne d’éléments naturels.
À l’âge de dix-sept ans, Sidonie Ronfard part vivre un an à Seattle. Dans le lycée où elle est scolarisée, le Glacier Peak High School, des cours de photographie argentique noir et blanc sont dispensés. Après avoir testé le médium à l’aide d’appareils jetables offerts par son père pendant son enfance, l’artiste participe à ces cours afin d’améliorer sa pratique. Elle commence alors à capturer son quotidien et son intimité. Puis, très rapidement, Sidonie collectionne les images de la lune qui apparait et du soleil qui se lève. « C’était des repères que je partageais à des moments différents avec les autres, avec les absents. La photographie est très vite devenue un moyen de comprendre mes pensées, un dialogue intérieur face à mes peurs », confie la photographe.
Désormais jeune diplômée de l’ENSAD, l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris, Sidonie Ronfard utilise ses clichés comme manière de rendre visible un sentiment tout en détournant la photo de sa simple reproduction du réel. En s’imprégnant des images fictives suggérées par la musique, l’artiste partage des œuvres harmonieuses qui interagissent entre elles. « Slowdive est un groupe qui m’a beaucoup inspirée. Cette mélancolie adolescente ne me quitte pas et habite mon regard sur le monde, sur la société qui m’entoure », témoigne la photographe. Peter Pan, de James Matthew Barrie, guide également l’artiste dans son processus de création. Entre un retour en enfance assumé et une précieuse maturité, l’ensemble de l’œuvre de Sidonie Ronfard est pensé, réalisé puis exposé avec justesse et précision.
Des techniques expérimentales
Se décrivant comme une artiste photographe plasticienne, Sidonie Ronfard bouscule les codes du 8e art en jouant avec les matières, les images et les installations. Bien que le numérique ne soit pas un frein à sa production, sa créativité la pousse à utiliser la photographie analogique. « Du choix de la pellicule au tirage, le processus argentique fait battre mon coeur. Le fait de ne pas voir ce qui est pris en photo et de laisser un temps où l’image “ n’existe pas ”. J’aime ce rapport à la poussière du film argentique, de son défaut et de l’imaginaire qu’il suggère », précise-t-elle. Dans la phase de préparation d’une œuvre, après la prise de vue, Sidonie transfère ses photographies sur différents supports grâce à une technique nommée sublimation. Elle ajoute : « j’utilise également, entre autres procédés, la solarisation pour créer des fuites lumineuses lorsque je tire mes clichés au laboratoire ».
« La déformation de l’image appartient au souvenir et à la dégradation infligée par le temps. Elle nous rappelle l’évolution perpétuelle de ce qui nous entoure », explique la technicienne. La scénarisation et la mise en espace se présentent comme les points culminants de son travail et font preuve d’une très grande réflexion de la part de l’artiste. Lorsqu’elles sont sous la forme d’une installation, ses photographies s’imposent dans un espace précis et témoignent de « la mutation constante des environnements naturels, personnels et relationnels ».
Brûlure émotionnelle et distorsion du réel
La condensation sur une vitre, la lave qui explose, la tempête, les vagues, la surface d’une eau stagnante… Les inspirations majeures de Sidonie Ronfard découlent des éléments que la nature nous offre. « Le rapport à la chaleur, à une brûlure émotionnelle ou encore à une fièvre psychologique et physique sont des thèmes récurrents de mon univers. J’y confronte la tension entre les espaces humains, féminins et les espaces extérieurs », raconte-t-elle. Dans le triptyque Changement d’état, l’artiste utilise d’ailleurs la distorsion du réel afin de présenter des phénomènes naturels en mutation : un verre d’eau où l’intérieur n’est pas de la même température que son extérieur – « exactement comme on peut l’expérimenter émotionnellement » – un savon qui a fondu sous l’eau chaude et laisse apparaitre un chemin, comme des veines sur une main, et une photographie congelée qui délivre une image physiquement transformée par le changement d’état qu’elle a subi.
Issue de la série Inside Insight, le cliché amitiés incarne, quant à lui, la douceur et la violence. Il illustre une main propre qui vient à l’aide de deux mains recouvertes de prune dégoulinante, ressemblant à du sang. « Un mouvement libre assez complexe s’est produit sur cette image qui parle de “ se salir les mains ”, du soutien et d’une certaine fièvre de par la chaleur de sa colorimétrie », explique l’autrice. Essence importante dans sa créativité, l’amour passionnel, amical et les relations qui en découlent, permettent à Sidonie Ronfard d’interroger dans sa démarche photographique les doutes, les défauts complexés par notre société et la force féminine.
© Sidonie Ronfard