« Unsettled City » : en attendant que la nuit s’éteigne

03 septembre 2019   •  
Écrit par Julien Hory
« Unsettled City » : en attendant que la nuit s'éteigne

Dans son ouvrage Unsettled City, le photographe danois M.H. Frøslev chronique ses nuits  dans les métropoles russes. Dix ans de photographie entre errances fiévreuses et intimité douce.

« Unsettled City, c’est l’histoire de gens qui trouvent l’amour dans les rues sombres des métropoles, où la nuit peut vous sauver ou vous détruire. » Ces mots de M.H. Frøslev, photographe né à Copenhague en 1988, épousent parfaitement l’atmosphère qui se dégage de son ouvrage. Sombres, ses clichés le sont sans aucun doute. Mais de cette obscurité peuvent jaillir la lumière et la douceur comme la folie et le sang. Dans cet ensemble d’images, presque toutes dans un noir et blanc au grain presque palpable, se dégage un amour sincère du sujet, ses amis, ses maîtresses, des gens de passages. Le feu de l’ivresse et la chaleur de la jouissance l’accompagnent aussi.

À l’origine de ces errances, il y a d’abord une fuite. En quête de lui-même, M.H. Frøslev quitte sa terre natale et s’envole pour Moscou, une boîte de pellicules dans ses bagages. Dans la capitale russe, il cherche à se réinventer, à devenir quelqu’un qu’il aimerait être. Il y passera cinq années, photographiant de façon compulsive son quotidien. « Ma méthode est simple, explique le photographe, se lever tard, avoir de bonnes chaussures, ne pas oublier les films et le boîtier et claquer la porte. Les premières années, j’ai fait ça tous les jours , jusqu’à 15 heures par session. » Il quittera les rues moscovites pour poser ses valises dans une autre métropole du pays, Saint-Pétersbourg, où il poursuivra pendant cinq autres années son projet photographique.

© M.H. Frøslev

Comprendre mes sentiments

À première vue, les images de M.H. Frøslev pourraient entrer dans la tradition de la photographie sociale. Dans ses vagabondages, il ne chronique pas seulement son quotidien, il témoigne aussi de celui des gens de la nuit, souvent marginaux. Par ses thématiques, on pourrait aussi lui trouver une parenté lointaine avec les Cinq de Boston (dont la représentante la plus connue est sans nul doute Nan Goldin). Peinture de l’intime et proximité avec le sujet photographié sont effectivement au cœur de Unsettled City. 

Il y a un peu de tout ça dans l’œuvre de celui qui fut l’assistant de Jacob Aue Sobol, photographe de l’agence Magnum. Mais ce serait aussi réducteur, tant les images de M.H. Frøslev sont toutes marquées par l’expérience personnelle. Comme il le confiait au journal danois Politiken : « Ma présence s’exprime dans les images tremblantes et floues qui décrivent les émotions que je porte en moi : nostalgie, anxiété, amour ou admiration (…) Je photographie parce que ça m’aide à comprendre mes sentiments. »

 

Unsettled City, publié chez Disko Bay, 53€, 128p.

© M.H. Frøslev

© M.H. Frøslev© M.H. Frøslev

© M.H. Frøslev© M.H. Frøslev

© M.H. Frøslev© M.H. Frøslev
© M.H. Frøslev© M.H. Frøslev

© M.H. Frøslev© M.H. Frøslev© M.H. Frøslev

© M.H. Frøslev


Explorez
Marilia Destot : dans le paysage sommeille la mémoire du temps qui passe
© Marilia Destot
Marilia Destot : dans le paysage sommeille la mémoire du temps qui passe
Dans Memoryscapes, Marilia Destot poursuit son travail de collages aux lignes épurées. À travers cette nouvelle série au long...
15 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #527 : Éloi Ficat et Vincent Binant
© Éloi Ficat
Les coups de cœur #527 : Éloi Ficat et Vincent Binant
Éloi Ficat et Vincent Binant, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent dans leur promenade lyrique à travers les paysages perdus et...
13 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #526 : Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman
© Rhoda Tchokokam
Les coups de cœur #526 : Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman
Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman, nos coups de cœur de la semaine, redonnent vie à des fragments d’existence. La première les...
06 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu'un pour retrouver les autres
© Boris Binceletto
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu’un pour retrouver les autres
Après Solemar, son premier livre photographique qui explorait la côte Adriatique, Boris Binceletto sort Raï, qui se situe entre la...
17 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Raphaëlle Peria et Fanny Robin remportent l’édition 2025 du BMW ART MAKERS 
© Raphaëlle Peria / ADAGP
Raphaëlle Peria et Fanny Robin remportent l’édition 2025 du BMW ART MAKERS 
Le jury du BMW ART MAKERS s’est accordé à nommer l’artiste Raphaëlle Peria et la curatrice Fanny Robin lauréates de la quatrième édition...
À l'instant   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les 50 ans de la loi Veil : regards photographiques sur l'avortement
© Kasia Strek. The Price of Choice. Granite City, Illinois, USA, 19.07.2022
Les 50 ans de la loi Veil : regards photographiques sur l’avortement
Le 17 janvier 2025 marque le cinquantième anniversaire de la loi Veil, légalisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en France....
17 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Marion Brun : faire résonner l’écho de la nuit et de la couleur
© Marion Brun
Marion Brun : faire résonner l’écho de la nuit et de la couleur
Photographe grenobloise installée à Arles, Marion Brun explore dans sa série echos, la complémentarité des couleurs et des textures, le...
17 janvier 2025   •  
Écrit par Hugo Mangin
Résidence 1+2 : fusion du vivant et des croyances en images
© Alžběta Wolfova, Insect Gaze_3, Photogramme.
Résidence 1+2 : fusion du vivant et des croyances en images
La Résidence 1+2 dévoile son coffret 2024, Fabulae, composé de trois livres photographiques présentant les séries de Céline Clanet...
16 janvier 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine