« Still Fantasy » : Absalon Kirkeby brouille les pistes

09 novembre 2022   •  
Écrit par Ana Corderot
« Still Fantasy » : Absalon Kirkeby brouille les pistes

Dans son ouvrage Still Fantasy, publié aux Éditions Disko Bay, le photographe danois Absalon Kirkeby nous raconte une histoire minutieusement éparpillée. Savant mélange d’abstraction et de documentaire, ses images nous dévoilent des natures fantasques qui troublent notre perception du réel.

« Absalon Kirkebyjoue constamment avec le support et la personne qui le perçoit. Il sait que les spectateur·rice·s ont tendance à chercher une histoire. Il construit alors ce récit glissant qui prend de mauvais virages, trébuche et se perd. » C’est en ces quelques phrases que Stinus Duch, éditeur chez Disko Bay, introduit le dernier livre d’Absalon Kirkeby. Installé à Copenhague, diplômé de l’Académie royale danoise des beaux-arts et du Goldsmith College de Londres, l’artiste danois s’amuse des convenances. Dans cet ouvrage, Absalon Kirkeby présente une vue « kaléidoscopique » de moments épars de vies. Fruit d’un travail au long cours, le livre rassemble des fulgurances d’un ordinaire trivial s’aventurant dans les confins de l’inopportun, dans les détails que l’œil distrait a du mal à percevoir. « Mon titre –

Still Fantasy fait référence à la nature morte en tant que genre et aux règles formelles qui lui sont associées pour construire une image, tandis que la fantaisie fait référence à la partie plus narrative du livre. Les deux mots représentent les glissements qui existent entre les photographies documentaires et les images construites, qui ne sont que partiellement fondées sur la réalité. Ce titre souligne la relation du livre avec la fiction et celles que les images peuvent créer chez les lecteur·rice·s. » 

Mêlant clichés bruts, sans postproduction, et images retouchées – parfois à outrance –, l’ouvrage fait l’état d’un réel déroutant d’abstraction. Feignant une chronologie incertaine, les images s’appréhendent en réalité avec une structure bien définie. « Still Fantasy est divisé en sept chapitres et a un début et une fin clairs. Le passage d’un chapitre à l’autre n’est peut-être pas facile à reconnaître, mais il fait partie de mes méthodes de travail », explique-t-il. Vouées à une dislocation évidente, ses natures mortes fantasques résistent pour autant dans les pages qui défilent, mais surtout dans la volonté de comprendre ce qui se déroule sous nos yeux.

© Absalon Kirkeby© Absalon Kirkeby

© Absalon Kirkeby

Se perdre en chemin

Absalon Kirkeby joue avec nos émotions et tente de multiples contresens. Par ses interventions sur le médium, il déploie toute sa créativité et nous invite subtilement à en faire de même, en convoquant notre imagination. « La photographie est séduisante, car elle peut donner l’illusion de représenter la réalité, mais elle repose en vérité sur la construction d’un monde d’images. L’abstraction est selon moi un espace ouvert où différentes interprétations peuvent entrer en jeu. Elle donne à réfléchir sur la photographie en tant que médium et forme d’art. », ajoute-t-il. Sciemment, l’auteur dévoile une végétation, des lieux, des scènes, des rues, des intérieurs que nous avons peut-être déjà vus ou vécus. Dans tout cela, il ajoute de l’inconstant, un irréel sous-jacent. Au cœur du livre, certaines pages blanches laissent place au vide, créant ainsi une ambivalence avec la présence d’images. « L’absence se traduit comme l’expression d’un processus où l’on prend le temps de s’interroger sur ce que peut être une image d’un point de vue objectif et d’un désir d’étudier son potentiel. »

Plongé·e·s dans des souvenirs qui n’ont certainement pas existé et qui ne nous appartiennent pas, nous nous rappelons aussitôt que cette histoire plurielle, abstraite s’est faufilée dans notre inconscient pour s’envoler au premier soupir. Et s’il nous semble un temps comprendre le cheminement de l’artiste, nous avons finalement perdu sa trace. « En tant que lecteur·rice vous doutez constamment. Et c’est là tout le dessein d’Absalon Kirkeby. Il ne nous montre pas le chemin, mais laisse l’image libre d’être ce que nous voulons qu’elle soit », conclut Stinus Duch.

 

Still Fantasy, Éditions Disko Bay, 56€, 216 p. 

Retrouvez Absalon Kirkeby pour une signature à Polycopies le 12 novembre à 16h. 

© Absalon Kirkeby© Absalon Kirkeby
© Absalon Kirkeby© Absalon Kirkeby

 

© Absalon Kirkeby

 

© Absalon Kirkeby© Absalon Kirkeby
© Absalon Kirkeby© Absalon Kirkeby

 

© Absalon Kirkeby

© Absalon Kirkeby

Explorez
La sélection Instagram #501 : folie douce
© mtong7 / Instagram
La sélection Instagram #501 : folie douce
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’abandonnent à quelques fantaisies visuelles ou mises en scène surprenantes....
08 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 31 mars 2025 : sorties photographiques
Images issues de Midnight Sun (Collapse Books, 2025) © Aliocha Boi
Les images de la semaine du 31 mars 2025 : sorties photographiques
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les sorties photographiques ont été nombreuses. Ouvrages à paraître, ouverture de festivals...
06 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les Photographiques 2025 : l'image au-delà des apparences
© Sandrine Elberg
Les Photographiques 2025 : l’image au-delà des apparences
Pour sa 37e édition, le festival Les Photographiques présente une programmation audacieuse qui bouscule le regard. Jusqu’au 13 avril au...
05 avril 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
7 à 9 de Chanel : Nick Knight sous toutes les coutures
© Nick Knight
7 à 9 de Chanel : Nick Knight sous toutes les coutures
Le 17 mars dernier, le photographe britannique Nick Knight était l'invité de la deuxième édition du 7 à 9 de Chanel au Jeu de Paume. En...
02 avril 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Circulation(s) : Focus sur la Lituanie
Uprooted © Ieva Baltaduonyte
Circulation(s) : Focus sur la Lituanie
Depuis sa 8e édition, le festival Circulation(s), soutenu par WhiteWall, met en lumière la photographie émergente d’un pays européen en...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Rino Qiu : Le manifeste des petites mains
Shanghai Project © Rino Qiu
Rino Qiu : Le manifeste des petites mains
Dans sa série Shanghai Project, Rino Qiu met en lumière les coulisses de la création d'une photographie de mode. Son regard se pose sur...
10 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Oumayma B. Tanfous : Between I and Lands ou le vertige de l’appartenance
Oumayma Ben Tanfous © 2024
Oumayma B. Tanfous : Between I and Lands ou le vertige de l’appartenance
Photographe et réalisatrice tuniso-canadienne, Oumayma Ben Tanfous signe, avec Between I and Lands, un livre contemplatif, qui dessine...
09 avril 2025   •  
Écrit par Milena III
À Niort, la jeune photographie dévoile un monde en mutation
© Orianne Ciantar Olive
À Niort, la jeune photographie dévoile un monde en mutation
Les Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort 2025 mettent à l'honneur la jeune création et des formats photographiques...
09 avril 2025   •  
Écrit par Costanza Spina