« Un dialogue contrasté, entre l’homme et le cheval »

29 novembre 2018   •  
Écrit par Anaïs Viand
« Un dialogue contrasté, entre l’homme et le cheval »

Dans le cadre de la résidence PMU 2018, Julien Magre s’est immergé dans l’univers hippique. Il porte avec son ouvrage La robe et la main un double regard, sur l’homme et le cheval.

Fisheye : La famille et l’autobiographie habitent tes précédents travaux, comment as-tu vécu cette résidence et cette exploration de nouveaux sujets ?

Julien Magre : Ce fut une expérience extrêmement excitante et enrichissante. En observant le monde hippique, ses rituels et ses gestes, j’ai découvert une nouvelle famille. Le rapport intime et la relation étroite entre le cheval et le cavalier m’a vraiment bouleversé. J’ai eu la chance de suivre et d’accompagner un grand entraineur de galop, Nicolas Clément. Ce dernier vit et possède une écurie à Chantilly, au Centre Entrainement France Galop.

Je l’ai suivi de manière très régulière pendant les entraînements, au cœur de la forêt de Chantilly, que je ne connaissais pas. À ses côtés, durant presque quatre mois, j’ai pu m’immerger dans cet univers singulier et rigoureux.

Françoise Vogt, responsable de la résidence PMU, a été à l’écoute et engagée durant tout le processus. Elle m’a accordé son entière confiance et j’ai pu travailler dans une atmosphère très sereine.

Qu’as-tu découvert durant ces quatre mois de travail ?

Le cheval est un animal sensible et compliqué à apprivoiser. Je l’ai vu transmettre ses émotions par son regard. Et j’ai essayé de montrer dans mes images ce ressenti parfois intense et souvent troublant. J’ai découvert la rigueur des entraînements, le suivi médical de ces chevaux qui sont considérés comme des athlètes de très haut niveau. J’ai également assisté à une opération d’un cheval sous anesthésie générale, à la clinique du centre d’entrainement, à Grosbois. Une expérience déroutante et étrange.

© Julien Magre

Première immersion au sein du monde hippique ?

Oui, je ne connaissais absolument pas ce milieu et le cheval n’était pas un animal qui me touchait, ou que je trouvais particulièrement beau. Je ne suis monté à cheval qu’une ou deux fois dans ma vie, avec ma fille. J’ai aussi parié quelques fois sur des courses hippiques, sans jamais rien gagner. Je l’avoue, depuis cette résidence, j’éprouve une grande admiration pour le cheval. Il s’agit d’un animal bien plus sensible que je ne le pensais. J’ai aussi été touché par la passion et l’acharnement des personnes que j’ai pu rencontrer.

Pourquoi documenter ce milieu depuis les coulisses ?

Les coulisses sont rarement montrées. Aussi, il me semblait important de documenter le travail rigoureux et exigeant, visible durant les entraînements ou les soins. Je voulais ensuite échanger avec tous ces cavalier(e)s, vétérinaires et maréchaux-ferrants que l’on ne voit pas. Il me fallait analyser et comprendre.

Enfin, je voulais montrer cette nature imposante et magnifique qui fait partie intégrante de ces « coulisses ».

Le dialogue entre l’homme et l’animal (intelligence humaine/instinct animal) est essentiel dans ce projet, peux-tu nous expliquer ce lien ?

Ce lien m’a semblé évident dès le premier jour de la résidence. Je savais qu’il y avait quelque chose de passionnant et spécial. Un dialogue contrasté, entre l’homme et le cheval. Par exemple, la nature et la domestication, l’abstraction et la construction, le bruit et le silence ou encore la puissance et la vulnérabilité.

Et j’ai toujours été fasciné par cette quête obsessionnelle et quasiment vaine de l’homme à vouloir domestiquer  le cheval. Et finalement, je m’interroge, qui dompte qui ?

© Julien Magre© Julien Magre

Le livre est un support important pour donner une autre existence à tes images, comment as-tu pensé la maquette et le double format de La robe et la main ?

J’ai travaillé avec le studio de graphisme whitepapierstudio qui a trouvé cette idée du double format.

Dès l’origine du projet, j’ai souhaité confronter plusieurs idées et trouver une forme juste pour exprimer des paradoxes. L’animal et l’homme, la nature et la culture, l’inné et l’acquis, le mouvement et l’immobilité… entre autres oppositions. Pour rendre intelligible cette idée, le studio a proposé de superposer, juxtaposer des petites images (représentant des hommes et des chevaux) sur des photos plus grandes (paysages). Les personnages deviennent alors des acteurs qui évoluent dans les décors variés. Françoise Vogt et moi avons pensé cette mise en forme judicieuse et juste.

Enfin, je voulais que le livre soit comme un long travelling  par lequel le lecteur peut s’immerger ou se perdre.

Quelques mots quant au texte, pourquoi avoir choisi la plume de Julien Perez ?

Julien Perez est un auteur et compositeur que je connais depuis plusieurs années. J’aime profondément son travail. En 2013, il a composé une musique (à la façon d’une bande originale de film) qui accompagnait mes images pour une exposition collective, S’il y a lieu, je pars avec vous qui s’est tenue au BAL, à Paris. En 2016, nous avions fait une performance sonore et visuelle au Silencio à Paris, il jouait en même temps que mes images étaient projetées..

Le livre La robe et la main est comme un long travelling contemplatif. Le lecteur est immergé dans ces grandes images de paysages. Je ne voulais pas de texte qui explique le projet, ni de préface ou de texte théorique. J’avais en tête un texte assez court comme une petite nouvelle ou un long poème traversant le livre. Chacun de ses mots devient de petites respirations. J’ai tout de suite pensé à Julien Perez car son écriture est simple mais toujours précise et imagée. Il s’est donc emparé de mes images et a écrit ce magnifique texte, comme un geste, une petite nouvelle énigmatique.

La robe et la main, Filigranes Éditions, 30 €, 176 p

© Julien Magre© Julien Magre

© Julien Magre© Julien Magre© Julien Magre© Julien Magre© Julien MagreCouverture "La robe et la main"

© Julien Magre

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