Victor Gassmann : « Je crois en la matière »

Il y a 1 heure   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Victor Gassmann : « Je crois en la matière »
Affiche Pictorial Service rue de la Comete 1950 © Archives Picto
Une planche contacte de photo en studio
Photo inauguration Picto © Archives Picto

Arrière-petit-fils de Pierre Gassmann, Victor Gassmann veille sur l’héritage de Picto, laboratoire emblématique qui a façonné le tirage en France. Entre mémoire, exigence artisanale et outils d’aujourd’hui, il raconte ce que « faire image » veut dire en 2025. Rencontre.

Fisheye : Qui était Pierre Gassmann et comment est né Picto ?

Victor Gassmann : Né en 1913 à Breslau, étudiant à Berlin, juif et communiste, il rejoint Paris en 1933. Très vite, il comprend que le tirage n’est pas une simple exécution technique mais une véritable interprétation de l’image. En janvier 1950, il fonde Pictorial Service dans le 7e arrondissement de Paris avec France Gassmann, son épouse, qui assure la retouche. Autour des agrandisseurs et des cuves, et dans les cafés de Montparnasse, se nouent des amitiés fortes avec Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, Chim, William Klein, Willy Ronis, Robert Doisneau, Édouard Boubat. De cette complicité naît une idée fondatrice : photographes et tireur·ses travaillent main dans la main. C’est ainsi que l’ADN de Picto est né.

Quel rôle Pierre Gassmann a-t-il joué dans le tirage en France ?

Il a joué un rôle de fondateur et de visionnaire. En créant Picto, il crée le premier laboratoire professionnel en France. Pierre a également structuré le métier et formé des tireur·ses par dizaines. Grâce à cette formation, de nombreux labos ont par la suite ouverts dans toute la France.

Des argendisseurs
Les agrandisseurs de Picto, 1952 © Archives Picto
VictorGassmann
Secrétaire général de Picto
« Le tirage noir et blanc argentique à l’agrandisseur n’a jamais cessé chez Picto. C’est une pratique vivante, portée par nos tireur·ses, dont l’œil et la main restent au centre de tout. »

Comment est né l’ouvrage qui lui est consacré ?

L’impulsion vient de Patricia Gassmann, petite fille de Pierre. Elle a demandé à Hervé Le Goff, journaliste et auteur, de recueillir et d’écrire le récit, pour fixer la mémoire de Pierre Gassmann. Le livre dit l’essentiel : la complicité auteur·e-tireur·se, le rôle d’interprète, l’artisanat comme moteur, et la nécessité de se réinventer en permanence. On y retrouve le récit de famille qui nous fonde.

Et après Pierre, comment l’histoire se poursuit-elle ? Que rajouteriez-vous aujourd’hui au livre qui lui est consacré ?

La suite s’écrit en famille. Edy Gassmann, le fils de Pierre, ouvre le laboratoire couleur de Montparnasse en 1963, avec Paulette Gassmann, ma grand-mère, qui reste pour moi une présence précieuse et avec qui j’échange encore beaucoup sur l’entreprise. Puis vient Philippe Gassmann, mon père, qui conduit le virage numérique dans les années 1990 aux côtés de Michel Vaissaud. Cette transition a demandé près de dix ans : doutes, investissements, remises à plat des méthodes… Mais Picto est resté indépendant. En 2015, Picto New York voit le jour, marquant une nouvelle étape dans notre histoire. Aujourd’hui, je prépare la suite. Ce qui ne change pas, c’est l’esprit atelier, la place du geste juste, la fidélité à un savoir-faire qui continue de donner un sens humain à la technique.

Quel rôle joue encore le tirage argentique à l’agrandisseur chez
Picto ?

Le tirage noir et blanc argentique à l’agrandisseur n’a jamais cessé chez Picto. C’est une pratique vivante, portée par nos tireur·ses, dont l’œil et la main restent au centre de tout. Les rendez-vous en régie sont notre manière de travailler : on regarde, on écoute, on parle, on ajuste. Le lien entre tireur·se et photographe est la base de notre métier. Un bon tirage n’est pas un effet, c’est un accord trouvé ensemble. Chaque jour, ces échanges se poursuivent, comme à l’époque de Pierre. Ce sont les tireur·ses qui font battre le cœur du laboratoire, comme Thomas Consani, un tireur noir et blanc à l’agrandisseur.

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans Fisheye #74.

Couverture du magazine Fisheye #74
170 pages
7,50 €
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