À Tourcoing, le MUba Eugène Leroy présente en ce moment même L’Incertaine beauté du monde. Consacrée à Valérie Belin, il s’agit de la première rétrospective à proposer une sélection aussi complète de l’œuvre de l’artiste. Des années 1990 à aujourd’hui, aucune série ne semble manquer à l’appel. Dès l’entrée, des bouquets et des corbeilles de fruits nous accueillent vers un antre à l’exotisme impromptu. Quelques pas plus en avant, une vaste galerie plafonnée de verre met en lumière une centaine de clichés juxtaposés qui nous laissent sans voix. Ils nous entourent de toute part et donneraient presque le vertige. Çà et là, quelques fragments de chacun de ses projets se déclinent comme une variation sur le même thème. Au cœur du travail de la photographe réside une recherche étonnante autour de son sujet et de ses diverses représentations. L’esthétique de toute chose révèlerait nécessairement son intériorité la plus profonde.
L’abstraction contre la saturation
Du noir et blanc à la couleur, des objets aux êtres humains, de l’obscurité à la révélation… Sans suivre une chronologie parfaite, la pièce centrale permet d’esquisser en un coup d’œil toute l’évolution de l’œuvre de Valérie Belin. Visiteurs et visiteuses y (re)découvrent notamment les fameuses Black-Eyed Susan, en tête d’affiche, ou les China Girls, « des beautés hitchcockiennes », selon l’artiste, dont les figures lasses expriment les tourments grâce aux arrière-plans saturés qui les recouvrent peu à peu par surimpression. « L’inquiétude vient du fond qui dégage quelque chose de nocif, de destructeur », souligne-t-elle. Plus loin, nous retrouvons les Ballroom Dancers dont le mouvement et les traits semblent figés par l’image. Les vitres qui les protègent reflètent les contours d’une salle distordue, comme les motivations des femmes transgenres qui sont dépeintes à quelques mètres de là dans la série Transsexuel.
Enfin, deux salles adjacentes, exigües cette fois-ci, achèvent l’exposition. Une multitude de photographies habillent ces murs et donnent à voir, pêle-mêle, des mises en abyme de miroirs, des voitures détruites, des moteurs esseulés, des portraits épurés et des capharnaüms au petit format, une série encore inédite. Ces intérieurs, parfois peu reluisants lorsque l’on s’approche de plus près, sont remplis d’objets qui, pareils à des représentations d’un autre genre, en disent long sur celles et ceux qui les occupent. Maîtrisant l’art de la composition, Valérie Belin parvient ainsi à rendre esthétique l’encombrement, qu’il soit physique et virtuel. Seule l’abstraction semble pouvoir transcender l’avalanche de clichés qui saturent l’ensemble de nos sociétés contemporaines.
© Valérie Belin / Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles