« This is Bliss » : à la recherche du bonheur

22 novembre 2021   •  
Écrit par Julien Hory
« This is Bliss » : à la recherche du bonheur

Dans sa série This is Bliss, Jon Horvath nous emmène au cœur des campagnes de l’Idaho. Dans sa quête du bonheur, il livre un hommage sensible à une petite ville de l’ouest américain.

Les grandes autoroutes américaines n’ont pas fini d’alimenter l’imagerie populaire et les salles de cinéma. Elles se sont imprimées dans les esprits de nombreux spectateurs. Pourtant, c’est parfois en les quittant, en s’engageant dans des itinéraires bis, que des rencontres se font. C’est ce qui est arrivé à Jon Horvath. À un tournant de sa vie, il a pris la route et traversé l’ouest des États-Unis. En se détournant des chemins tout tracés, il a posé fortuitement le pied dans la petite ville de Bliss, dans l’Idaho. Commence alors un projet artistique qui a pris forme au fil du temps. « Ça s’est produit un peu par hasard, confie-t-il. Je conduisais à travers le pays et par une chaude journée, j’ai aperçu un panneau au milieu du désert indiquant  Bliss. J’ai alors décidé de quitter l’autoroute. Je voulais voir à quoi pourrait ressembler le bonheur dans un endroit inconnu ».

La calme commune se perche sur une colline au-dessus de la rivière Snake, lieu prisé des photographes. Aux abords des champs en friche se dressent des granges délabrées et des caves à pommes de terre qui se transformeront en frites pour la population. Les cow-boys chevauchent leur monture et guident leur bétail au pâturage à travers la région. Les habitants se rassemblent aux bars Jenny ou Frank’s. Il se remplissent le ventre au Ziggy’s Gas and Grill. La vie est simple, mais pas simpliste. Le hameau est paisible, mais fier de son humble communauté. C’est à cette ville sans prétention et à ceux qui la vivent que This is Bliss rend hommage.

© Jon Horvath

La rudesse des lieux

Conçue comme un projet transmédia, l’œuvre de Jon Horvath ne se cantonne pas à la photographie. L’artiste a donc joint à ses images des vidéos et des objets qui prennent place dans des installations. Son imagination semble sans limites tant cette ville a imprégné son cœur. « J’ai consommé ma première boisson alcoolisée, une bière, dans le Bliss Saloon. Elle m’a été servie par une femme qui se faisait appeler « Cinderella ». Pour honorer ce moment, j’ai demandé à un souffleur de verre de fondre la bouteille et de la remodeler sous la forme d’une pantoufle. » Une idée pour le moins originale qui révèle la sensibilité de l’auteur.

Mais c’est avant tout par le 8e art que la commune s’offre à nous. Dans sa quête du bonheur, au moment d’entamer une nouvelle vie, Jon Horvath capture des paysages, des portraits. Parfois des détails évocateurs suffisent à planter un décor. Il nous ouvrent ainsi les portes de Bliss. La rudesse des lieux est évidente. « Ce coin de l’Idaho est un peu plus accidenté que le reste de l’État, explique-t-il. Ce sont des étendues plus dures peuplées d’éleveurs et d’ouvriers agricoles. » Pourtant, This is Bliss nous fait voyager en dévoilant un univers où le temps semble s’être arrêté. « Bliss, n’a plus évolué depuis le milieu des années 1970, analyse Jon Horvarth. La construction des routes inter-états a dirigé la circulation loin des campagnes au lieu de les traverser. Par conséquent, une grande partie de l’économie locale a été affectée et la ville a connu un déclin démographique important. »

© Jon Horvath

Un ensemble hétéroclite

N’étant pas originaire de la région, le photographe n’a pas souhaité s’éloigner des préjugés. Il a préféré en jouer. Dans cette contrée dont l’histoire est partie intégrante de celle du pays, il a jonglé entre la réalité et la fiction. « J’étais pleinement conscient que ma première impression serait influencée par les mythes, les stéréotypes, confie-t-il. Je pense que cela a eu un impact sur la façon dont j’ai abordé la partie photographique du projet. En fin de compte, mes images représentent la recherche de sérénité et pas un travail d’historien. » Une démarche qui fait de This is Bliss un ensemble hétéroclite, reflet de l’intériorité de l’auteur et de sa proximité avec le sujet.

