« Solo j’ai pris l’eau » : Anna Leonte Loron recompose son été

13 avril 2023   •  
Écrit par Ana Corderot
« Solo j'ai pris l'eau » :  Anna Leonte Loron  recompose son été

Composée tel un morceau de musique pour les vacances, Solo j’ai pris l’eau d’Anna Leonte Loron nous emporte sur les plages à la fin de l’été. Une série où être seule rime avec amour infini.

Un été en Grèce, d’abord aux côtés d’une amie, puis quelques semaines en solitaire avec son paréo et son appareil photo : c’est ainsi que s’est construite la série Solo, j’ai pris l’eau d’Anna Leonte Loron. « À cette période, je ressentais le besoin d’être seule. Vivre pour moi, au rythme de mes envies et désirs. Tous les matins, je partais à la plage pour y rester jusqu’au coucher du soleil. Je n’avais aucun autre objectif qu’aller et venir entre ma serviette et l’eau. Me laisser taper par le soleil, prendre un bain, recommencer. Je ne dormais pas, je ne lisais pas, je voulais juste m’ennuyer. J’avais envie de revenir à cet état, car on ne prend plus le temps de s’ennuyer alors que ce qui est fascinant dans ces moments c’est que tout ce qui nous entoure devient un véritable spectacle. Chaque jour une nouvelle histoire avec de nouveaux personnages. Et puis à force d’imaginer leur vie, on finit par penser à la sienne », raconte l’artiste parisienne de 31 ans.

Après quelques années en agence de publicité, Anna Leonte Loron s’est véritablement retrouvée dans le médium photographique, célébrant toute sa dimension esthétique et sa force de narration. Privilégiant le contact des choses simples, du vrai et même parfois du non-événement, elle reste à l’écoute de ce que lui dictent ses ressentis, son intuition créative. Ainsi, en shootant à l’argentique, elle retrouve cette sensation d’un instant pur partagé avec l’objectif et son sujet, et fige avec parcimonie les éléments qui lui plaisent sans poser d’attente sur le résultat. « Un jour j’ai eu la chance d’échanger en tête à tête avec Joel Meyerowitz. Je lui ai demandé comment il avait trouvé son style – on m’avait plusieurs fois demandé quel était le mien et sans que je sache vraiment l’expliquer, cette question me dérangeait. J’ai adoré sa réponse : “ Ne cherche pas à définir ce que tu shootes, shootes ce qui t’inspire, littéralement, shootes ce qui te fait in-spirer”. Il a mimé cette très brève inspiration qu’on prend naturellement quand on est soudainement touché par un moment de grâce. »

© Anna Leonte Loron© Anna Leonte Loron

L’amour en solitaire

« Chaque hiver je suis nostalgique de l’été passé ou qui arrive », avoue Anna Leonte Loron. Baignés de désinvolture, les clichés de sa série se font le court-métrage d’un mois passé sous le soleil épais d’un ennui rassurant. Rajoutés après tirages de ses images, les sous-titres que l’on peut lire nous racontent une histoire muette, écrite en silence dans l’ombre des passant·es ou des bateaux de pêcheurs. Des moments qui résonnent en chacun·e de nous, dans notre solitude la plus ténue. « Les sous-titres n’étaient pas du tout prévus. À mon retour j’ai imprimé toutes les images que j’avais prises. Sans faire attention, je me suis mise à fredonner une chanson. Je fredonne tout le temps, même les chansons que je ne connais pas – c’est assez insupportable — mais là, chaque jour, à chaque fois que je me remettais sur ces images, je fredonnais cette même mélodie. Jusqu’à m’en rendre compte et la reconnaitre : c’était l’Amour en Solitaire de Juliette Armanet. J’aime croire que ses mots me sont apparus pour venir danser avec mes images. Juliette, si un jour tu me lis, merci, désolée, merci ! », s’amuse-t-elle.

Seule, Anna Leonte Loron l’était, se laissant porter par le ressac des vagues, ou par la présence lointaine de vies humaines. Et au cœur de cette escapade, une douceur expansive se dégage dans l’air. C’est celle que l’artiste a extraite des couchers de soleil, de la lumière de fin de journée qui nous berce tout l’été. Une teinte voilée comme pour nous envelopper auprès d’elle, et que, de « solo » elle passe ses vacances infiniment à deux, avec le reste du monde.

© Anna Leonte Loron© Anna Leonte Loron
© Anna Leonte Loron© Anna Leonte Loron
© Anna Leonte Loron© Anna Leonte Loron
© Anna Leonte Loron© Anna Leonte Loron

© Anna Leonte Loron

Explorez
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Jeune amour, 2024 © Nan Goldin. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Gagosian.
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Ce mardi 8 juillet, Nan Goldin a reçu le prix Women in Motion au Théâtre Antique d’Arles, qui affichait complet. À cette occasion...
11 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Erica Lennard : « L'amitié féminine était une réalité que nous vivions pleinement »
Elizabeth, Californie, printemps 1970. © Erica Lennard. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / La Galerie Rouge.
Erica Lennard : « L’amitié féminine était une réalité que nous vivions pleinement »
Erica Lennard présente Les Femmes, les Sœurs à l’espace Van Gogh dans le cadre de la 56e édition des Rencontres d’Arles. L’exposition est...
11 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #549 : Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella
Andrea © Ainhoa Ezkurra Cabello
Les coups de cœur #549 : Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella
Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella, nos coups de cœur de la semaine, saisissent l’intime, les corps et les relations aux...
07 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nous autres, une ode à l'amitié et à la mémoire queer
Autoportrait avec JEB, E. 9th Street, New York, 1970 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix
Nous autres, une ode à l’amitié et à la mémoire queer
Avec Nous Autres, Donna Gottschalk et Hélène Giannecchini avec Carla Williams, présentée jusqu’au 16 novembre 2025, le Bal signe une...
04 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
L'esthétique des luttes en photographie
L'arrestation du féroce chef mafieux Leoluca Bagarella, Parlerme, 1979. © Letizia Battaglia
L’esthétique des luttes en photographie
La photographie est un acte délibéré. Sa fabrication n’est qu’une suite de choix, d’exclusion et d’inclusion, de cadrage, de point de...
24 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Photographier les récits occultes avec Joan Alvado : Os batismos da meia-noite (1/3)
Os batismos da meia-noite © Joan Alvado
Photographier les récits occultes avec Joan Alvado : Os batismos da meia-noite (1/3)
Le photographe espagnol Joan Alvado compose des essais photographiques où l’étrange, le mythe et la légende s’entremêlent. S’inspirant...
23 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Zooms 2025 : pourquoi Fisheye soutient Lola Cacciarella au Salon de la photo
Bleu Comme Une Orange © Lola Cacciarella
Zooms 2025 : pourquoi Fisheye soutient Lola Cacciarella au Salon de la photo
Depuis quatorze ans, les Zooms du Salon de la photo mettent en lumière la création photographique. Cette année, Fisheye soutient le...
23 juillet 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Les commencements de Claudia Andujar : le regard comme lien
© Claudia Andujar. De la série A Sõnia, São Paulo, SP, vers 1971. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Instituto Moreira Salles
Les commencements de Claudia Andujar : le regard comme lien
Présentée à la Maison des Peintres dans le cadre des Rencontres d’Arles jusqu’au 5 octobre 2025, À la place des autres revient sur...
23 juillet 2025   •  
Écrit par Milena III