Marge Vigneau et Manon Genet, nos deux coups de cœur #443, observent le monde avec une attention subtile portée à l’indicible. Pour l’une, c’est dans le voyage que les choses se délient, quand pour l’autre, c’est dans le détail que tout s’écrit.
Marge Vigneau
C’est à la suite d’études en cinéma à Paris que la photographie prend tout son sens et devient, à l’instar du 7e art, un refuge nécessaire pour Marge Vigneau. Espace ressourçant face aux fluctuations du quotidien, et lieu d’apprentissage sur les « vérités » de la société, le médium se conçoit comme un moyen de raconter, documenter et révéler l’autre visage de sa réalité. Aujourd’hui, la photographe et réalisatrice de fiction documentaire déploie tout son art à travers les aléas du paysage et compose sa bibliothèque photographique dans le voyage. « Je suis tombée plusieurs fois au cours de lectures sur le mouvement du réalisme poétique. J’ai la sensation que je m’y affilie d’une certaine manière. Je prends beaucoup les arbres en photo, que je traite comme des personnages. J’imagine qu’ils ont été des humains dans une autre vie. J’ai besoin que mes images rendent compte du réel tout en révélant une poésie invisible à première vue. Un mélange de documentaire et d’images rendues fictionnelles », avoue-t-elle. Raymond Depardon, Cindy Sherman, Wolfgang Tillmans… Dans les influences diverses de Marge Vigneau se dessinent plusieurs dénominateurs communs : ceux de la lumière et de la couleur comme un guide supérieur de l’œuvre. Grâce à leurs teintes nuancées, la photographe s’amuse à faire passer ses clichés dans une dimension plus dense. Comme une manière de révéler l’aura de ses sujets, ou de la nature. « J’adore cette position d’observatrice attentive, prendre conscience que mon œil est de plus en plus alerte aux courbes de l’univers, aux mouvements humains, et de les ancrer dans un contexte social, économique ou politique. Plus j’avance, et plus je me rends compte que les possibilités sont grandes et que j’ai encore beaucoup à apprendre », conclut-elle.
© Marge Vigneau
Manon Genet
D’une nature observatrice, Manon Genet se plaît à étudier les moindres mouvements qui l’entourent, scrutant les êtres, objets et détails alentour. Pratiquant le développement et tirage argentique, l’étudiante en 5e année de l’École supérieure d’art d’Annecy prend le temps de s’intéresser aux pratiques et techniques du médium, afin d’en détenir toutes les subtilités. Saisissant son inspiration dans les noirs profonds de Pierre Soulages, dans la gestion du flou et des couleurs de Saul Leiter ou dans les envolées corporelles de Pina Bausch, la photographe tente de figer les moments de grâce présents dans les instants purement simples. « Le détail amène un changement de point de vue, un changement d’échelle donnant à voir complètement autre chose. Selon moi, nous n’avons pas besoin de savoir où se situent les paysages que l’on capture. Car le paysage en lui-même invite à la contemplation. Il nous plonge à l’intérieur d’un univers singulier, ouvert à l’imaginaire et à l’interprétation », ajoute-t-elle. Dunes de cire, montagnes de lèvres, rivières brûlées… Manon Genet expérimente, cherche les contrastes et la lumière des horizons, se plaît, à la manière d’une chorégraphe, à décortiquer les mouvements du monde, à s’aventurer dans ses moments de chutes, là, juste à côté du sublime. « J’ai cette image qui a été prise en Martinique pendant un voyage de classe l’année dernière. Nous étions sur une plage de sable noir, mélange de sable et de poussière volcanique. En voyant le ressac et les dessins qui se formaient sur le sol, j’ai voulu en garder une trace, d’autant plus qu’à chaque nouvelle vague, tout disparaissait. »
© Manon Genet
Image d’ouverture © Manon Genet