De fait, la série proposée par Jon Horvath n’entre pas dans ce mouvement qui s’attache à documenter les zones rurales du Nouveau Monde. Pourtant, il n’ignore pas les particularités de ces territoires. Le rapport à l’environnement et la façon dont sont gérées les ressources ne sont naturellement pas les mêmes que dans les métropoles. Mais d’après le photographe, les campagnes tendent à s’uniformiser : « Je constate que les petites villes sont victimes de la standardisation. Les mêmes restaurants, les mêmes stations-service,  les mêmes commerces… les modèles se répliquent. Il me semble y avoir de moins en moins d’authenticité d’un lieu à l’autre. » Par son regard, Jon Horvath a su faire de Bliss un endroit à part, comme suspendu dans un espace dans lequel il a pu exprimer sa liberté.

© Jon Horvath© Jon Horvath

© Jon Horvath© Jon Horvath

© Jon Horvath© Jon Horvath© Jon Horvath© Jon Horvath© Jon Horvath

© Jon Horvath

Explorez
Regards du Grand Paris : six nouveaux noms s’ajoutent à la commande photographique
© Jade Joannès
Regards du Grand Paris : six nouveaux noms s’ajoutent à la commande photographique
Chaque année, six photographes rejoignent la commande nationale Regards du Grand Paris. Comme son nom le suggère, l’initiative entend...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Présidentielle américaine : polarisation maximale
Kamala Harris lors de la convention nationale démocrate américaine à Chicago, le 20 août 2024. © Natalie Keyssar pour le New Yorker.
Présidentielle américaine : polarisation maximale
Au cœur de la campagne électorale, les photojournalistes ont le pouvoir de capturer la puissance de l’Histoire, mais aussi de dévoiler...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Apiary : Robin Friend et la fête qui célébrait une tentative d'insurrection
© Robin Friend
Apiary : Robin Friend et la fête qui célébrait une tentative d’insurrection
Dans son second livre, Apiary, Robin Friend poursuit son exploration des étrangetés de la culture britannique. En photographiant les...
12 novembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
À PhotoSaintGermain, Tshepiso Mazibuko et Sibusiso Bheka racontent Thokoza
© Sibusiso Bheka
À PhotoSaintGermain, Tshepiso Mazibuko et Sibusiso Bheka racontent Thokoza
L’exposition Ubusukunemini (Day and Night), présentée dans le cadre du festival PhotoSaintGermain, fait dialoguer les travaux des...
12 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Regards du Grand Paris : six nouveaux noms s’ajoutent à la commande photographique
© Jade Joannès
Regards du Grand Paris : six nouveaux noms s’ajoutent à la commande photographique
Chaque année, six photographes rejoignent la commande nationale Regards du Grand Paris. Comme son nom le suggère, l’initiative entend...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Présidentielle américaine : polarisation maximale
Kamala Harris lors de la convention nationale démocrate américaine à Chicago, le 20 août 2024. © Natalie Keyssar pour le New Yorker.
Présidentielle américaine : polarisation maximale
Au cœur de la campagne électorale, les photojournalistes ont le pouvoir de capturer la puissance de l’Histoire, mais aussi de dévoiler...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La nature infestée de Claudia Fuggetti
Metamorphosis © Claudia Fuggetti
La nature infestée de Claudia Fuggetti
Dans Metamorphosis, Claudia Fuggetti compose les interférences artificielles qui existent entre le monde humain et la nature. Sa...
13 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Sabatina Leccia et Clara Chichin : au cœur de la ville, un jardin à préserver
© Clara Chichin et Sabatina Leccia / Lucie Pastureau
Sabatina Leccia et Clara Chichin : au cœur de la ville, un jardin à préserver
Jusqu’au 25 janvier 2025, les œuvres de Sabatina Leccia et Clara Chichin se dévoilent sur les cimaises de la Galerie XII. Intitulée Le...
13 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet