Publié aux éditions La Crête, l’ouvrage Terres Obsidiennes réunit des clichés venus des archives de Guillaume Noury. Une collection d’images aux noirs profonds, construisant un univers sauvage, teinté d’une douce nostalgie.
Ce sont les Éditions La Crête qui ont construit Terres Obsidiennes. Une collaboration entre le photographe Guillaume Noury et les éditeurs Gaëtan Chevrier et Jérôme Blin qui, ensemble, se sont plongés dans les archives de l’auteur pour ressortir quelques trésors. « Je leur avais proposé une large sélection d’images, de manière purement intuitive. Ils les ont regardées attentivement tout en me questionnant sur mes inspirations et ma pratique photographique. Quelques semaines plus tard, ils m’ont envoyé une prémaquette, et je me suis replongé dans mes archives afin de trouver d’autres clichés. Cet aller-retour s’est reproduit quatre fois, jusqu’à ce que la maquette s’équilibre », se souvient l’artiste. De ces échanges émergent des images abstraites, desquelles surgissent la force sauvage des éléments, l’appel impérieux de la nature. Un monde étrange, où les silhouettes des hommes avancent, anonymes, dans un espace en perpétuel mouvement, parcouru par des vents sifflants, des vagues implacables. Un monde où la suie tapisse chaque minéral, chaque objet, chaque protagoniste d’un voile obscur et mystérieux.
En parallèle de cet espace visuel riche, des mots. Ceux d’Amélie Samson, que Guillaume Noury avait rencontrée lors du festival Planche(s) Contact, en 2018. « Une complicité est née de cette rencontre. J’apprécie sa sensibilité, et je savais que son univers pouvait résonner avec le mien », précise le photographe. Une fusion entre vers et images brouillant les frontières entre les médiums pour proposer une poésie visuelle envoûtante.
« La vague brise et reprend
Comme les mots sur la page
Comme la photo sauvage
Un instant vole et rend »
Comme des tigres de papier
« Le réel est une matière première, dans laquelle le photographe pioche pour y trouver des images venues de son intériorité. L’idée est d’utiliser ce réel pour faire apparaître un autre monde. Le médium devient alors une passerelle entre l’extérieur et l’intérieur. Ma façon de vivre, de poétiser mon quotidien, de le rendre furtivement magique »,
déclare Guillaume Noury. Au noir et blanc contrasté de ses créations s’ajoutent quelques compositions aux nuances rouge-orangé. Comme une virée en plein cœur d’un volcan. Car Terres Obsidiennes évoque cette roche particulière, d’un noir de geai, venant recouvrir l’entièreté du récit, le gommer pour ne laisser apparaître à la surface que des fragments d’émotions intenses. « Il est question d’être enfant, parent, de rencontres, d’étreintes, de distance. Un passage dans un cadre bien plus grand que nous. L’allégorie volcanique évoque la figure paternelle, à la fois destructrice et créatrice », explique l’auteur.
Un conte puissant, au contour demeurant flou. Car Guillaume Noury préfère laisser au regardeur le soin de rassembler les indices, et de construire sa propre histoire. Dans ce territoire étrange, aux limites de l’abstraction, seules les sensations demeurent : l’innocence de la jeunesse, les frayeurs insensées, l’envie d’explorer, et, bien sûr, la douceur lancinante de la mélancolie. « C’est comme si on pouvait rappeler des souvenirs à sa guise, des sensations d’enfances, des émerveillements, des peurs, également… Comme des tigres de papier », confie l’artiste. Et, au cœur de ces terres obscures en fusion, naît une nouvelle mythologie. Une odyssée nuageuse dans les montagnes embrumées, peuplée par des ombres inconnues – reflets de notre passé, témoins silencieux de notre présent ou prémices de notre futur. Une escapade dans une nature fantasmée, reflet de tous les possibles, d’où ressortent des bribes d’histoires, celles venues « d’un territoire de l’enfance, d’une nostalgie heureuse et utile », conclut Guillaume Noury.
Terres Obsidiennes, Éditions La Crête, 30€, 88 p.
© Guillaume Noury