Dans son ouvrage Unsettled City, le photographe danois M.H. Frøslev chronique ses nuits dans les métropoles russes. Dix ans de photographie entre errances fiévreuses et intimité douce.
« Unsettled City, c’est l’histoire de gens qui trouvent l’amour dans les rues sombres des métropoles, où la nuit peut vous sauver ou vous détruire. » Ces mots de M.H. Frøslev, photographe né à Copenhague en 1988, épousent parfaitement l’atmosphère qui se dégage de son ouvrage. Sombres, ses clichés le sont sans aucun doute. Mais de cette obscurité peuvent jaillir la lumière et la douceur comme la folie et le sang. Dans cet ensemble d’images, presque toutes dans un noir et blanc au grain presque palpable, se dégage un amour sincère du sujet, ses amis, ses maîtresses, des gens de passages. Le feu de l’ivresse et la chaleur de la jouissance l’accompagnent aussi.
À l’origine de ces errances, il y a d’abord une fuite. En quête de lui-même, M.H. Frøslev quitte sa terre natale et s’envole pour Moscou, une boîte de pellicules dans ses bagages. Dans la capitale russe, il cherche à se réinventer, à devenir quelqu’un qu’il aimerait être. Il y passera cinq années, photographiant de façon compulsive son quotidien. « Ma méthode est simple, explique le photographe, se lever tard, avoir de bonnes chaussures, ne pas oublier les films et le boîtier et claquer la porte. Les premières années, j’ai fait ça tous les jours , jusqu’à 15 heures par session. » Il quittera les rues moscovites pour poser ses valises dans une autre métropole du pays, Saint-Pétersbourg, où il poursuivra pendant cinq autres années son projet photographique.
Comprendre mes sentiments
À première vue, les images de M.H. Frøslev pourraient entrer dans la tradition de la photographie sociale. Dans ses vagabondages, il ne chronique pas seulement son quotidien, il témoigne aussi de celui des gens de la nuit, souvent marginaux. Par ses thématiques, on pourrait aussi lui trouver une parenté lointaine avec les Cinq de Boston (dont la représentante la plus connue est sans nul doute Nan Goldin). Peinture de l’intime et proximité avec le sujet photographié sont effectivement au cœur de Unsettled City.
Il y a un peu de tout ça dans l’œuvre de celui qui fut l’assistant de Jacob Aue Sobol, photographe de l’agence Magnum. Mais ce serait aussi réducteur, tant les images de M.H. Frøslev sont toutes marquées par l’expérience personnelle. Comme il le confiait au journal danois Politiken : « Ma présence s’exprime dans les images tremblantes et floues qui décrivent les émotions que je porte en moi : nostalgie, anxiété, amour ou admiration (…) Je photographie parce que ça m’aide à comprendre mes sentiments. »
Unsettled City, publié chez Disko Bay, 53€, 128p.
© M.H. Frøslev