Explorer le rapport du corps à la ville de Vichy à travers la pratique chorégraphique, c’est ce que réalisent le photographe et réalisateur Christophe Acker et la danseuse interprète Johana Malédon. One More Dance, résultat d’un travail de résidence, déploie une vision sobre et délicate de celle-ci.
Bernard Plossu avait pour habitude de dire : « L’art le plus proche de la photo, c’est la danse. » Christophe Acker et Johana Malédon – de la compagnie MÂLE – vont même plus loin dans ce rapprochement, et tentent d’imaginer comment confondre les deux disciplines, de mêler une pratique qui consiste à arrêter le temps, avec l’art du mouvement. Car faire danser les corps, la ville et les éléments par le biais de l’image, c’est l’ambition se cachant derrière la création du livre One More Dance (before they take the light away), paru en juillet 2022 aux Éditions Filigranes, et du court-métrage du même nom – tous deux nés de la collaboration entre les deux artistes.
À l’origine de ce projet hybride, il y a une invitation de Christophe Acker à une résidence de quatre semaines à Vichy, dans le cadre du festival Portrait(s), en 2022. En faisant connaissance avec la ville, au fil de ses promenades et de ses contemplations, le réalisateur demeure sur une impression de « figement des choses ». Rapidement, il songe à la chorégraphe pour l’accompagner dans son aventure. Ensemble, iels voguent d’un quartier à l’autre, rencontrent leurs habitant·es. Iels obtiennent également l’accès à toute la ville, avec l’aide du festival, mais aussi de la mairie, des organisations et des associations. Le temps de quelques jours, ce sont donc deux visiteurices qui ont détenu ses clefs, et ont réveillé les lieux.
Faire danser la ville et celleux qui y vivent
One More Dance tisse un récit photographique sans direction apparente dans sa présentation, mais toujours guidé par le désir de montrer les êtres qui œuvrent au mouvement de cette ville et la transforment. Les personnages principaux ? Des élèves d’écoles de danse, une cavalière, une acrobate, un groupe de skateur·ses, des motard·es… De ces décors, entre modernité et laideur, se dégage une imperfection fondamentale, un sentiment de décalage aux frontières du fantasme et du réel. À travers la photographie en mouvement, et la danse à l’arrêt, Christophe Acker et Johana Malédon donnent à voir ce vertige.
La grande force de One More Dance réside dans son appréhension de la danse et de la ville comme un corps. Car celle-ci a un cœur, des veines, des poumons : c’est un organisme vivant. Pour l’articuler, Christophe Acker et Johana Malédon ont imaginé une « écologie des relations », d’après l’expression de Philippe Descola. Iels tissent, tout au long de l’ouvrage, les liens entre mouvement corporels et lignes architecturales. Peut-on parvenir à ressentir la ville comme s’il s’agissait de notre propre enveloppe ? Il n’y a qu’à observer la danseuse, mise en scène par l’œil du photographe, sa conscience du temps et du rythme, sa capacité à sortir d’elle-même par le geste chorégraphique, et l’état de méditation qu’elle atteint. « J’étais à la fois subjuguée par l’Opéra de Vichy, emportée par le vent frais des bords de l’Allier et bercée par les lumières du Kiosque à Musique », confie Johana Malédon. « Regardez attentivement, et vous verrez de la danse partout », déclare quant à lui Christophe Acker, grand amoureux du geste poétique. Il nous faut danser, continuellement danser, nous apprennent-iels, et sans cesse rendre compte de cette danse, car sinon le monde s’arrête. Il faut que le rythme demeure, que les battements du cœur restent réguliers. Que la ville ne s’éteigne jamais.
© Christophe Acker