Nos coups de cœur #403, Lucien Migné et Catherine Walsh documentent le quotidien de travailleurs. L’un part à la découverte des carrières de calcaire égyptiennes, et l’autre des pompes funèbres.
Lucien Migné
Grand voyageur, Lucien Migné, auteur de 30 ans installé à Marseille, a passé plusieurs années à parcourir le monde. En 2014, passionné de 7e art, il se lance dans une formation de prise de vue cinématographique et multiplie les courts-métrages. C’est, il y a environ un et demi, qu’il se tourne finalement vers la photographie, au cours d’un de ses périples. « Je suis parti au Maroc. Je connaissais déjà bien ce pays, cela me paraissait logique de faire mon baptême photo là-bas », explique-t-il. Sociable, l’auteur aime aller à la rencontre d’inconnu·es, chercher un regard, un sourire pour lancer la conversation, et découvrir des groupes, des aventures, des cultures différentes de la sienne. C’est en Égypte qu’il réalise Al-Minya, une série documentant l’exploitation du calcaire, venu de cette ville située à 300 kilomètres du Caire. « C’est l’activité principale de cette région, poursuit-il. À l’aide de machines équipées de scies circulaires surnommées El Fasalah – la faucheuse – les ouvriers découpent progressivement le sol, ce qui projette un nuage de poussière d’un blanc aveuglant. » Des outils provoquant régulièrement des accidents, parfois mortels. Dans cet univers dystopique, où les nuages poussiéreux recouvrent le paysage comme les travailleurs, Lucien Migné imagine une œuvre graphique dans un monochrome maîtrisé. Surgissant du brouillard blanc, les silhouettes des hommes deviennent des spectres communiquant avec les machines funestes. Une mise en scène aux allures postapocalyptiques évoquant les panoramas désertiques de Mad Max.
© Lucien Migné
Catherine Walsh
« Mon approche du médium est instinctive, et un peu sauvage. Je suis autant attirée par l’étrange que par le banal. Et j’aime l’excitation de l’argentique »
, confie Catherine Walsh. Née en Californie, la photographe de 29 ans a grandi en Irlande rurale, avant d’emménager à New York, où elle étudie pour devenir ballerine. « Là-bas, on m’a offert un instantané, et j’ai commencé à documenter mon quotidien dans la ville qui ne dort jamais. Durant la pandémie, j’ai décidé d’abandonner ma carrière de danseuse pour me concentrer sur le 8e art », confie-t-elle. Peu après, elle se lance dans la réalisation de Family Business, une série imaginée en plein confinement, alors qu’elle redécouvrait la campagne irlandaise. « La confection de cercueil est un art que mon grand-père a appris de son cousin. Mon père a organisé ses premières funérailles en 1977, alors qu’il n’avait que 17 ans », confie Catherine Walsh. Entre ombre et lumière, l’autrice rend alors hommage au savoir-faire familial. Compositions étranges, lieux de recueillement et soleil aveuglant se croisent dans ses images, formant une mosaïque dynamique d’une journée de travail ordinaire. « La mort me rend curieuse, ainsi que les choses que les gens font pour se sentir vivants », ajoute-t-elle. Inspirée par les corps en mouvement, les clichés de Guy Bourdin et l’esthétique des films anciens, elle propose une virée atypique dans un commerce peu documenté.
© Catherine Walsh
Image d’ouverture : © Lucien Migné