« The Heat Equation » : mélodies métalliques

11 février 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« The Heat Equation » : mélodies métalliques

The Heat Equation, opus hybride, réunit les créations de la photographe Joséphine Michel et de l’artiste sonore Mika Vainio. Une œuvre abstraite et hypnotique, réalisée en hommage au musicien, décédé.

« Écho visuel. C’est ainsi qu’on pourrait définir mon approche photographique ; je m’intéresse depuis une dizaine d’années à la relation entre l’image et le son »

, déclare Joséphine Michel. C’est en 2013 que l’artiste commence à travailler avec le compositeur et artiste sonore Mika Vainio. Ensemble, ils publient en 2015 un premier ouvrage-album intitulé Halfway to White. Une réflexion musicale inspirée par les images de la photographe. « En mars 2017, j’ai rejoint Mika à Oslo afin de réaliser son portrait pour la revue française Optical Sound. J’ai remis texte et image au journal le 11 avril, et Mika est décédé le lendemain », explique l’artiste.

Débute alors la conception de The Heat Equation, un second opus hybride, hommage conceptuel au musicien. Fascinée par les créations de son ami, Joséphine Michel s’est immergée dans une routine : « Écouter tous les matins un de ses albums, puis aller photographier des lieux en correspondance avec sa musique. Dans la nature, ou dans les musées de sciences », explique-t-elle. Comme un écho à leur première collaboration, l’ouvrage se construit autour du son, chaque cliché devenant un reflet de la musique, un élan créatif inspiré par les nuances, les notes et les bruits composés par l’artiste. « Il avait un imaginaire de la matière très vaste et profond », précise la photographe.

© Joséphine Michel

À la manière d’un champ énergétique

The Heat Equation

est profondément métallique. Les compositions sonores et visuelles se caressent et se hérissent, formant d’étranges figures. En construisant un univers exclusivement monochrome – « J’avais réalisé le portrait de Mika pour Optical Sound en noir et blanc, il est l’amorce de ce livre. Il m’a semblé absolument nécessaire de poursuivre sans couleur » – Joséphine Michel érige un monde envoûtant. Inspirée par la photographie japonaise des années 1950 à 1970, et par les images expérimentales et abstraites des années 1920, de Germaine Krull à Moholy-Nagy, elle tisse des liens entre microcosmes et macrocosmes, terre et astres. Transcendés par une bande sonore hypnotique et lancinante, les clichés semblent devenir des algorithmes, reprenant vie au boom lourd des basses.

« J’ai choisi de ne pas shooter les gens qu’il aimait, les lieux qu’il habitait, les instruments qu’il utilisait. Il y avait, dans sa musique, un grand imaginaire de la matière, qui est ici reflété comme une pellicule entre la mort et le vivant », confie la photographe. Préférant la suggestion, elle devient la créatrice d’un univers atypique, faisant fusionner hyperréalisme et abstraction. « J’ai pensé l’ensemble à la manière d’un champ énergétique : des additions, soustractions et combinaisons activent le livre à la manière d’un processus chimique », explique-t-elle. Face à ces phénomènes, bercé par la langueur sonore, le lecteur n’a d’autre choix que d’être emporté dans un espace chimérique, où musique et image ne font qu’un.

 

The Heat Equation, Label Touch, 33,33 £, 100 p. 

© Joséphine Michel

© Joséphine Michel© Joséphine Michel

© Joséphine Michel

© Joséphine Michel© Joséphine Michel

© Joséphine Michel

© Joséphine Michel© Joséphine Michel

© Joséphine Michel

© Joséphine Michel

Explorez
Sarah Moon inaugure le nouveau rendez-vous de Chanel autour de la création des images
© Sarah Moon
Sarah Moon inaugure le nouveau rendez-vous de Chanel autour de la création des images
À compter du 5 décembre 2024, le 7 à 9 de Chanel se tiendra tous les deux mois au Jeu de Paume. Gracieusement ouvert à toutes et à...
04 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
AImagine : l'exposition du Hangar qui interroge l'intelligence artificielle
© Pascal Sgro
AImagine : l’exposition du Hangar qui interroge l’intelligence artificielle
Le Hangar à Bruxelles accueillera, du 24 janvier au 15 juin 2025, AImagine - Photography and generative images, une exposition collective...
04 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Souffrance, évasion, exaltation : nos coups de cœur photo du mois
© Austn Fischer
Souffrance, évasion, exaltation : nos coups de cœur photo du mois
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
30 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Make Me Beautiful : Yufan Lu et l’inaccessibilité des standards de beauté
© Yufan Lu
Make Me Beautiful : Yufan Lu et l’inaccessibilité des standards de beauté
Alors que le business de la chirurgie esthétique est en plein boom en Chine, la photographe Yufan Lu, se questionne sur les motivations à...
29 novembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeanette Spicer : femme en trois corps
© Jeanette Spicer
Jeanette Spicer : femme en trois corps
Dans sa série au long cours To the Ends of the Earth, Jeanette Spicer a réalisé un projet ambitieux : capturer trois corps sur douze...
À l'instant   •  
Écrit par Hugo Mangin
Mame-Diarra Niang : photographe de l'évanescence
© Mame-Diarra Niang
Mame-Diarra Niang : photographe de l’évanescence
Remember to Forget, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, est la première monographie française de Mame-Diarra Niang. Dans ses séries...
05 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Paris 2024 : Terrain de jeux pour les photographes
Sarah Aubel / Paris2024
Paris 2024 : Terrain de jeux pour les photographes
De l’émotion, du sport, un moment historique. Trois des 15 photographes commissionné·es par Fisheye Manufacture pour couvrir les Jeux de...
05 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Rebecca Topakian : le destin revisité de Dame Gulizar
Dame Gulizar and other love stories © Rebecca Topakian
Rebecca Topakian : le destin revisité de Dame Gulizar
Jusqu'au 21 décembre 2024, dans le cadre de PhotoSaintGermain et de Un Week-end à l'est 2024, Rebecca Topakian, photographe...
05 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger