Voyage maritime en son et en image

02 mai 2018   •  
Écrit par Anaïs Viand
Voyage maritime en son et en image

« Ce soir, ce n’est pas comme d’habitude », annonçait Marc Feldman, l’administrateur général de l’Orchestre symphonique de Bretagne, vendredi 20 avril sur la scène du Couvent des Jacobins, à Rennes. Il y avait un orchestre et un écran. Durant deux soirées-hommages aux hommes et femmes de la mer, photographie et musique se sont mélangés, un magnifique voyage expérimental. Fisheye vous raconte.

À 20h, on regagne les fauteuils rouges du couvent inauguré quelques mois plus tôt. Le public, principalement poivre et sel, s’impatiente. Les lumières s’éteignent. Silence Maestro ! L’arrivée du pianiste François Dumont provoque un tonnerre d’applaudissements … quelques minutes auront suffi pour comprendre pourquoi.

Nul besoin d’avoir fait le conservatoire par apprécier la prestation du virtuose – François Dumont, jouait sans partition. L’orage menaçant, le clapotis de l’eau ou encore le roulement des vagues sur le rivage…très vite, on prend le large.

Petit entracte. Des hommes en noir enlèvent le piano et déroulent un grand écran. Murmures dans la salle puis Anita, un poème symphonique signé Benoît Menut. Un double hommage à Jean Cras – officier de marine et compositeur français et Anita Conti, la première femme océanographe française. 127 clichés d’Anita Conti accompagnent 20 minutes de musique à la fois «  lyrique et introvertie ». Là encore, les images noir et blanc présentées en diptyque nous bercent et transportent aisément sur le pont ou dans une cabine d’un bateau de pêche.  « Bien qu’il y ait un passage puissant et très dynamique qui évoque la tempête, la partition est d’essence plutôt méditative », précise le compositeur. La musique traduit l’émotion du musicien envers cette grande Dame et rappelle ses engagements. Si cette dernière a rationalisé les pratiques de pêche hauturière, elle a dans les années 1940, lancé l’alerte sur la raréfaction des ressources marines.

Le lauréat de la résidence de création L’Atelier des Ailleurs, Julien Gauthier nous livre ensuite sa Symphonie australe. Une création réalisée durant cinq mois, sur la base scientifique de Port-aux-Français, de l’archipel des Kerguelen, au coeur des Terres australes et antarctiques françaises. Une vidéo accompagne une musique instrumentale inspirée des sons de la nature : oiseaux marins ou encore le vent.

Enfin, le célèbre opéra Peter Grimes de Benjamin Britten a été associé aux images de Stéphane Lavoué. Le premier raconte l’histoire tragique d’un pêcheur et le second dévoile de sublimes images tirées de sa série A terre ! des hommes et des femmes dont leur vie est rythmée par la pêche. Le dernier interlude Storm presto con fuoco, composés de vents puissants (cordes) et d’une mer démontée (cuivre) s’accordait parfaitement avec les portraits de Stéphane. Les éléments naturels figurés par Britten deviennent des personnages à part entière, au même titre que les modèles du photographe.

© Stephane Lavoué

© Stephane Lavoué

Composer avec des images : un défi relevé avec brio

Concert-photo ou photo-concert ? Tout dépend de la sensibilité de chacun. Et finalement, est-il nécessaire de trancher ? Pas sûr. « J’aime cette égalité, on ne sait pas qui de la musique et/ou de la photographie prime », confie Florence Drouet, la directrice artistique photo qui a amorcé ce travail avec Marc Feldman il y a deux ans. « Si j’ai toujours cru aux écritures pour écrans, voilà un exercice différent et passionnant », précise-t-elle. Car il ne s’agit pas ici de construire un diaporama original, mais d’« écrire des phrases photographiques selon le rythme de la musique ». Étonnant que ce format n’ait su convaincre davantage de professionnels de la photo. Durant presque deux heures, on assiste à un nouveau dialogue entre image et musique. Si les partitions – musicales et photographiques- ont été écrites ensemble, les images ont été lancées à la musique. « Grant Lliewellyn a dirigé 55 musiciens, plus un autre, qui jouait une partition d’images », résume Florence. Et puis, les images sont soumises aux aléas du spectacle vivant. « Selon comment mange et dort le chef d’orchestre, il jouera plus ou moins vite, une contrainte pour nous », confie Stephane Lavoué.

Si ce format (re)donne vie aux images, il apparaît aussi comme un bel outil de sensibilisation. Comment donc protéger les mers et les océans aujourd’hui ? Aucune réponse n’est apportée, néanmoins les images et la musique subliment notre environnement si précieux et rappellent que rien n’est éternel. Ce concert en images sera rejoué le 8 juin 2020 à l’occasion de la journée internationale de la mer.

© Anita Conti
© ANITA CONTI / AGENCE VU
SELECTION LIVRE “LA DAME DE LA MER”
TRAVAIL DE LA MORUE DANS LES PARCS DU “VIKINGS”
MER DE SVALBARD
1939
N°10563
© Anita Conti
Anita Conti / Agence VU
“Les Terre-Neuvas”
Sélection livre
1956

© Anita Conti

© Stephane Lavoué© Stephane Lavoué

© Stephane Lavoué© Stephane Lavoué

© Stephane Lavoué

Explorez
Marilia Destot : dans le paysage sommeille la mémoire du temps qui passe
© Marilia Destot
Marilia Destot : dans le paysage sommeille la mémoire du temps qui passe
Dans Memoryscapes, Marilia Destot poursuit son travail de collages aux lignes épurées. À travers cette nouvelle série au long...
15 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #527 : Éloi Ficat et Vincent Binant
© Éloi Ficat
Les coups de cœur #527 : Éloi Ficat et Vincent Binant
Éloi Ficat et Vincent Binant, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent dans leur promenade lyrique à travers les paysages perdus et...
13 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #526 : Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman
© Rhoda Tchokokam
Les coups de cœur #526 : Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman
Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman, nos coups de cœur de la semaine, redonnent vie à des fragments d’existence. La première les...
06 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu'un pour retrouver les autres
© Boris Binceletto
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu’un pour retrouver les autres
Après Solemar, son premier livre photographique qui explorait la côte Adriatique, Boris Binceletto sort Raï, qui se situe entre la...
17 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Nos derniers articles
Voir tous les articles
18 séries de photographies qui évoquent des crimes et des faits divers
© Kourtney Roy
18 séries de photographies qui évoquent des crimes et des faits divers
À l’occasion de la sortie de Fisheye #69, nous avons sélectionné une série de projets, publiés sur les pages de notre site, qui...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marilia Destot : dans le paysage sommeille la mémoire du temps qui passe
© Marilia Destot
Marilia Destot : dans le paysage sommeille la mémoire du temps qui passe
Dans Memoryscapes, Marilia Destot poursuit son travail de collages aux lignes épurées. À travers cette nouvelle série au long...
15 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #489 : chambre vermeille
© Maša Stanić / Instagram
La sélection Instagram #489 : chambre vermeille
La couleur rouge a une place toute particulière en photographie. Dans les laboratoires de tirages, elle éclaire la pénombre et révèle...
14 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Entre ombre et lumière, Sarah Moon illumine le 7 à 9 de Chanel
© Sarah Moon
Entre ombre et lumière, Sarah Moon illumine le 7 à 9 de Chanel
La première édition du 7 à 9 de Chanel a réuni, au Jeu de Paume, l’emblématique photographe et cinéaste Sarah Moon, l’étudiante en art...
13 janvier 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas