Artiste et réalisateur, Pierre Zandrowicz s’intéresse depuis plusieurs mois à l’intelligence artificielle. Un outil lui permettant de mettre en image les compositions futuristes qui émergent de son imaginaire.
« J’ai toujours interrogé le réel et la notion de mémoire à travers mes photos et mes réalisations. En parallèle, je croise le 8e art et la 3D, j’explore la photogrammétrie, je scanne des objets à partir d’images et je les rephotographie dans des logiciels 3D. Plus récemment, je me suis lancé dans la création de visuels assistée par intelligence artificielle », raconte Pierre Zandrowicz, réalisateur et cofondateur d’Atlas V, une société de production de contenu immersif. Depuis toujours, les expérimentations et les dialogues entre les technologies nourrissent le travail de l’auteur. Alors, lorsqu’il quitte Paris pour New York en septembre 2022, s’éloignant ainsi considérablement de son équipe, il trouve dans l’IA un exutoire créatif passionnant. « C’était d’abord une stimulation intellectuelle. Puis, j’ai réalisé que je pouvais créer des styles d’images ou des atmosphères quasi impossibles à reproduire dans le réel – ou bien avec un budget que je ne possède pas », précise l’artiste.
Au fil de ses essais, il perfectionne sa maîtrise du nouvel instrument. Apprend quels mots clés entrer – la description d’une scène, mais aussi l’appareil, l’optique, l’angle, la lumière, l’ouverture, les costumes, le décor, l’ambiance – pour parvenir à reproduire fidèlement les scènes présentes dans son esprit. Un chemin sinueux comportant son lot d’échecs, puisque les logiciels d’IA interprètent parfois mal les requêtes. « J’en réalise une cinquantaine pour n’en sélectionner qu’une petite dizaine. Souvent, je garde celle qui sort de l’ordinaire : un accident intéressant, une bizarrerie visuelle qui me plaît, un peu comme un glitch ou une rayure artificielle », confie Pierre Zandrowicz. Un véritable travail de « post-photographe » qu’il conclut en retouchant les résultats sur Photoshop pour obtenir des œuvres à l’esthétique cinématographique.
S’aventurer sur les terres de l’impossible
Pour le réalisateur, l’IA n’est qu’un outil supplémentaire dans l’arsenal des artistes. Un moyen de voguer à travers les limbes de l’imaginaire plus facilement. « Lorsque la photographie est arrivée, les peintres ont cru à la mort de la peinture… Je ne pense donc pas que l’IA va tuer ce médium », rappelle-t-il. Inspiré par les mots de Claire Silver – une artiste adepte, elle aussi, de l’intelligence artificielle – qui affirme que « l’appareil photo sert à capturer ce qui est, tandis que l’IA capte ce qui n’est pas », Pierre Zandrowicz entend sortir du cadre du réel pour s’aventurer sur les terres de l’impossible. Composer, grâce à l’outil, des scènes de films qu’il rêverait de réaliser, comme des « haïkus visuels » illustrant des fragments de narrations.
Passionné par la science-fiction, l’auteur joue avec la notion d’inquiétante étrangeté propre à la technologie. Imagine des univers aux frontières du familier et de l’inconnu pour mieux ancrer ses histoires dans cet inconnu qui nous fascinent tous·tes. « J’ai réalisé avec le recul que je place souvent la nature au cœur de mes images, comme si je décrivais un monde postanthropocène ou cette dernière aurait repris ses droits », ajoute-t-il. Nourries par les productions de Terrence Malick, Denis Villeneuve, Andreï Tarkovsky ou encore Chris Marker comme par les paysages oniriques d’Albarrán Cabrera et les mises en scène mystiques de Danila Tkachenko, ses œuvres nous invitent à basculer dans une altérité captivante. Un territoire futuriste aux résonances actuelles. S’affranchissant des contraintes du médium photographique, Pierre Zandrowicz propose, grâce à l’IA, d’effacer les barrières et les contraintes. « J’aime beaucoup essayer différentes choses dans mon travail d’artiste. Et si l’IA fait actuellement débat – notamment sur les plateformes telles que Twitter – je trouve cet outil passionnant. Je pense qu’il ne faut pas l’ignorer ni le rejeter. Au contraire, nous devons nous en emparer pour mieux comprendre ses enjeux et tenter d’en faire une révolution qui nous tire vers le haut », conclut-il.
© Pierre Zandrowicz